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Shining: La fin de tout, de toutes et de tous?(Un entretien avec Niklas Kvarforth)

Ester Segarra

Shining, le groupe de la Suède, donne lieu à un véritable culte. Il faut surtout comprendre que le leader de la formation, Niklas Kvarforth, est un être qui a fait parler de lui par le passé grâce à certaines de ses frasques mémorables. Que ce soit la distribution de lames de rasoir lors d’un concert, son supposé suicide, l’automutilation, les beuveries ou son côté autodestructeur, le parcours de Kvarforth se veut particulier. Lorsque l’opportunité de faire cette entrevue m’a été présentée, j’avais le choix entre une discussion sur le côté extravagant du personnage qu’est Niklas Kvarforth ou tout simplement, y aller en toute simplicité en parlant du nouvel album, le remarquable IX – Everyone, Everything, Everywhere, Ends. En y allant avec la seconde option, je pouvais ainsi laisser le côté flamboyant de la chose et me concentrer uniquement sur l’essentiel : la musique. Entrevue avec Niklas Kvarforth de Shining.    

Den påtvingade tvåsamheten est la première chanson sur l’album. Elle se veut très sombre, dépressive tout en possédant un certain côté plus ambiant. On peut même retrouver des coups de semonces très lourdes qui nous rappellent le tonnerre. Est-ce que cette chanson instrumentale a été placée de façon précise en ouverture de l’album pour donner le ton au disque? 

C’est drôle tu sais, Den påtvingade tvåsamheten est une chanson qui puise son influence d’un thème composé par Danny Elfman. Cela fait un bon bout de temps que cette mélodie me trotte en tête. Même avant l’enregistrement de cet album, j’ai essayé d’incorporer cette mélodie dans l’une de mes chansons. J’y pense depuis le second album de Shining. Étant donné la grande complexité face au travail d’Elfman en général, nous n’avons jamais atteint le point culminant face à cette mélodie pour qu’elle puisse être travaillée comme elle le devait. Nous devions lui rendre justice mais c’était très difficile. Cette fois-ci, Peter Huss (guitariste) a pu faire de nouveaux arrangements pour l’orchestre classique qui joue sur notre album, juste avant que nous entrions en studio. De plus, j’ai souvent eu en tête ce genre d’introduction pour l’un de nos albums. D’habitude, le tout restait sur une tablette et ne se rendait jamais très loin dans le processus créatif. Dans un sens, c’est une véritable conquête pour nous d’avoir pu mettre cette chanson sur l’album.

Nous pouvons ressentir un certain Tom G. Warrior en toi sur la chanson Vilja & Dröm, surtout lorsque tu exprimes tes “UGHH! » qui se veulent dans la même lignée que les siens. J’imagine qu’il demeure une influence majeure pour toi?

Comme de raison, Celtic Frost a eu un impact majeur sur ma vie et leur musique demeure une influence. Cette influence est palpable depuis le premier jour où j’ai commencé à écrire de la musique. Sa marque de commerce, que sont les « UGHH », est quelque chose qui peut se transposer sur toutes les chansons du calibre de Vilja & Dröm. C’est un must, un cri incontournable à faire, vraiment! Mais quand j’y pense, on retrouve pratiquement au moins un “UGGHH” dans chaque chanson de Shining? Les premiers albums du groupe, en plus du fantastique Monotheist, sont parmi les albums les plus influents de toute l’histoire du métal. Nous le savons tous et ce groupe a encore un impact, même encore aujourd’hui. Je ressens encore une certaine tristesse face à la dissolution de Celtic Frost mais je suis un fanatique de son nouveau groupe, Triptykon.

Après cette chanson, tu nous amènes vers un sentier différent avec Framtidsutsikter. La première moitié de la chanson est plutôt, enfumée. Tu chantes avec une voix plus apaisante. La seconde partie nous replonge en mode actif. C’est plus agressif. Que peux-tu nous dire face à cette chanson? Elle représente l’album plutôt bien, je crois.

