Pierre Durette : Le plancher des haches
Arts visuels

Pierre Durette : Le plancher des haches

Pierre Durette présente Peur et Barbarie à Espace Virtuel. Pourquoi ne jouerait-on pas aux cow-boys et aux Vikings?

Vous vous êtes inscrit pour une expérience unique! Un forfait découverte, spécial grandes batailles du monde, à bord d’une machine à voyager dans le temps. Seulement voilà, ladite machine s’est déréglée, mêlant sans distinction les guerriers de la Chine impériale et ceux du Moyen Âge, les sudistes et les soldats romains. Mais tous ces gens semblent s’amuser follement dans cette joyeuse pagaille temporelle et spatiale. Soyez rassurés, c’est sans danger. À moins de scruter trop intensément ces minutieux dessins au crayon de couleur jusqu’à vous abîmer les yeux. C’est que l’artiste qui a réalisé ce corpus d’oeuvres intitulé Dévotions prend un malin plaisir à détailler chaque personnage, à lui donner un costume, une posture, une personnalité. Tel un dieu prismatique coloré… Il appose même un sceau divin sur quelques élus, un point rouge confirmant la justesse de leur ligne de conduite. On peut ainsi voir en privilégié que, par exemple, ce léopard en laisse a plus de sagesse bénie que son maître. L’humour s’introduit dans ces tableaux de belligérances jubilatoires poussées par la même passion candide qu’une guerre menée avec des figurines, ou qu’une partie de jeu de combat, sur planchette rigide ou sur écran.

Pierre Durette a évacué tout contexte matériel, excepté quelques véhicules et fusées qui nous ramènent à notre réalité moderne. Les protagonistes des échauffourées se déplacent sur un sol blanc, vierge, dans une absence de temps et de lieu. Ils se trouvent dans un no man’s land du combattant. Seuls les vêtements renvoient à des périodes historiques que l’on reconnaît. L’habillement représente l’époque et l’identité des figures. La composition des dessins, avec son point de vue éloigné permettant d’englober une plus grande perspective, rappelle le regard divin ou encore les jeux de stratégie militaire (particulièrement sur ordinateur). Ce détachement s’avère efficace pour contempler chaque microdrame constituant la trame complète de cette tapisserie de toutes les invasions. Qu’on remarque ce pauvre bougre en flammes, cet esclave nu ou cet infirme jeté dans l’arène pour le plaisir des biens nantis, on reste amusé par le côté ludique et non moralisateur des oeuvres. À cette fête des affrontements, le mythologique a également été invité. Il a mis son habit d’homme animal, taillé par des couturiers de l’Égypte pharaonique. Pas question de se chamailler avec le monothéisme, ce serait mal venu. Laissons les hommes s’en charger.

Quoiqu’un peu répétitif, l’ensemble forme une proposition pleine d’intérêt. Notons que la sculpture formée de dessins en mouvement s’avère un choix charmant pour dynamiser la salle. Reconstitué dans une vitrine, un improbable événement historique comprend encore une fois plusieurs petites scènes. Ce cavalier tourne en rond à user le sol, ce prisonnier est condamné à se faire exécuter ad vitam æternam. Quant au visiteur, il a envie de ressortir sa boîte de crayons multicolores.

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