Victor Hernández Castillo : Le baroque contemporain mexicain
Arts visuels

Victor Hernández Castillo : Le baroque contemporain mexicain

L’exposition Les Anecdotes imaginaires de Victor Hernández Castillo marie, avec humour, l’art traditionnel de la gravure mexicaine et le pamphlet politique, adaptés au goût du jour.

Tout juste arrivé du Mexique, Victor Hernández Castillo visite la région pour une dizaine de jours seulement. L’exposition Les Anecdotes imaginaires est présentée à la Galerie de l’École d’art d’Ottawa dans le cadre de son programme de résidences d’artiste.

Hernández Castillo privilégie la technique de la gravure sur linoléum, une forme artistique généralement associée aux illustrations d’ouvrages anciens, aux vignettes ou aux pamphlets. Armé de nombreuses gouges, l’artiste dévaste la surface par des entailles librement exécutées. S’inspirant de Picasso et de Matisse, mais principalement du travail des artisans de la région du Tixtla de Guerrero, il cisèle les premières grandes lignes et laisse ensuite libre cours à son imagination en improvisant les petits scénarios qui composeront l’image finale. On doit scruter les grandes oeuvres de près afin de percevoir toutes les subtilités et la richesse des histoires illustrées. Les lignes sont délicates et forment un captivant capharnaüm visuel. L’artiste commente, sourire aux lèvres: "Mais je suis Mexicain! Nous sommes très "baroques" dans notre esthétique et dans notre façon de nous compliquer l’existence!"

Gravure sur linoléum, encre sur papier.

Sans esquisses et sans idée préconçue, le sculpteur se laisse emporter dans un univers imaginaire et conçoit des créatures tordues et hybrides, mi-hommes, mi-animaux. Inspirés de l’art baroque et de l’esthétique du grotesque, les ténébreux personnages peuplant les oeuvres sont aux prises avec notre monde contemporain et l’animalité des êtres humains: "Je ne comprends pas, comme artiste, comment, avec la mondialisation, les découvertes, la technologie, il peut exister des guerres comme en Irak, et comment on peut se détruire dans notre siècle. Les avancées technologiques n’ont pas été suivies par un enrichissement spirituel", explique Hernández Castillo. Les oeuvres font écho aux questionnements de l’artiste et dépeignent les êtres humains comme des bêtes assoiffées de pouvoir, esclaves de la technologie et obnubilées par l’acquisition de biens matériels. L’artiste utilise toutefois une forme ludique pour exprimer ses préoccupations. En observant les images en détail, l’on aperçoit des balles et des filets. Le jeu constitue une métaphore pour notre société: "Le jeu ressemble aux structures sociales avec sa quête de pouvoir, et tout ceci peut sembler divertissant, mais au bout du compte, il y a une véritable lutte physique et une mutation des comportements des êtres humains." Les gravures évoquent un système où l’on est soit gagnant, soit perdant.

L’artiste puise également son inspiration dans le travail de José Guadalupe Posada. Décédé en 1913 et n’ayant reçu aucune reconnaissance de son vivant, il est maintenant reconnu comme un des plus grands artistes du Mexique, entre autres pour ses illustrations de squelettes se moquant de la bourgeoisie de l’époque. Ses oeuvres sont maintenant associées aux rites entourant la Día de Muertos (fête des Morts), qui est célébrée depuis plus de 3000 ans. Victor Hernández Castillo élaborera un hôtel traditionnel en l’honneur de cette fête.

Questionné quant à la condition de l’art au Mexique, Hernández Castillo raconte qu’il existe présentement un milieu artistique très dynamique. La gravure n’a pas perdu sa vocation pamphlétaire et, motivés entre autres par les récents événements politiques, les artistes font encore de subtils commentaires sociaux, fidèles à leurs traditions.

Jusqu’au 19 novembre
À l’École d’art d’Ottawa
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