C’est la dernière chanson que j’ai écrite pour l’album si je me souviens bien. La partie finale de la chanson est arrivée à la suite d’une décision de ma part pendant la session d’enregistrement. Je crois avoir bien fait quand j’y repense. J’ai bien fait de faire à ma tête étant donné que le résultat se veut un voyage plutôt épique. Les paroles sont plutôt difficiles, j’ai de la difficulté à m’y faire mais c’est ce qui fait que c’est ce qu’il y a de mieux. Nous pensions que les gens allaient la détester. Nous étions en pourparlers avec notre maison de disque, Season of Mist, pour décider quelle chanson allait se retrouver comme étant celle qui allait servir à promouvoir l’album. Étrangement, c’est elle qui a reçu l’approbation de la part de biens des gens. C’est plutôt surprenant.

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Comme d’habitude, nous retrouvons 6 chansons sur l’album. Est-ce que tu te présentes en studio avec 6 chansons, seulement? Tu les travailles et tu les sors, peu importe ce qui arrive? Ou bien tu as plus de matériel et tu en choisis 6?

Je termine toujours un album, non seulement pour ce qui est de la musique et des paroles, mais aussi pour tout ce qui se rapporte aux images, la pochette et tout ce qui entoure le produit avant d’aller en studio. Quand je vais en studio, la base se veut existante. Quelques semaines avant d’entamer le processus d’enregistrement, je m’assois avec ma guitare et je laisse défiler les images qui sont en relation avec cet album. Le tout se passe dans ma tête. Je laisse venir à moi les riffs qui sont enfouis dans le fond de ma pensée. Il y a donc un transfert de ma tête jusqu’au bout de mes doigts. C’est une méthode qui se veut exigeante. Il semblerait que ce ne sont pas tous les musiciens qui peuvent travailler de la sorte car c’est très demandant. Peu importe… Le point principal reste que, je finis toujours avec 6 chansons à la fin du processus. Je ne sais pas pourquoi. Je ne peux vraiment pas expliquer pourquoi.  C’est peut-être que je le fais de manière inconsciente. C’est peut-être que ma façon de travailler est devenue familière et que mes habitudes se veulent traditionnelles.

En parlant de ce concept de 6 chansons par album, d’habitude, nous retrouvons une pièce instrumentale à la position #5. Sur cet album, la chanson en position 5 est Inga broar kvar att bränna. Elle n’est pas instrumentale, c’est la première de l’album qui l’est. Cette chanson qui est à la position 5 est très doom tout en étant atmosphérique. On entend même du banjo je crois. Que peux-tu nous dire au sujet de cette chanson et face au fait que l’on ne retrouve pas d’instrumentale en 5e position?

Ouais. La raison pour laquelle Inga Broar Kvar Att Bränna est une véritable chanson est en relation avec le fait que l’introduction nous ait vraiment facilité les choses. La chose qui se veut intéressante face à cette chanson est en relation avec le thème qui ressort des paroles. C’est au sujet d’un processus plutôt familier qui me permet de compléter l’écriture d’une chanson. Je coupe les liens complètement avec une personne, une copine, un membre de ma famille ou peu importe, juste pour posséder ce chainon manquant qui me permet de compléter un album. J’ai essayé à plusieurs reprises de ne pas utiliser cette technique mais je n’ai pas été capable de le faire de façon respectueuse jusqu’à tout récemment. En ce qui concerne le banjo, l’idée est venue de façon naturelle. Euge Valovirta, notre guitariste, est un professionnel du banjo. Bien que… ouais… Quand nous mixions l’album, Andy (Laroque, producteur de l’album) et moi nous nous sommes regardés du coin de l’œil. Le regard voulait tout simplement dire : « En sommes-nous là? Est-ce que nous pouvons nous permettre du banjo? » Pour moi, c’était clair. C’était un gros “oui”. C’est toujours un bon signe lorsque tu commences à douter à la fin d’un processus d’enregistrement.

Est-ce important pour toi d’avoir ce genre de chanson sur tes albums, question de créer une balance entre l’ordre et le chaos? Entre la musique plus atmosphérique et le black métal plus cru?

