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Michel Rivard : l’entretien (pas mal) intégral!

Comme ça fait un ‘tit bail qu’on a publié notre article sur Michel Rivard, j’ouvre les valves et déserve l’entretien (pas mal) l’intégral avec l’homme. En prime, j’ajoute quelques extraits audio de l’entrevue. C’est comme si vous étiez ou presque!

Première question pour briser la glace : comment Michel Rivard se sent-il à l’orée du dévoilement d’une nouvelle oeuvre? Confiant? Nerveux? Excité? Y’a faim, y’a soif?

Toutes ces réponses! Confiant, parce qu’entre l’idée de départ de l’album et le résultat qu’on va mettre dans la pochette de l’imprimerie et du pressing, il n’y a pas tant de distance que ça. Je suis partie avec une idée, je suis partie avec une direction d’écriture et elle m’a amené à penser comment je voulais le rendre. Je suis allé chercher les gens que je voulais voir dans ce projet là puis, en fin de compte, on a un produit qui ressemble pas mal à l’idée de départ.

C’est sûr que ça amène une satisfaction. Une satisfaction de sortir du studio de matriçage et de se dire « Bon. OK. On ne peut plus rien changer! C’est ça! » C’est arrêter de rouler dans ma tête tout ce finage. « Est-ce que je devrais mettre ma guitare plus forte ou moins forte? » C’est lâcher prise. C’est fait!

Il y a aussi une fébrilité. Y’en a toujours une. Je n’ai pas le profil du poète maudit qui dit se câlisser de ce que les gens vont en penser. Je n’ai jamais été de même. Je me suis toujours targué de faire de la chanson poétique, mais populaire et donc accessible. J’espère donc que ça va « accéder » à du monde!

En plus, je ne sors pas des disques toutes les années, je les espace un ‘tit peu, c’est à recommencer à chaque fois. Tu te demandes qui va être là. Est-ce que ceux qui me suivent depuis des années vont continuer à me suivre? Est-ce que ça va aller chercher du nouveau monde? Toutes ces réponses? Je ne le sais pas! T’as l’aspect confiant d’un bord, puis le fébrile de l’autre. Je me demande si cet objet-là va devenir pertinent pour d’autres. Je me demande si, à travers toute l’offre… moi j’suis né à l’époque où il y avait quatre groupes au Québec! Là, ça dépasse pis c’est le fun, mais on n’achète pas tout. À travers toute cette offre-là, est-ce que mon album va répondre à certaines demandes? Est-ce que des gens vont se dire « Wow. Je suis content d’avoir acheté ce disque là plutôt qu’un autre! »

Dans votre coffret À ce jour, vous notez : « 8 albums originaux en 31 ans. Ce n’est pas la fin du monde, mais c’est un maudit bon début ». Ces albums-là ont, d’une façon ou d’une autre, marqué le Québec, vous devez en être conscient. Est-ce que le doute vous assaille toujours? Est-ce que ça va être bon ou pas? Comment le monde va le recevoir, etc.?

Le doute fait partie de mon processus depuis le début et va probablement en faire partie jusqu’à la fin. Je suis pour un doute saint, qui fait que je me dis « J’ai écrit une toune pis je suis Michel fuckin’ Rivard alors elle doit être bonne! » Non. Je n’ai jamais été comme ça. Je suis avant tout un artisan qui aime gosser des mots pour qu’ils tombent à la bonne place. Cette préoccupation-là ne m’a jamais quitté. Je suis capable de prendre ma guitare et de chanter ces mots-là, mais ça ne veut pas dire que la chanson est bonne! Ça ne veut pas dire que je devrais peut-être reviser son 2e couplet. Est-ce qu’il amène quelque chose à la suite du 1er? Est-ce qu’il annonce bien le 3e? Toutes ces préoccupations-là, c’est des petits doutes. Écouter une pièce qu’on a fait avec des accompagnent minimalistes et se demander si on ne devrait pas péter le feu dessus ou demeurer très sobre. Oui, on a eu du fun à la faire, mais y’a quand même un doute et il doit faire partie du processus. Le doute et la confiance se chevauchent, comme la vie et la mort. Ça fait partie de la même affaire.

