Musée d'art contemporain : Visions mondiales
Arts visuels

Musée d’art contemporain : Visions mondiales

Deux expos du Musée d’art contemporain nous confrontent à la violence du monde, aux enjeux de pouvoir qui règlent les rapports entre les êtres.

L’art se doit d’être politique. Mais comment doit-il y arriver sans tomber dans l’illustratif? Voilà la question. L’artiste montréalaise Dominique Blain explore avec méthode, depuis une vingtaine d’années, des problématiques sociopolitiques. Ses œuvres interpellent le spectateur selon une tactique simple mais souvent efficace qui consiste à lui montrer une image qui, au premier coup d’œil, est presque banale. Et puis, en s’approchant, ce spectateur prend conscience que cette image (ou cet objet) anodine est porteuse d’un contenu violent, d’une violence sourde. Un exemple: ce tapis oriental (Rug, 2000) dont les motifs sont en fait des images de mines antipersonnel. Fabriqué pour Blain dans une coopérative au Pakistan, ce tapis pointe tout le système de déréalisation que notre monde occidental vit au quotidien et auquel participent les politiciens avec leur langue de bois, nos systèmes économiques avec leur logique de profit à tout prix, mais aussi très souvent les médias ainsi que le monde de la mode et des arts décoratifs.

Un tapis fabriqué à l’autre bout du monde par des enfants, parfois enchaînés, devient chez nous un bel objet d’art qui sera exhibé dans une revue de mode. Blain reprend souvent dans ses œuvres des images du colonialisme pour nous faire prendre conscience de la pérennité du système d’exploitation du tiers-monde. Dans l’entrevue que vous pourrez lire dans le catalogue de l’expo, Blain soutient d’ailleurs que le monde est mené "par une classe politique et économique de plus en plus puissante et arrogante". Je vous laisse le soin de penser aux politiciens et/ou dirigeants de compagnie que vous voudrez…

On peut bien sûr se demander, comme le fait le commissaire de l’expo Réal Lussier dans cette même entrevue, si de telles œuvres peuvent changer les choses. Ne touchent-elles pas seulement ceux qui sont déjà sensibles à ce type d’art engagé? Blain répond simplement à cette objection: "Je suis maintenant convaincue que chaque geste engagé (…) peut avoir des répercussions dans le monde qui nous entoure, de près ou de loin." Que rétorquer à cela? Nous espérons tous qu’elle a raison.

Mais de bonnes intentions font-elles toujours de bonnes œuvres? Il faut dire combien le travail de Blain vise souvent juste mais aussi comment il devient parfois très littéral. Et je crois encore à cette Modernité qui voulait que les arts visuels résistent à l’illustratif. Chez Blain, la magie du dévoilement n’est pas toujours au rendez-vous. Son œuvre donnant à voir un livre, intitulé The World, encadré par deux bottes d’armée n’est qu’une belle intention. Ailleurs, en montrant des images anciennes de colonisateurs bien lointains, Blain crée chez le spectateur davantage un sentiment de réconfort qu’un sentiment de trouble. Si j’aime son tapis avec ces mines antipersonnel (ou bien, dans Duty Free, ces sacs beiges, que l’on peut trouver dans n’importe quel commerce, imprimés d’images de femmes du tiers-monde peinant au travail), c’est parce qu’il peut nous hanter jusque dans nos vies quotidiennes. Savez-vous dans quelles conditions économiques a été fait ce beau tapis qui est chez vous?

À bras-le-corps
Le monde comme il va: c’est le titre de l’expo de Kamila Wozniakowska au MAC. Et à voir ses œuvres, j’aurais envie de dire qu’il ne va pas bien. Dans ses tableaux, Wozniakowska parle souvent, comme Blain, de violence. Des êtres y sont en lutte. La peintre reprend un code pictural pré-moderne pour lui insuffler un contenu social, une réflexion sur la violence entre individus (abus de pouvoir, vol qualifié…).

Wozniakowska réalise parfois des glissements iconographiques gênants où la dextérité manuelle de l’artiste l’emporte sur le sens véhiculé. Par exemple, remplacer le visage de Louis XIV par celui de Marat me semble être une substitution peu adéquate. Tous les types de pouvoir (et de violence) ne sont pas équivalents.

Deux expos à voir, même si elles correspondent parfois à une rhétorique visuelle un peu ancienne de dénonciation de la violence.

Jusqu’au 18 avril
Au Musée d’art contemporain

Notes Arts visuels

Bourse Plein Sud
Vous avez jusqu’au 27 février pour soumettre votre candidature pour la bourse de la Galerie Plein Sud à Longueuil. Si vous êtes un artiste québécois professionnel ayant moins de dix années de pratique, allez jeter un œil sur le site www.plein-sud.org, vous y obtiendrez toute l’information à ce sujet. Cette bourse de 3000 $ est accompagnée d’une exposition qui aura lieu en 2005 dans les locaux de Plein Sud, ainsi que de la publication d’un opuscule.

Nuit blanche
Nocturne au Musée d’art contemporain. Dans la nuit du 28 au 29 février, dans le cadre du Festival Montréal en lumière, le MAC sera ouvert gratuitement aux visiteurs. L’animatrice Chantal Jolis sera de la fête de 19 h à 2 h du matin et y animera son émission radio Bachibouzouk.