Raphaëlle de GrootAni Deschênes : Art public
Arts visuels

Raphaëlle de GrootAni Deschênes : Art public

Raphaëlle de Groot et Ani Deschênes sont deux jeunes artistes qui ont déjà une expérience certaine dans le milieu de l’art. On se rappellera, par exemple, leur participation à l’événement Bain public (au Bain Saint-Michel) en 1996. A la Galerie Skol, de Groot et Deschênes présentent les résultats d’un travail entrepris à la Bibliothèque centrale de la Ville de Montréal l’automne dernier.

De Groot poursuit une démarche des plus originales sur la notion de trace. Pour Bain public, elle avait utilisé un latex qui, en séchant, avait relevé l’empreinte du sol de la piscine, mais aussi des marques laissées par les usagers (des cheveux, des poils…). Elle s’est, par la suite, intéressée au masque de beauté dont elle s’est enduit méthodiquement le corps. Les fines pellicules ainsi produites, comme un autoportrait nouveau genre, étaient placées dans un projecteur ou un lecteur de microfiches (comme dans les bibliothèques) afin de révéler, en gros plan, les textures de son épiderme.

Avec Lectures, cette artiste devient une parfaite détective. Elle se sert, cette fois-ci, de cette poudre (que l’on a tant de fois utilisée à la télévision dans des séries policières) qui fait apparaître les empreintes digitales. Elle a été consulter des enquêteurs pour en apprendre l’usage. Sur les couvertures de cent soixante livres, elle a prélevé des empreintes et autres résidus laissés par les lecteurs. Cette opération a été exécutée sur place, dans la Bibliothèque, afin de permettre à de Groot d’expliquer sa démarche artistique au public. Celui-ci a même parfois souhaité laisser une ou deux empreintes supplémentaires sur les livres ainsi examinés. A partir de ces prélèvements, l’artiste a établi tout un réseau de fiches de lecture (description physique, étude au microscope…) et de cahiers qu’elle expose. Avec les ouvres de Groot, on comprend que la photo n’est qu’un moyen parmi tant d’autres pour garder une trace de la présence des autres. Marquant.

Quant à Ani Deschênes, elle a placé, telles des bouteilles à la mer, des invitations à la contacter dans des ouvrages techniques sur l’art. En partant d’une simple enquête sur l’impact de ces ouvrages, elle a rencontré un certain nombre de gens avec lesquels elle a entrepris toute une série de dialogues. Ces gens, qui ont répondu à son invitation, forment sa Collection. Mais qu’on ne s’inquiète pas, on est loin du film Collector, avec Terence Stamp qui kidnappait des jeunes filles pour se faire aimer d’elles… Ce répertoire d’individus est plus personnalisé. On pourra y voir des autoportraits et autres objets produits par les invités de Deschênes. Tout cela tente intelligemment de faire éclater les limites habituelles de l’art. Malheureusement, le résultat présenté dans la galerie ne rend pas toujours justice à l’intéressant processus intellectuel et artistique qui le sous-tend.

Avec Mater/Materia, Hélène Sarrazin a transformé (naturalisé, devrait-on dire), l’espace de la petite salle de la galerie. Il faut se pencher pour entrer dans ce qui ressemble à une caverne ou une grotte. Des haut-parleurs y diffusent un son marin proche du bruit des vagues. Sarrazin poursuit ici une manière de travailler qui consiste à dépiauter les parois de leurs surfaces de plâtre. Est-ce l’effet de l’éclairage? Le béton se fait pierre, les inégalités de texture miment des concrétions calcaires. Cette exposition de la structure du mur et du plancher est un geste simple mais qui a sa force critique. Cela s’oppose à la noblesse des matériaux que la bourgeoisie affectionne en architecture et dans tous les arts visuels.
Jusqu’au 14 février
Galerie Skol

Art postindustriel

Au Centre canadien d’architecture se tient une intéressante exposition intitulée La photographie et les transformations de la ville contemporaine: Venise – Marghera. Quinze photographes italiens à travers deux cent trente pièces donnent leurs visions de la zone industrielle à l’abandon qui jouxte la ville de Venise.

Ces photos nous confrontent avec une réalité vénitienne présente dans une majorité de villes du monde postindustriel occidental. D’ailleurs, cette problématique est tellement peu spécifique à Venise que l’on peut s’interroger sur les raisons pour lesquelles on a limité le travail de ces photographes à ce site en particulier.

Ces photographies énoncent au moins deux attitudes vis-à-vis des sites industriels. D’une part, on sent parfois une critique de l’industrialisation qui a créé ces paysages urbains délabrés. Mais, d’autre part, on peut aussi y lire une attirance pour la grandeur presque sublime et romantique de ces espaces étranges et en même temps familiers. Certaines photos nous laissent dans l’embarras, entre ces deux positions. Cela rend certainement compte de l’ambiguïté des attitudes de nos sociétés devant de tels lieux. On sort de cette exposition en ne sachant toujours pas choisir entre la destruction et la conservation (pas toujours facile) de certaines parties de ces espaces.

On se méfiera du retour à la nature un peu cliché des terrains industriels à l’abandon des photographies de Charmet. Mais on remarquera aussi avec grand intérêt les vues délavées de Castella, le fini léché (comme des photos de mode) des troublantes images de Campigotto, le sentiment de gigantisme volontairement ambivalent convié par Barbieri ainsi que le montage entre documents anciens et photos récentes de Guerrieri.

Avec le concours d’Héritage Montréal, cette exposition est accompagnée de conférences sur les problèmes que soulèvent pour les urbanistes les sites industriels désaffectés. Claude Piché discutera au CCA (le 18 février) de la situation du canal Lachine. Le CCA a eu aussi l’intelligente idée, avec la Cinémathèque québécoise, de proposer des films en liaison avec le thème de l’exposition. Jeudi 11 février (à 18 heures), on pourra voir Industrial Symphony number 1 de David Lynch; le 25 février, on présentera Stalker de Tarkovski.
Jusqu’au 25 avril
Centre canadien d’architecture

Peinture fraîche

Au Belgo, à la petite galerie M du B, F, H & G, on présente Pretty Happy Painting. Trois peintres new-yorkais (de la galerie Feature) y sont exposés. On remarquera en particulier le dynamisme de l’ouvre présentée par B. Wurtz, composée d’acrylique, de boutons et de fil à coudre. Les pieds à l’envers de David Moreno ne sont pas mal non plus, quoiqu’on y sente un peu trop des restes du nouvel expressionnisme allemand et de la trans-avant-garde italienne des années quatre-vingt. Quant aux visages de Lazarus, ils ont un côté psychédélique qui n’est pas inintéressant.
Jusqu’au 27 février
Galerie M du B, F, H & G