Après X années de ce travail-là, j’ai une connaissance de moi-même assez forte pour pouvoir dire « Je pense que celle-là est bonne. » Je la joue et elle me fait du bien, elle me fait plaisir, j’en suis fier. Qu’il y ait un corollaire à ça – « Oui, mais? » – tout en faisant en sorte que ça demeure sain. Quand ça devient sclérosant, quand ça t’empêche de créer. Je connais des personnes au talent extraordinaire, mais qui sont incapables de finir leurs tounes, parce que finir la toune, c’est la signer, c’est ne plus y toucher et ils se demandent s’ils ont mis tout ce qu’ils avaient à mettre là-dedans, mais non, on n’a pas besoin de mettre tout ce qu’on sait dans une toune ou un disque ou un coffret même. Je crois qu’on a seulement besoin de se servir de ce qu’on a besoin de se servir.

Il ne faut pas que le doute devienne « Ah non! J’ne suis pas sûr! Je le ferai pas! », patati, patata et ce genre de questionnement ne verra jamais le jour chez moi. Si je pars sur un chemin qui ne me mène nulle part, je ne vais pas me morfondre en doutes. Je vais juste arrêter là.

Si on ne peut pas parler d’un album concept, c’était quoi la ligne directrice pour ce disque? Faire différent des Filles de Caleb? S’en inspirer et aller dans le même groove? Juste capturer les chansons qui vous trottaient dans la tête à ce moment-là?

Y’avait une idée de l’écriture au départ. Cet album-là à été écrit d’une façon très organique. Une toune après l’autre, dans un flot je dirais. J’ai fait un peu ce que j’ai fait lorsque j’ai travaillé sur Les Filles de Caleb. En 18 mois, j’ai écrit 36 chansons, paroles et musiques. C’est beaucoup! Ça ne veut pas dire qu’elles sont toutes bonnes, mais, en tout cas, je les ai faites! Je suivais la trame de l’histoire et je les écrivains une par une plutôt que d’en faire une à la fin, puis revenir, etc. J’essayais d’y aller de façon organique, parce que quelqu’un avait écrit une histoire. Dans mon cas, il n’y a pas d’histoire sur ce disque là – il y a plusieurs vignettes à la place -, mais j’ai quand même essayé de suivre ce processus-là.

La première qui est sortie est Roi de rien et elle est sortie alors que je pensais que je n’écrirais plus rien d’ici deux, trois ans. Je pensais que j’étais vide – 36 tounes, paroles et musiques, c’est quand même l’équivalent de trois albums! – pis moi je fais un album aux cinq ans. J’en ai pour un maudit bout! Elle est sortie totalement… je ne m’y attendais pas! Beaucoup inspirée par la ville, par l’automne. Je suis un gars d’automne et l’automne à Montréal est quelque chose dont je ne me tannerai jamais. Roi de rien est sorti à ce moment-là, pas mal formée. Elle n’a pas demandé beaucoup de temps sur la table d’opération (rires). Elle est sortie assez rapidement. Quand la première phrase est arrivée – « J’ai un char, un vieux char… rester chez nous ». J’ai moi-même été heureux. Fier de moi. « Hey! C’est beau, c’est l’fun, ça! Y’a de l’humour pis ça dit quelque chose sur l’appartenance, etc.!” Insconsciemment, j’ai décidé que ça avait l’air d’une première phrase d’album. À en parlant avec les gens près de moi, alors que je pensais que j’avais besoin d’une pause pour me changer les idées, j’ai décidé que, non, cette chanson-là me disait « R’garde, ‘tit cul. C’est ça que tu fais dans la vie? Alors t’as peut-être besoin de vacances, mais ce n’est pas tout d’suite! Écris des tounes! »

Les autres ont donc suivi dans l’ordre. Même l’ordre sur l’album ressemble à l’ordre d’écriture.

Quand j’en ai eu deux, trois. Je me suis rendu à mon petit studio. Je ne peux pas y faire entrer un band, mais c’est bien équipé pour du travail solo. J’ai donc enregistré des démos quand viendrait le temps de chercher des musiciens et je voulais déjà que ça se tienne, sans bizounage. Je m’installais et je chantais en m’accompagnant, sans corrections, rien. J’en ai fait différentes versions et quand je suis tombé sur les bonnes, c’est là que le portrait a commencé à se dessiner : j’ai le goût de travailler avec le Flybin Band, mes musiciens, mes choristes, et j’ai aussi le goût que le public ait accès à ça. Je vais donc faire un album avec mon band où il n’y aura pas de distance entre comment on sonne lorsque nous sommes en réplétion ou lorsque nous sommes en spectacle. C’est un son qui est empreint de beaucoup de télépathie, car nous sommes ensemble depuis des lunes et des lunes. Je me suis dit que je voulais capter ça. Je ne voulais pas que le studio soit un instrument de musique, ou on ajoute des couches pendant des mois ensuite, bien que j’adore ça par moments. Là, je voulais que ça soit simple, simple, simple! On capte l’âme de ces chansons-là, de ce band-là et j’ai confiance en mes musiciens pour ne pas empiéter sur l’âme des chansons – c’est pour ça qu’on est ensemble depuis si longtemps. Après ça, quand on ira en tournée, avec cette même gang-là, ça va être l’extension de ça.

