BloguesLes vers de tête

La théorie de l’évolution version sous-sol

Entrevue avec Life On Land

théorie de la révolution
C’est dans le sous-sol humide mais accueillant du Divan Orange, mardi dernier, que j’ai partagé une bière avec les quatre membres du groupe Life On Land, quelques minutes avant le lancement de leur tout premier album.
Malgré un trac palpable mais bien canalisé, les gars ont bien voulu jouer avec moi au jeu de l’entrevue, dont je vous résume les moments forts ci-bas.
Mais d’abord, c’est qui, LOL (ben oui les gars, abrégé, ça donne lol. Vous êtes tellement de votre époque!)?

 

À la voix, aux guitares et à l’harmonica, sans compter qu’il est derrière l’essentiel du travail de composition, il y a Jon Richman. Un beau blond au subtil accent anglophone que l’on devine à son nom.
Les percussions sont maîtrisées avec Art par Jean-Denis Boudreault, qui nous cache fort bien son jeune âge par l’étendue de l’expérience qu’il démontre à la baguette.
Guillaume Tessier s’occupe des guitares électriques, banjo et lap steel, fidèle à sa réputation d’homme à tout faire, que j’ai moi-même pu valider à quelques reprises, marteau à la main.
Mark Grand’maison quant à lui, occupe les postes de bassiste et souffre douleur de la formation, comme vous le constaterez sous peu.

 

Credit Antoine Petrecca
Credit Antoine Petrecca

Or c’est sans plus de cérémonie que nous prenons place autours de l’enregistreur et que j’attaque avec la classique à propos des origines du band.

 

 

Jon prend la perche tendue et m’explique que la formation est née il y a cinq ans, mais que les membres actuels se sont greffés au compte goutte. À l’origine, il n’y avait non pas Adam et Eve, mais Jon et Mark, à qui se sont joints Guillaume et Jean-Denis, respectivement deux et quatre ans plus tard.

Et puisque un nom de groupe est presque aussi difficile à trouver qu’une preuve scientifique que Dieu existe, Life On Land n’est officiellement né que l’an dernier, alors que ce nom leur est apparu comme une révélation. En effet les gars valident à grand coup de hochements de tête les propos de Jon, qui m’explique qu’en faisant une recherche Google, l’on obtient des images de la théorie de l’évolution de la vie sur terre, et qu’avec l’aboutissement du premier album, A Season, qu’ils présentent quelques minutes après cet entretien, Life On Land ont enfin l’impression d’être sortis de l’eau.
Quand je leur demande quelle est la plus grande force de chacun, c’est cette fois Jean-Denis qui ramasse la puck, me décrivant ses collègues comme suit.

Jon le travailleur acharné, Guillaume le créatif, et Mark… l’expérimenté, me dit-il, à la fois gêné et amusé par la référence à son âge, ce dernier roulant sa bosse depuis plus longtemps que les autres.
En ce qui a trait à la résolution de conflit, comme dans toute bonne relation de couple me dit-on, la vie de groupe comporte son lot de frictions et chicanes à différents degrés, mais ici on a affaire à des gars qui savent prendre leur place et la céder au bon moment, qui se connaissent bien et savent reconnaître leurs limites.

Ces apprentissages, ils les doivent entre autres à la pièce We are the Morning qui, selon le réalisateur de l’album, Glen Robinson, devait être retravaillée pour y trouver un vrai refrain.
Alors qu’en règle générale, Jon compose les chansons et que Guillaume, Mark et Jean-Denis y vont de leurs arrangements respectifs, cette fois les quatre membres avaient eu à y mettre un peu d’huile de coude. Bon au final, me dit Jean-Denis, amusé, ça n’a rien donné et la pièce est restée telle qu’elle, mais le chemin emprunté pour y arriver valait le détour.

 

Découvrir les qualités de nos collègues dans un contexte de travail acharné est une fort belle chose, mais il est rare que ça se présente sans son lot de défauts. Et quand j’ose cette question, Guillaume Tessier y va d’une confession sans hésitation aucune.
C’est qu’il a un faible pour le gear, en bon français. Autrement dit, l’ami a bien du mal à s’arrêter quand vient le temps d’ajouter une nouvelle pédale, un nouvel instrument. Toujours en quête DU son parfait, il se retrouve assez vite avec beaucoup de technique à gérer.
À un moment donné il faut choisir, je ne suis pas Ben Harper! Me dit-il en riant.

