Revue 2009/ Arts visuels : Invisibilité publique
Arts visuels

Revue 2009/ Arts visuels : Invisibilité publique

Ce fut une année de questionnements, avec une interrogation centrale: comment faire pour que la création (très forte) de nos artistes retrouve un auditoire plus large?

Cette année fut très marquée par le débat entourant le processus ayant mené à la nomination, le 15 juin dernier, de Paulette Gagnon au poste de directrice du Musée d’art contemporain (MAC). Rarement a-t-on vu le milieu se mobiliser autant. Une journée d’étude sur le MAC a eu lieu le 13 novembre, et un rapport bien construit, avec une multitude de remarques très pertinentes, a été diffusé la semaine dernière (voir l’intégralité de ce texte sur mon blogue). La nomination, au poste de conservatrice en chef du MAC, de la très dynamique commissaire et historienne de l’art Marie Fraser (le 11 décembre) arrivera-t-elle à convaincre le milieu du désir du MAC d’être plus performant? Ça sera à surveiller l’an prochain.

Ce débat a eu le mérite de faire réfléchir à la place de la culture au Québec et au manque de rayonnement de nos artistes sur la scène internationale, canadienne, mais aussi québécoise. Car, répétons-le, nos artistes importants vivants (et morts) sont encore très méconnus du public. Pourtant, nous vivons un moment de très forte création au Québec, autant chez les plus jeunes que chez les plus vieux. Cette année ne fut pas en reste, avec les expos de Mathieu Latulippe et Marc-Antoine K. Phaneuf chez Clark, de Manon de Pauw à la Galerie de l’UQAM, de Yan Giguère chez Optica, de Darren Ell en tournée dans les maisons de la culture, de Geneviève Cadieux chez René Blouin, de Catherine Bolduc au Centre Expression de Saint-Hyacinthe et chez [sas]…

Alors comment expliquer ce manque de visibilité? Nous ne croyons pas vraiment en notre culture. En ce sens, les affiches promotionnelles posées cet été sur le MAC étaient très révélatrices. Au moment où trois artistes canadiennes y étaient présentées (la célèbre et récemment décédée Betty Goodwin qui y avait une rétrospective, Christine Davis et Spring Hurlbut), seules les images du New-Yorkais Robert Polidori occupaient les murs extérieurs du MAC! Mais ce n’est que la pointe de l’iceberg.

Une Biennale qui ne remplit plus sa fonction

En mai dernier, la 6e édition de la Biennale de Montréal a été extrêmement décevante. Et ce n’est pas la première biennale qui fait un flop. Cette édition semblait tout aussi vide que celle de 2004. Nous sommes bien loin des grandes années où Claude Gosselin organisait les glorieux Cent Jours d’art contemporain. Monsieur Gosselin doit avoir le courage de revoir la formule et de repenser à la structure organisationnelle de l’événement afin de lui redonner une crédibilité. Et il faut y donner une plus grande place à des artistes québécois, qui y sont très peu nombreux et souvent peu remarquables. La Biennale de Montréal, cet outil extraordinaire de diffusion, de rencontres (entre nos artistes et ceux de l’étranger), de réflexion est en train de devenir un sujet d’embarras dans le milieu de l’art. L’édition de 2010, avec comme co-commissaires Claude Gosselin et David Liss (directeur du Museum of Contemporary Canadian Art), sera à surveiller attentivement.

Les médias et les arts visuels

Et qu’en est-il de la place des arts visuels dans les médias québécois? Ils y sont presque absents. Et quand ils y sont, ne défend-on pas seulement les médiocres? Cette année fut bien triste dans ce domaine. En novembre, on a vu l’artiste Corno et sa peinture quétaine passer à Tout le monde en parle (émission qui n’invite presque jamais d’artistes en arts visuels). Le même mois, Nathalie Petrowski consacrait un article à André Desjardins, un grand inconnu de la scène canadienne ET états-unienne, car il a été nommé dans la revue Art Business News (revue qui n’a aucune importance dans le milieu de l’art international et dont le sous-titre, très révélateur, est Communicating Solutions for the Art Marketplace). Il aurait suffi à Madame Petrowski de passer un coup de fil à n’importe quel expert de l’art contemporain pour savoir que tout cela ne tient pas la route. Dans les médias, nos critères de jugement en matière d’art sont devenus majoritairement simplistes: la valeur économique et le succès (même le plus insignifiant) aux États-Unis… Nous sommes encore un peuple de colonisés impressionnés par le cash et les paroles des beaux parleurs ayant fait fortune aux U.S.? Où est la valeur intellectuelle dans tout cela? On s’en fout. Think big!

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TOP 5 Arts visuels /

1- Alfredo Jaar et Emmanuelle Léonard au Mois de la photo

Un art engagé montrant comment on peut échapper à l’esthétique publicitaire, léchée et superficielle de la photo contemporaine.

2- BGL à la Parisian Laundry

L’expo Postérité était une riche complexification de leur oeuvre et une lecture critique de la place de l’artiste dans la culture québécoise.

3- Cloaca de Wim Delvoye à la Galerie de l’UQAM

Sa critique du système de consommation et de la merde constante que celui-ci veut nous faire gober était totalement pertinente.

4- Gabor Szilasi au Musée d’art de Joliette

Une rétrospective (en tournée au Musée des beaux-arts d’Ottawa jusqu’au 10 janvier) d’un de nos plus grands photographes, qui a bien mérité le prix Borduas de cette année.

5- Simon Bilodeau chez Art Mûr et à la maison de la culture Frontenac

Avec ces deux solos, ce jeune artiste s’est placé comme un incontournable.