Alan B. Stone : Tour de ville
Arts visuels

Alan B. Stone : Tour de ville

Avec une production colossale de plus de cinquante mille clichés, le Montréalais ALAN B. STONE était un excellent photographe inconnu. Depuis un an, on ressort de l’ombre le travail (très actuel) de cet artiste.

On avait été agréablement surpris par les photographies d’Alan B. Stone présentées par le commissaire Jean-François Larose, l’été dernier, à l’Écomusée du fier monde. Mort en 1992, Stone était très actif depuis les années cinquante, mais n’avait jamais atteint la notoriété. En collaboration avec les Archives gaies du Québec et l’Écomusée du fier monde, on peut voir au Centre d’histoire de Montréal, place d’Youville, encore un peu plus du travail de ce photographe. Cette fois-ci, on n’a pas uniquement droit à des clichés d’hommes (ou de jeunes hommes) mais aussi (et surtout) à des vues de Montréal.

Malgré la présentation parfois un peu bancale (due à l’exiguïté des lieux), on continue de découvrir une ouvre riche et très belle. Certes, les clichés ne sont pas tous d’une égale valeur, mais plusieurs photos sont exceptionnelles et dépassent de loin le simple document historique que le cadre du Centre d’histoire laisse supposer. Ballots dans un hangar, malheureusement présentée dans un couloir, est d’une qualité artistique vraiment supérieure. Pour ceux qui croiraient que l’intérêt de ces photos se résume à des corps plus ou moins dénudés – ce qui n’est pas un défaut en soi – elle est un exemple du talent de Stone à composer une image.

Certes, on pourra aimer le travail de cet artiste que parce qu’il correspond à une imagerie et à une manière de photographier à la mode de nos jours. Basketteurs, de par la brillance de la peau et par sa mise en scène fascinante autour de corps sportifs, ressemble à un croisement entre des pubs d’Abercrombie & Fitch et de Versace. Une photo représentant un ouvrier de dos, avec ses outils pendant de sa ceinture, publiée dans l’éphémère revue Photography North (lancée par Stone, elle n’eut qu’un numéro), n’a rien a envier à Bruce Weber.

Néanmoins, il y a dans le travail de Stone un talent photographique indéniablement original. On attend avec impatience d’en voir, encore, un peu plus. Un musée de Montréal, plus particulièrement spécialisé en art, et pas seulement dans les phénomènes socio-historiques, sera (qui sait?) peut-être un jour intéressé à mesurer l’ampleur de la production de cet artiste qui a réalisé plus de cinquante mille clichés. Quelqu’un aura-t-il l’idée de publier un ouvrage retraçant la démarche créatrice de ce photographe? On l’espère.

Jusqu’au 6 septembre
Au Centre d’histoire de Montréal

Art et politique

L’automne dernier, Christian Barré, lors d’une exposition collective (dans l’édifice Belgo), avait présenté un Monochrome démocratique bien amusant. Grâce à cette composition de poivre de Cayenne collé sur toile, il s’était permis une critique très épicée de la «cuisine» diplomatique du premier ministre Chrétien pendant la conférence de l’APEC à Vancouver.

Au centre d’exposition Plein sud à Longueuil (dans le même bâtiment que le collège Édouard Montpetit), pour notre grand plaisir, Barré récidive dans cette voie qui consiste à utiliser l’art pour éveiller la conscience politique du spectateur. Avec Médiation, l’artiste fait un peu plus dans le didactique, mais sait néanmoins piquer notre curiosité.

Une imposante tribune de bois, digne de celle qui sert au président Clinton lors de ses conférences de presse, munie d’une petite barrière protectrice, trône au milieu de l’espace. Un micro bien en évidence semble attendre un dignitaire. Cet imposant dispositif est uniquement troublé par un léger son (presque celui d’un moustique) qui semble ne venir de nulle part. Et puis, en s’approchant du micro, on comprend que celui-ci sert en fait de (petit) haut-parleur. En tendant l’oreille et le corps, on saisit qu’il diffuse en français le texte de la Déclaration universelle des droits de la personne. On y entend des énoncés de principe dont un (brûlant d’actualité) statuant que ceux qui sont persécutés dans leur pays ont un droit d’asile dans un autre pays.

En face, une deuxième ouvre intitulée Say What! Say What? montre une vidéo (sans son) où l’on peut seulement voir des lèvres articulant ce qui semble être son titre. Cela crée comme un effet de surdité par rapport à la Déclaration universelle murmurée. Efficace.

Jusqu’au 23 avril
Au Centre d’exposition Plein sud

Peinture ancienne
Regroupant cent sept ouvres (natures mortes, paysages et représentations de personnages) réalisées de la fin des années 20 aux années 60, À la découverte de Goodridge Roberts est la plus grande exposition consacrée à cet artiste depuis celle de 1969 au Musée des beaux-arts du Canada, à Ottawa.

Peintre montréalais mort en 1974, Roberts a pourtant eu droit a plus d’une reconnaissance de la part de ses contemporains: membre de l’Académie royale des arts du Canada, en 1952 il a été sélectionnéavec Alfred Pellan, Emily Carr et David Milne pour représenter le Canada à sa première participation à la Biennale de Venise. On espère toutefois que les ouvres des artistes que nous célébrons aujourd’hui traverseront mieux le temps…

Ce n’est pas que Roberts soit un mauvais peintre. On remarquera en particulier Lac Bernard ainsi que d’autres paysages bien intéressants et quelques portraits. Reste que l’ensemble de cette exposition nous laisse sur l’impression que sa production fut des plus inégales, et parfois même un peu banale. On sent trop la reprise du style d’autres artistes (Hopper, Morandi, Matisse…). Certaines toiles sont même médiocres (Nature morte et nappe jaune ou Nature morte). Si l’on replace cette ouvre dans le contexte occidental de l’art des années 40 à 60, elle n’en déçoit que plus.

Des panneaux explicatifs, avec des titres d’une grande banalité, ponctuent le parcours de cette exposition. Ils ne jouent malheureusement pas le rôle qu’ils devraient, c’est-à-dire montrer l’originalité (guère apparente) de ce travail. On a droit aux «années de consolidation», à la «reconnaissance» et à la «réaffirmation»… Ces textes tirés du catalogue publié uniquement en anglais (!) effectuent un découpage historique du travail de Roberts qui pourrait très bien s’appliquer à n’importe quel autre artiste.

Jusqu’au 13 juin
Au Musée des Beaux-arts
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