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Manifeste du parti démocratiste

Un spectre hante le Québec: le spectre de la faillite démocratique.

On le voit dans les taux de participation aux élections. On le voit chez les jeunes et les vieux, cyniques face à la chose publique. On le voit dans le dégoût pour les chefs et le mépris pour leur coterie. On le voit dans la haine pour les lignes des firmes de spin. On le voit dans la rue, devenue pour plusieurs le seul espoir, plus vrai que l’isoloir.

Derrière les carrés rouges et les casseroles — au-delà des droits de scolarité, du Plan Nord, de la loi 78 et de l’industrie de la construction — ce qu’on entend, c’est le bruit d’une politique qui ne convainc plus.

Le système a fonctionné longtemps. Il a produit, au fil des ans, des hommes et des femmes politiques remarquables. Mais pour un nombre grandissant de gens, il ne ressemble plus à notre époque où l’on veut tout savoir, en temps réel, pour impliquer tous les citoyens, et où on cherche partout une authenticité et une légitimité qu’on imagine perdues.

Tout le monde veut parler des vraies affaires. Mais pour chaque Québécois qui veut hausser les impôts, un autre veut les baisser. Pour chaque entrepreneur qui rêve de prospérité, on trouve un apôtre de la décroissance. Pour chaque défenseur de l’identité nationale on trouve un citoyen du monde. Pour chaque progressiste on trouve un conservateur; pour chaque socialiste un libertarien.

Un seul thème rallie tout le monde, peut-être: le rejet du statu quo. Tous rêvent de voix qui leur ressemblent davantage et de politiciens qui parlent plus vrai.

Il manque de gens au Parlement. Deux ou trois purs et durs, des droitistes, des gauchistes, beaucoup de modérés, quelques artistes, des idéalistes, des pragmatiques, des entrepreneurs, des environnementalistes, des économistes, des spécialistes, deux ou trois excentriques, des mères et des pères, des plombiers et des universitaires.

Peut-être sont-ils déjà là. Mais les gens ordinaires ne le savent pas, même avec Twitter et YouTube, parce que leurs élus sont embrigadés par le système et ses règles, assujettis à la ligne de parti, dépossédés de toute voix authentique et originale.

Le parti démocratiste n’a pas de position économique. Il n’a pas de position identitaire. Il se fout de la souveraineté et du fédéralisme, du plan Nord et du plan Sud, des CPE et des pensions, de la croissance et de la décroissance. Il se fout de la richesse, de son partage, de la justice, des syndicats et même de l’environnement. Il n’a pas de position sur les Nordiques et l’orchestre symphonique, sur Guy Turcotte, Stephen Harper, la famille, la mondialisation et les Bixis. Il ne rêve ni de la France, ni des États-Unis, ni de la coupe Stanley. ll n’a aucune idée.

Sauf une: le renouvellement de nos instances démocratiques. Un système électoral plus proportionnel, des députés plus indépendants, moins de lignes de partis et plus d’initiatives citoyennes. Une politique plus transparente, participative et représentative, moins partisane et, oui, plus authentique.

Le parti démocratiste n’a aucune ambition à long terme. Il veut être fondé et élu, il veut adopter des réformes du mode de scrutin et du financement politique et les modalité d’une nouvelle participation citoyenne, puis s’auto-détruire et déclencher de nouvelles élections, cette fois sur des enjeux de fond. That’s it.

Le parti démocratiste n’existe pas. C’est un rêve, sans doute une utopie. Mais c’est le seul qui me donne parfois envie de me réveiller la nuit pour fonder quelque chose.