Donc ce projet-là, je l’ai mené à bien avec la complicité d’Éric Goulet. Il a su nous amener exactement à cette place là. Il a été chercher Ghyslain-Luc Lavigne. On a travaillé chez Piccolo. On a capté le plus live possible. Je te dirais qu’à 85 % pour du temps, je m’accompagne quand je chante. D’ailleurs, les versions solos seront offertes en bonus en téléchargement à l’achat du CD ou du vinyle.

De plus, deux pièces en téléchargement gratuit. Une version d’une chanson offerte à Maxime Landry, un petit country ben le fun appelé Paulo qui marche super bien live, mais qui « fittait » avec l’album, j’sais pas pourquoi. Puis Le gars d’en haut, une toune sur le Bon Dieu qui marche aussi bien en show.

Parlez-moi de l’approche dénudée du disque…

J’appelle ça de l’audio-vérité. L’expression n’est pas de moi, mais des Roches. Sur un disque que Robert Fripp avait enregistré avec eux, on pouvait lire : « Recorded in audio-vérité ». Je ne jouerai pas au puriste, on a tout de même corrigé de petites choses, mais sans jamais briser l’âme des pièces. Chaque enregistrement gardé se devait d’avoir une âme. Elle avait beau avoir une faute d’accord, elle avait une âme. On jouait tous ensemble et on le sentait. Pour moi, l’audio vérité, c’est ça. Quand j’ai participé à l’enregistrement de l’album de l’Open Country des Mountain Daisies – qu’Éric réalisait – chez Piccolo. On était tous en rond ensemble pis on jouait et chantait en même temps et on n’a gardé la meilleure prise. Quand j’ai vu ça, j’en ai parlé à Éric après. Je lui ai dit « J’ai eu un ‘tit buzz! » Je nous voyais, le Flybin Band, dans cette salle là tous ensemble…

Est-ce que cette audio-vérité se retrouve aussi dans les textes?

Je suggère des histoires en laissant des trous, en ne disant pas tout, en laissant les gens deviner des bouts. Je chante au « Je » parce qu’il est direct et va bien avec le propos de la chanson. C’est pas nécessairement de moi que je parle, peut-être un peu, peut-être pas pantoute. Y’a une trame derrière chacune de ses chansons, une petite histoire que je raconte à personne. Je propose, plutôt. « Voici les éléments. Join the dots, remplissez les espaces, ajoutez un prénom ici! »

Merci pour tout est une liste d’épicerie de choses que j’aime et de gens que je voulais vraiment remercier… et y’a manque, parce que sinon, là ça serait un album concept d’une toune. Ça dépend des chansons. Je crois que j’ai pas mal toujours travaillé dans ce sens-là. J’ai des chansons plus abstraites, mais ce ne sont pas mes préférées. En général, je suis fier quand une chanson a un pied-à-terre et l’autre qui flotte un peu. Atteindre l’équilibre entre l’histoire et la poésie. Roi de rien, c’est c’est des images de trois, quatre personnes que je connais, mais à ça s’ancrent des images, comme une radio dans une cuisine, un gars qui promène un chien qui a l’air d’un vieux lion… c’est des personnes aperçues dans mon quartier, c’est tel coin de rue, c’est moi des fois… c’est un plaisir pour moi de jouer dans ces eaux-là. C’est aussi une manière. Après autant de temps, ça serait un bête de ne pas avoir de manière que j’essaie de peaufiner.

Vous me le direz si je me trompe, mais je crois que c’est peut-être la pièce la plus « engagée » du disque. Peut-on dire que vous revenez vers la chanson engagée? Corrigez-moi si je me trompe, mais il me semble que depuis le Lac Meech, vous vous êtes fait un peu moins bruyant à ce sujet jusqu’à la montée au pouvoir des Conservateurs, puis un autre « bip » l’année dernière pendant le Printemps Érable…

Au cours de ma carrière, les chansons engagées sont arrivées très sporadiquement, souvent dans l’urgence de vouloir dire quelque chose par rapport à quelque chose qui m’a touché. Dans ce sens-là : oui, mais j’ai de la difficulté avec ce mot-là. Moi je trouve que toutes mes chansons sont engagées dans une espèce de vision du respect de la vie, sur l’ouverture, aimer et écouter les autres. J’essaie de faire passer ces messages davantage que « voilà. Je vais faire une chanson sur le traitement des itinérants autochtones à Montréal » Je ne suis pas un spécialiste ou un militant, je suis un poète qui fait ce qu’il peut avec ses mots. Dans ce sens-là, peut-être que l’urgence d’avoir voulu parler de ce problème-là sans faire de prêchi-prêcha, sans lever le poing, en faisant juste décrire un gars qui dort entre deux immeubles la nuit pis qui est sale de tout ce qui traîne à terre. C’est ma façon à moi de réagir.