Encore une fois, c’est n’est que le fruit du hasard. C’est ce qui arrive pendant le processus pour un nouvel album. Je ne suis pas certain si je le fais de façon consciente ou, comme tu le dis, comme étant une façon de balancer les choses en laissant de l’espace sur l’album, question de pouvoir prendre une pause pour l’auditeur. Mais de mettre le mot « balance » dans la même phrase lorsque l’on parle du groupe Shining, c’est un peu étrange!

Quelques fois, tu chantes en anglais mais pas sur ce nouvel album, IX – Everyone, Everything, Everywhere, Ends. Tu dois probablement sentir à quel moment tu te dois d’utiliser l’anglais et quand c’est le temps d’y aller dans ta langue maternelle, le suédois. Comment as-tu approché l’écriture des textes pour cet album, quel était ton état d’esprit face au choix de la langue?

Pour être honnête, quand je compose de la musique et les paroles, je laisse mon cœur me guider. Ce n’est pas comme si je m’asseyais en essayant de comprendre ce que le public s’attend de ma part. Ou comment je peux m’y prendre pour satisfaire mes fans? Ce n’est pas une façon adéquate pour créer de l’art, que ce soit de la musique, de la peinture ou des films. Cette fois-ci, l’exercice en question a fait que toutes les paroles se sont retrouvées en suédois. J’ai publié un livre il y a quelques années du nom de When Prozac No Longer Helps. Ce sont des traductions de toutes mes paroles que j’ai écrites. C’était quelque chose que je me devais de faire étant donné que certains individus ont commencé à traduire mes paroles en utilisant le logiciel de traduction de Google. Je doute de l’efficacité et de la justesse des traductions faites à l’aide de cet instrument. La première édition s’est bien vendue et la deuxième édition est pratiquement toute vendue. Ce qui veut dire que nous allons devoir faire une troisième édition.

Est-ce que cette version sera différente des deux autres?

Oui, il y aura une certaine mise-à-jour avec les paroles du nouvel album en plus d’autres trucs. Ce livre ne se vend que par notre page web, le www.shininglegions.com. Si le tout vous intéresse vraiment, visitez la page de façon régulière pour avoir des mises à jour. À moins que tu préfères l’une des dernières copies de la seconde édition. Au moment où l’on se parle, il en reste quelques copies.

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Tu dois nous parler de la pochette de l’album. C’est le genre d’image qui nous donne la trouille. On dirait le visage de Leatherface dans le film Texas Chainsaw Massacre qui serait étendu sur une toile. Est-ce une commande spéciale à l’artiste ou tu as tout simplement laissé le chemin libre à Daniele Serra?

Oui, c’est une pochette fantastique. Je l’avais contacté à l’origine pour une autre de ses œuvres que je voulais utiliser comme pochette. Il venait de la vendre à une maison d’édition qui allait l’utiliser pour une couverture de livre. Après avoir échangé quelques courriels, il m’a proposé de faire une nouvelle peinture à partir des thèmes qui se retrouvent sur l’album. Ce que vous voyez, c’est pratiquement la première version de l’œuvre, c’est à l’état brut. Ça pullule l’horreur le plus pur que tu ne peux t’imaginer. On ressent un sentiment d’inconfort en regardant la pochette, tout comme lorsque tu écoutes l’album. C’est plutôt différent de ce que nous avions l’habitude de présenter par le passé donc, c’est un changement mineur avec cet album. À moins que vous croyiez que ce changement est majeur. Ça dépend de ta façon de percevoir le tout.

Que peux-tu nous dire face à ta participation à la Messe des Morts à Montréal?

De jouer au Canada pour une toute première fois a été une expérience très intéressante. Il est très rare que je n’ai rien à redire face à l’organisation et tout ce qui entoure un festival. J’ai bon espoir que cette expérience va nous amener à faire une tournée complète de l’Amérique du Nord. Si je ne peux le faire aux États-Unis, je n’hésiterai aucunement de le faire uniquement au Canada, c’est certain.

Est-ce qu’il a été difficile de te convaincre pour ce concert plutôt unique?