Guillaume Tessier et son jouet
Guillaume Tessier et son jouet

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Mark nous avoue pour sa part être impatient. À voir la réaction des autres, qui se tapent violemment la cuisse, la chose ne semble pas être un mythe. Guillaume renchérit en ajoutant que lorsque son collègue a faim, il est plutôt difficile à négocier. Comme j’ai encore quelques questions en banque, je lui offre nerveusement une barre tendre.

 

***

En rafale

 

CB : Si vous aviez à choisir une chanson que vous auriez à écouter à tous les matins pour les cinq prochaines années, quelle serait-elle?

Guillaume y va pour une chanson du premier album de ALT-J
Jon me lance My Heart will go on, de Céline Dion
(Ben oui c’est ça)
Mark, en fin stratège, veut une pièce de classique de 20 minutes. Le matin, c’est moins gossant selon lui. Notre impatient se connaît.
Jean-Denis veut que je fasse semblant qu’il a répondu.
Donc Jean-Denis choisis My heart will go on, de Céline Dion, mais pour vrai.

 

CB:La chose la plus étrange que vous ayez gagné?

Mark, c’est un 10 vitesses et un cadre de Marc Favreau en Sol, qu’il traîne encore, mais pas là tout de suite.
Guillaume, un lapin en chocolat aussi grand que lui, et c’est qu’il est grand le garçon!
Jon, c’est la victime dans cette histoire. Il n’a jamais rien gagné.
Et Jean-Denis, il veut que je fasse semblant qu’il a répondu. Alors il a déjà gagné un paquet de cartes à jouer arborant des photo érotiques de Michelle Richard.

 

CB : Quelles sont vos plus grandes influences musicales?

Jon nous lance un Bob Dylan assez convainquant
Jean-Denis et Guillaume se battent pour Karkwa
Mais c’est Jean-Denis qui gagne en précisant que le groupe a redéfini sa façon de concevoir le rythme.
Et pour Mark, il s’agit d’un simple mais efficace Radiohead.

 
CB : Nommez un plaisir coupable.
Bon. On sait déjà que Jon aime Céline Dion. C’est sans doute faux, mais il a voulu faire son comique. On va donc lui faire une réputation.
Mark nomme Duran Duran, que perso je n’ai pas honte d’aimer, et Joe Dassin, choix qui pour moi devrait être passible d’une condamnation. Il y a coupable, et coupable.
Il en remet avec Charles Aznavour, et là, je fais une brève dépression. Si Aznavour est un plaisir coupable, mais ou est-ce que le monde s’en va, je vous le demande.
Jean-Denis avoue son faible pour le Cœur de l’Armée Rouge, et enfin, je suis fière de Jean-Denis. Il a répondu à la question,  et l’a comprise.
Pendant que Guillaume admet tripper sur Ou sont passés les dinosaures, chanson obscure à laquelle je n’ai jamais trouvé d’auteur, Mark revient à la charge avec Diane Tell. C’est qu’il est un peu moins bon que les autres au jeu des plaisirs coupables. Ou alors il culpabilise facilement.
Jon se joint finalement à la fête en nommant Coeur de Pirate, et moi je me demande ce qu’elle penserait du fait d’être nominée dans cette catégorie.

 

CB : Qui est le plus difficile à gérer du groupe?

Mark dit que ce doit être lui. Moi je trouve que ça lui fait une belle jambe… Il va finir One Man Band à jouer autant de rôles clés!
Guillaume répond en retard qu’il n’est pas ponctuel. Au moins on peut dire qu’il a de la suite dans les idées.
Jean-Denis souligne son déficit d’attention. Précise qu’il a du mal à s’empêcher de taponner sur ses cymbales.  Mais booon. Pour un percussionniste, de cet âge de surcroit, n’est-ce pas un pléonasme?

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Sur l’entrefaite, quelqu’un arrive avec une tournée de shooters. Or en guise de dernière question, je demande à quoi on bois. Presque à l’unisson, nous levons nos verres à A Season, premier album de Life On Land. Album très mature pour un groupe jeune à qui l’on souhaite une longue vie. Et j’ajouterai que je vous invite à saisir sans hésiter l’occasion de les voir performer sur scène. Le spectacle est solide, les chansons maîtrisées. En plus d’être fort sympathiques, ces gars là sont de vrais métronomes.