Pis le poids de l’engagement, quand il s’agit de voter, j’y vais. Quand il s’agit de manifester, je suis un citoyen engagé quand c’est une pause qui me tient à coeur. J’vais prendre la parole des fois parce que c’est important. Mais il n’y a pas de préoccupation du genre sur ce disque-là. Dans « Merci pour tout », je remercie les flots, les fous, les folles, je parle du printemps, de l’espoir en rouge et bleu… j’aurais pu écrire une toune sur le Printemps Érable, mais je n’avais pas le goût d’être relié à ce point-là un seul événement. Je veux écrire des choses qui restent après. Comme bien du monde, j’ai été éveillé par ça. Ça faisait des siècles que je n’étais pas descendu dans la rue. J’ai eu des frissons de voir des gens de mon âge, des gens plus vieux et des jeunes qui soient là parce qu’il y avait une injustice et merci pour ça.Je ne veux pas me vanter d’être descendu, mais « le fleuve humain qui chante que tout n’est pas perdu », c’est émouvant pour moi. « Qui a tort, qui a raison », c’est une autre histoire. Mon rôle à moi, c’est de passer un ‘tit coup de surligneur sur certaines idées.

En parlant de Montréal, si c’est possible de bifurquer un peu : à la veille des élections, de quoi Montréal aurait besoin, culturellement parlant, selon vous?

J’suis totalement excité par la variété, par la quantité de proposions culturelles qu’on a, qui nous amène à différents échanges avec les communautés. J’suis content de voir les jeunes musiciens d’un certain âge s’accepter. Autant les bands francophones qu’anglophones et “l’interpolénisation” entre les deux. Ce que je demande aux élus, c’est de faire en sorte que Montréal soit de plus en plus ouverte, verte et tolérante.

Mon rêve est toujours le même : je suis nationaliste jusqu’à un certain point. Je suis nationaliste jusqu’à l’ouverture. S’il s’agit de fermeture, je ne suis plus là pantoute. Je crois que le Québec devrait être un pays, mais je crois que le Québec devrait être un pays à l’image de la réalité qu’on vit actuellement et cette réalité là, elle passe aussi par les communautés, etc. Autant que je lutte pour que le français se conserve, autant je suis content de savoir qu’on retrouve pas mal de bands et d’auteurs-compositeurs-interprètes anglophones de talent à Montréal et que ceux-ci connaissent leurs vis-à-vis francophones. C’est ce que je souhaite : que l’ouverture se fasse dans les deux sens. C’est à dire : qu’on réussisse à préserver ce qu’on a à préserver tout en demeurant ouvert et que ça ne se fasse pas que d’un côté, que seulement la communauté francophone soit accoutumée aux artistes anglophones, par exemple; que les anglophones aussi savent aussi qui sont les Louis-Jean Cormier, Marie-Pierre Arthur et compagnie.

Mais j’suis plus un optimiste qu’un polémiste. Je regarde les choses aller organiquement. Y’a 30 ans, on ne mangeait pas de fromage québécois, on ne buvait pas de bières québécoises et puis il y avait quatre groupes à Montréal! (rires) Là, y’en a une centaine et on a une culture de bouffe et une ouverture vers les autres cultures. Je crois qu’il faut rassurer les gens, le reste du pays, que cette ouverture-là ne nous éloigne pas de nos propres valeurs. J’aurais pu écrire une toune sur le Printemps Érable, mais je n’avais pas le goût d’être lié à ce point là à un seul événement. Je veux écrire des choses qui restent après.

Comme c’est le sujet de l’heure, je prends une chance : et vous la Charte, vous en pensez quoi?

J’ai l’impression que je viens de répondre! (rires)

En effet! Je voulais juste m’assurer qu’on faisait bel et bien référence à cette fameuse Charte…

J’fais surtout référence au fait que je n’accepterai rien du gouvernement qui va faire en sorte que de mes ami(e)s se sentiront exclu(e)s, ça s’arrête là. Moi, me faire guérir par un monsieur qui a un turban, qu’est-ce que tu veux que ça me fasse!? Tant que c’est un bon médecin!

