Les finissants de Concordia : Pris sur le vif
Arts visuels

Les finissants de Concordia : Pris sur le vif

Cette semaine, exposition des finissants en photographie de l’Université Concordia ne manque pas de panache. Par contre, une installation interactive d’un vieux routier a de quoi faire réfléchir sur les limites du média.

Les finissants du bac en photo à Concordia ont, cette année encore, monté une expo en dehors du circuit des galeries (au 3997, boulevard Saint-Laurent). Voilà de quoi attirer la critique en mal de jeunes talents. D’autant plus que l’ensemble ne manque pas de panache.

Face à l’entrée, Tristan Fortin Lebreton accueille le spectateur… mais pas nécessairement à bras ouverts! Ses portraits de ce qui semble, de loin, des cosmonautes, se révèlent… des policiers casqués et prêts à mettre au pas des manifestants. Du coup, le visiteur n’aura qu’une envie, celle de reculer. Prises lors d’une manif, à Montréal, ces photographies allient avec brio art et documentaire.

Maryse Larivière a, quant à elle, croqué, endormis dans leur lit (ou serait-ce dans le sien?), toute une série de jeunes hommes… grâce à son appareil photographique. Cela est un beau rappel des dormeurs de Sophie Calle ainsi que du sujet d’Endymion endormi, à la mode à l’époque néoclassique. Et Larivière réinvestit ce thème intelligemment, et même un peu politiquement. Belles espiègleries que ces images montrant des corps masculins s’abandonnant au regard d’une femme. Cela change des musées où les corps des filles s’exposent après avoir été saisis par le pinceau (ou le ciseau) de l’artiste mâle. Nouveau féminisme? Ces torses nus ainsi que ces t-shirts – et même parfois ces boxers – bâillants disent ce moment où la superbe de ces garçons se transforme en une certaine fragilité. Un processus de travail où l’oeuvre d’art s’inscrit dans le réel.

Carlos Sanchez propose un croisement des films Le Parrain et Happiness. Ses Model Citizens donnent le frisson. En particulier lorsqu’il montre un petit garçon jouant du violon à côté d’un homme lisant son journal, le pantalon défait. Efficaces également, ces clichés de meurtres (mafieux?), ou enivre celui exhibant une fille en train d’inhaler de la cocaïne à côté d’un sapin de Noël! Le choc vient du fait que l’ensemble a un aspect familial. Bien sûr, plus proche de celui des Damnés de Visconti que de The Sound of Music

Le travail de Mélanie Shatzky, à travers une frise de photos décrivant un appartement aux murs nus et au frigo vide, parle avec intensité d’un monde au quotidien angoissant. À surveiller. Tout comme les images de Gerhard qui traitent de la perte d’innocence. Ses poissons rouges pris dans un bloc de glace disent ces moments de notre enfance (ou de notre vie) où les pulsions sadiques, qui nous habitent parfois, nous poussent à poser des gestes pas très jolis.

Jusqu’au 28 avril
Au 3997, boulevard Saint-Laurent

Le travail hasardeux de Bill Seaman
Certains trouveront que je m’acharne sur le sujet et que je manque de sensibilité vis-à-vis de ce genre de création… Mais – que voulez-vous! – rares sont les installations interactives qui réussissent vraiment à donner forme à ce qu’elles prétendent vouloir faire – c’est-à-dire inclure le spectateur d’une manière intelligente et créatrice dans l’oeuvre d’art. Et ce n’est malheureusement pas la pièce Dés chiffrés de Bill Seaman, présentée à la Cinémathèque québécoise, qui pourra contredire ce constat d’échec.

Cette installation, commandée par le Musée des beaux-arts d’Ottawa en 1996, et reprise à Montréal grâce à la Fondation Daniel Langlois, se veut un hommage à Stéphane Mallarmé et à son célèbre poème Un coup de dés jamais n’abolira le hasard.

Et que nous propose Seaman pour célébrer ce grand moment de poésie et de musicalité? Un système plutôt pauvre et qui tourne très vite en rond. Et où la participation du spectateur se trouve limitée à pouvoir faire jouer tel segment vidéo plutôt que tel autre, ou à écouter le poème de Mallarmé – ou celui en hommage de Seaman – énoncé par une voix monocorde, qui tue tout lyrisme. On dirait un robot lisant un bottin téléphonique (et pas d’une manière dada!).

Reste, peut-être, la musique des machines industrielles montrées dans les séquences vidéo (dans un lien plutôt étrange avec Mallarmé) qui est un peu plus envoûtante…

Un travail hasardeux.

Jusqu’au 22 avril
À la Cinémathèque québécoise

À signaler
À Québec, l’heure est bien au libre-échange… Le centre Le Lieu a organisé des soirées de performances qui permettront la rencontre entre des artistes de la Capitale et de notre Métropole. Après Québec, qui accueillait ces prestations à la mi-avril, c’est au tour de la Galerie Clark, le vendredi 27 avril dès 20 h, d’être l’hôte d’une série de "body-art, poésie conceptuelle, esthétique relationnelle et autres formes d’arts hybrides". Y seront présents: Christian Messier, Hélène Matte, Martin Renaud et Cyrille Bret de Québec; Julie Andrée T, Ziper Tatoum Nothing (Chloë Lum et Yannick Desranleau) ainsi que Zoe Kreye de Montréal.

Ce même soir sera lancé l’ouvrage Art-action 1958-1998, un répertoire

critique de l’activité "performative" mondiale. Renseignements: 288-4972.