Non. Les gens ont comme l’impression que je suis difficile d’approche étant donné l’historique qui traine derrière le nom de Shining. Ce sont surtout les rumeurs et autres ragots ridicules qui nourrissent les forums de discussion ou les réseaux sociaux. Les gens croient que nous avons eu de la difficulté à obtenir nos visas de travail, que Shining se fera refuser l’entrée au Canada  ou que nous ne passons pas les frontières. Pour mettre à jour cette série de rumeurs, je peux confirmer que tout était réglé au quart de tour. Ce concert confirme que cette série de rumeurs est tout simplement fausse. Ce genre de rumeurs fait que des promoteurs d’ici ne veulent pas se risquer de nous contacter, ils croient tous que nous avons d’énormes charges contre nous dans notre pays. Maintenant, ils ont vu que nous sommes dans la possibilité de traverser l’Atlantique et même de pouvoir entrer  en Amérique. J’espère pouvoir conquérir le reste du territoire dans un futur rapproché.

Ester Segarra

Quelques groupes de black métal crachent du sang sur la scène mais Shining préfère se gaver de Jim Beam ou de Jack Daniel’s. À Montréal, lors de la Messe des Morts, tu as même partagé quelques gorgées avec les membres du public. C’est un rituel qui se veut intéressant mais est-ce que l’exercice fonctionne toujours ou bien parfois, tu dois boire la bouteille à toi tout seul?

Chaque concert de Shining se veut unique. Le précédent ne ressemble pas à celui qui se déroule et celui qui se déroule est différent du prochain. Tu vois, nous n’avons pratiquement jamais de liste de chansons de prête, nous jouons ce qui semble le plus approprié sur le moment, bien souvent.  Nous jouons ce qui nous semble juste au bon moment. Ainsi, il est pratiquement impossible de jouer deux fois la même chanson lors de deux soirs consécutifs. Ceci veut tout simplement dire que rien n’est prémédité lorsque nous mettons pied sur scène. Nous aimons ce type de danger. Dans ce sens, c’est la communication que je possède avec le public qui dicte ma conduite et le tout nous dirige vers le genre de soirée que nous allons avoir.

Vu que nous sommes dans le vif du sujet, est-ce que Shining risque de revenir ici sous peu?

Dès que nous allons recevoir une bonne offre, je ne vois pas pourquoi nous la refuserions?

Tu as collaboré à une chanson d’un groupe d’ici. Tu as prêté ta voix pour la pièce MKT du groupe Ogenix. Comment est survenue cette association?

C’est notre gérante Patricia Thomas qui m’a demandé si je pouvais être intéressé par ce projet. Elle me l’a demandé tout de même car d’habitude, je réponds toujours « non » lorsque l’on me demande de participer à un projet de ce genre. Elle m’a proposé le projet et je m’y suis intéressé très rapidement. Ma réponse a été positive, sans aucune hésitation.

Et ma dernière question. Le groupe Shining de Norvège est venu à Montréal il y a environ un an et demi. Quelques personnes croyaient que c’était Shining mais ton groupe. Même quelques personnes croyaient que le Shining de Norvège serait celui qui allait être à la Messe des Morts car le tout apporte une certaine confusion pour bien des gens. Je me demandais comment tu t’arrangeais avec ce fait que deux groupes scandinaves portent le même nom? J’imagine que ce groupe a le même genre de problème?

Nous avons eu quelques difficultés de ce genre au cours des dernières années. Notre gérante Patricia est en contact avec eux de façon constante, question d’éviter ce genre de mélange. Oui, il y a de la confusion chez bien des gens mais la meilleure façon reste de consulter nos pages web pour ne pas te retrouver avec un billet pour aller voir un autre Shining. Ce n’est pas que j’ai quelque chose contre l’autre Shining, loin de là. J’aime bien ce qu’ils font pour être bien franc!

Merci Kvarforth.

Merci à toi et n’oubliez pas de vous procurer notre nouvel album, directement d’un disquaire!

www.shiningasylum.com

Photos: Ester Segarra