Je suis aussi tombé sur des témoignages extraordinaires. Une femme musulmane qui disait, avec un grand sourire, qu’on ne doit pas avoir peur, qu’on ne la force pas à porter le voile, qu’elle n’est pas soumise à un mari intégriste, que c’est son choix et que sa soeur, par exemple, ne le porte pas. Est-ce que ça l’empêche d’être une excellente éducatrice en garderie? Quand elle habille nos enfants pour l’hiver, est-ce qu’elle lui inculque aussi le Coran? Ben voyons donc! J’ai peur que ça alimente les peurs. J’ai aussi entendu un témoignage d’une dame d’Hungtindon, qui disait : “Ben, moi, je suis pour la Charte parce qu’il faut qu’on se protège. Sinon, ils vont nous envahir! Nous autres, quand on va dans leurs pays, faut le mettre leur accoutrement. Sinon, on se fait lapider!” C’est un peu extrême, entendons-nous, mais y’a vraiment des gens qui mélangent tout, qui confondent Al Quaida et cette dame qui travaille à la garderie.

Je ne condamne pas le gouvernement. Je trouve ça un peu électoraliste, mais ça suscite au moins un débat. Mais que le débat reste sain et profitons pour expliquer les différences aux gens. Il y a des différences entre la propagande, le prosélytisme et compagnie. Ça me dépasse! Je trouve que ça va à l’encontre de tout ce que je ressens depuis des années : le plaisir d’entendre une jeune Chinoise avec un accent québécois ou encore de voir quelqu’un manger une poutine avec un voile sur la tête. Je ne monte pas aux barricades. J’attends de voir, car il y a des discussions en cours, mais je souhaite que ça suscite un débat saint. Mais, honnêtement, je ne vois pas comment ça passerait. Il y a trop de gens contre, trop de gens qui peuvent se dire “on veut bien se définir, mais pas faire dans l’exclusion pour des raisons aussi ridicules.” Et c’est des problèmes qui ne sont pas là! Y’en a d’autres et des vrais!

Pour revenir encore une fois à votre coffret. J’aime que le “livre” souffre sur une couverture où vous mentionnez que ce que vous avez fait à ce jour est “un maudit bon début” et que vous invitez les fans à les écouter avec vous puis “relevons les manches et attaquons la suite”. Avez-vous déjà envisagé la retraite, en fait?

On voulait éviter ça. On y a beaucoup réfléchi. Lorsqu’on m’a proposé de sortir un objet de ce type là, ça a été ma première préoccupation. De mon côté, j’avais déjà commencé à écrire. C’était donc clair pour moi que cet objet-là soit ouvert pour la suite. C’était une respiration qui adonnait bien, car j’entamais une nouvelle phase. À ce jour, trois petits points. C’est un signe très fort… C’est tout sauf un bilan de carrière! Ce n’est pas une anthologie non plus, car il manque les “live”, et ce que j’ai fait avec Beau Dommage. C’était un désir de rapatrier. Je trouve ça le fun de pouvoir dire à quelqu’un “Regarde, écoute ça. C’est là que j’en suis.” Je trouvais ça important de le noter. Je ne voulais surtout pas que les gens le prennent comme l’annonce d’une retraite à venir. C’est un mot qui ne fait pas partie de mon vocabulaire.

Honnêtement, j’ai trop de plaisir. Je vous jure que je vais arrêter avant que ça devienne pathétique. Je ne nommerai pas de nom, mais je pense à de vieux chanteurs français qu’on entend le dentier claquer! Un moment donné, quand t’es obligé de chanter assis avec un télésouffleur… Tant que je vais chanter et jouer de la guitare debout, d’avoir du fun et de pouvoir faire de la tournée, j’vais continuer. Tant que je vais pouvoir écrire sans avoir l’impression de radoter, je le ferai. Même que, vu que j’arrive à 62 ans, on ne jouera pas à l’autruche. Le temps rétréci et ma perception du temps aussi. Je vois arriver les jeudis de plus en plus rapidement! Honnêtement, ça se peut même que ça me donne le goût d’en faire plus. Je ne veux rien promettre, mais les parutions d”albums risquent de se rapprocher. Je ne veux plus avoir l’impression que je perds du temps. Je te sortirai pas le cliché du “J’ai encore trop de choses à dire” – parce que je le sais pas, je n’ai pas d’agenda, je m’alimente du quotidien! -, mais encore trop de fun à faire ça!

Site officiel de Michel Rivard : michelrivard.ca

Photo : Raphaël Ouellet