Ghada Amer : Remettre cent fois la main à son ouvrage
Arts visuels

Ghada Amer : Remettre cent fois la main à son ouvrage

Le Musée d’art contemporain (MAC) vient d’inaugurer trois importantes expos, celles de Ghada Amer, de Valérie Blass et de Wangechi Mutu. Débutons cette semaine par Amer, artiste née au Caire et établie maintenant à New York.

Thérèse St-Gelais

ne chôme pas ces temps-ci. Professeure d’histoire de l’art à l’UQÀM, elle faisait partie cet automne de l’équipe du centre Optica qui a élaboré l’expo Archi-féministes! (dont vous pouvez aller voir le second volet jusqu’au 25 février). À la mi-janvier, St-Gelais inaugurait l’expo Loin des yeux près du corps (jusqu’au 18 février) qui regroupe des pièces de Louise Bourgeois, Betty Goodwin, Kiki Smith, Geneviève Cadieux, Marie-Claude Bouthillier… Comme si cela n’était pas assez de travail, elle vient de monter au MAC (en tant que commissaire invitée) une présentation des oeuvres récentes de Ghada Amer, artiste qui a longtemps vécu à Paris et qui depuis quelques années est installée à New York.

Amer brode ses tableaux d’une quantité fabuleuse de fils. À côté d’elle, Pénélope était une fileuse amatrice… Amer brode et brode encore ses toiles, elle y enfile son aiguille avec insistance et passion, elle les pénètre et repénètre constamment pour y élaborer des formes de femmes dans différentes poses érotiques et laisse à la surface du tableau, comme les giclées dans l’action painting, ses fils abandonnés après tant d’efforts… Elle nous montre des femmes à quatre pattes offrant leurs fesses et leur sexe, mais aussi des femmes seules allongées se caressant, des femmes qui entre elles s’amusent…

S’agit-il d’une critique de l’imaginaire érotique masculin? Une appropriation de cet univers avec le désir d’affirmer son propre intérêt pour la sexualité des hommes et des femmes? Nous osons croire qu’il s’agit plus du second terme. C’est ce qui fait certainement l’intérêt de l’art d’Amer. Il est assez rare qu’une femme artiste s’intéresse autant aux images pornographiques. De nos jours, il y a Marlene Dumas et Ghada Amer. La chose est tellement rare que nous pourrions presque douter que la révolution féministe ait libéré les femmes du carcan sexuel dans lequel l’Église et la société conservatrice les avaient enfermées. Peut-on être féministe et "cochonne"? C’est une des leçons que donne Germaine Greer depuis quarante ans!

Le spectateur sera peut-être un peu moins touché par les pièces que Ghada Amer a réalisées avec Reza Farkhondeh. Certaines de leurs oeuvres tombent dans une esthétique kitsch un peu vue. Néanmoins, une collaboration fructueuse.