Paul Maréchal : L'homme qui collectionnait Warhol
Arts visuels

Paul Maréchal : L’homme qui collectionnait Warhol

Le jour, il est conservateur pour Power Corporation. Le soir et les fins de semaine, Paul Maréchal écrit des livres sur Warhol et épluche de vieux Harper’s Bazaar en quête d’illustrations non répertoriées. Cet été, il prête une partie de sa collection au Musée d’art contemporain de Baie-St-Paul.

« J’avais 16 ans quand j’ai vu Warhol pour la première fois. Je l’avais aperçu entre la 22e et 23e rue à New York, tout de noir vêtu et avec sa perruque blanche. Il avait une allure spectrale. »

Quelques années plus tard, le garçon est devenu un homme et (accessoirement) un étudiant en cinéma à l’Université Concordia. C’est à cette époque qu’il verra sa première œuvre de Warhol. Un poster de Mick Jagger des Rolling Stones qu’un galeriste de la Grosse Pomme laissait partir pour 5000 balles. L’avez-vous acheté? « Jamais de la vie. J’étais beaucoup trop pauvre dans ce temps-là! »

Il commencera sa collection beaucoup plus tard,  trois ans après son embauche chez les Desmarais. Et puis, il faut l’écrire, il a été chanceux. « C’est vraiment banal. La première œuvre que j’ai achetée est une pochette de l’album The Painter de Paul Anka. Je l’avais trouvée chez un disquaire sur St-Denis à Montréal. »

 PaulAnka

Fait intéressant : Maréchal est l’auteur d’un catalogue regroupant les pochettes de disques réalisées par Warhol. Il y a Velvet Underground et sa banane, certes, mais une bonne soixantaine d’autres dessins. Son livre sera d’ailleurs réédité dans les prochains mois, dû à une trop forte demande. « Ce qui est tellement intéressant avec Warhol, c’est la variété des médiums. Il faisait des films, de la télé, des installations, du dessin publicitaire, des portraits, de la photo. Il a même été mannequin pour l’agence Zoli. »

Mais peu de gens savent qu’il travaillait autant parce qu’il avait peur de manquer d’argent.

Warhol chargeait moins cher que Richard Avedon et c’est précisément pour ça que le Time Magazine l’engageait. Il était un de ses pigistes qui enchaînait les commandes pour ne pas se faire oublier des clients. Dans les années 50, il deviendra photographe pour être sûr d’avoir du beurre à mettre sur ses toasts  au moment où les rédacteurs en chef se sont tannés des illustrations. « Les gens ont une mauvaise perception de lui à cause de The Factory. Il ne faisait pas tout le temps le party, il ne prenait pas de drogue non plus. C’était un bourreau de travail. »

Paul Maréchal combat une autre fausse impression, celle des détracteurs de Warhol qui questionnent encore son statut d’artiste à part entière. « Il ne faisait pas de distinction entre beaux-arts et art commercial. En fait, il a renoué avec la tradition des grands affichistes européens comme Toulouse-Lautrec avant lui. […] Andy Warhol a toujours été motivé par la commande, stimulé par le défi des contraintes. »

Résolument en avance sur son temps, Andy Warhol s’est fait Nostradamus de son ère en prédisant, notamment, la téléréalité par ses films. Eat en est un bon exemple, un long-métrage mettant en vedette Robert Indiana – créateur de la célèbre sculpture LOVE – qui mange un champignon pendant 40 longues minutes. C’est aussi à Warhol qu’on doit le concept des 15 minutes de gloire, ce que tout être humain allait vivre dans le futur selon lui.

 

Warhol, l’inclassable

« La première moitié du 20e siècle appartient à Picasso et la seconde, à Warhol. […] Picasso, c’est le fun… mais il a fait ben des portraits, des corridas et des natures mortes. Ça n’enlève rien au génie mais Warhol diversifiait davantage ses sujets. » Selon Paul Maréchal, aucun artiste n’avait autant varié ses sujets. Andy Warhol a dessiné, photographié et peint des cannes de soupes Campbell, Marilyn Monroe, des bouteilles de Coca-Cola, une chaise électrique, un devant de voiture Pontiac, un revolver, Mao Zedong, Mickey Mouse, des chaussures pour femmes… Tout ça, dans une esthétique qui lui appartient totalement et qui a été imitée des milliers de fois depuis.

Et, justement, qui serait le plus digne héritier d’Andy Warhol? Le prochain? À cette question, Paul Maréchal se fait prudent. « Ça va prendre du temps avant d’en trouver un autre. » Il évoquera quand même Jeff Koons. Celui qui, peut-être, s’en rapproche le plus. Un avis assurément partagé par Lady Gaga qui lui a, d’ailleurs, confié la création de la pochette de Artpop. Une collaboration qu’Andy Warhol jalouse sûrement du haut du ciel.

 

 

Andy Warhol – Art et image de marque

Du 28 juin au 13 octobre 2014

Musée d’art contemporain de Baie St-Paul

L’exposition sera présentée à partir du 5 novembre au Musée des beaux-arts de Montréal.