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Amorphis : Sous un ciel écarlate (Entretien avec Tomi Koivusaari, guitariste)

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La combinaison folklorique et death métallique qu’offre Amorphis perdure depuis des décennies. Même si le succès ici ne semble pas se pointer, le groupe est perçu comme une véritable légende en Scandinavie. Les albums se suivent et ne se ressemblent pas, l’originalité étant un attrait majeur pour le groupe qui ne se dénature pas avec les années. Avec la sortie de son nouvel album, Under the Red Cloud, ce groupe réussit encore à nous atteindre. Question d’en faire la promotion, j’ai pu m’entretenir avec Tomi Koivusaari, l’un des guitaristes du groupe.

Bonjour Tomi! Je dois te confirmer que j’aime bien le nouvel album. C’est un disque bien intéressant et varié. Il n’y a pas de balade, pas de chanson plus lente ou plus apaisante. C’est un album plus lourd et qui se veut très bien balancé. C’est probablement votre album le plus heavy en 10 ans. Peux-tu nous parler de cette envie de retourner vers du matériel plus lourd sur cet album qu’est Under the Red Cloud?

Bonjour et merci! Je crois que nous avons commencé à travailler sur cet album de la façon habituelle. Rien n’était prévu en ce qui concerne la direction de l’album. Je crois que cette sonorité plus lourde vient de la tonalité des guitares. Elles sont plus fortes, plus lourdes tout au long de l’album. De plus, on retrouve beaucoup plus de voix death métalliques, grognées. C’est probablement notre album le plus grogneur, pour ce qui est des voix, depuis un bon bout de temps. Quand nous avons rencontré notre producteur, Jens Bogren, pour la première fois, il nous a fait remarquer qu’il voulait ramener le groupe vers cette sonorité plus lourde. Nous avons donc décidé d’accélérer les tempos un peu plus. Nous avons choisi 10 chansons sur les 20 que nous avions. Nous n’avons choisi que celles qui avaient un potentiel plus lourd musicalement. De plus, c’est rafraichissant de pouvoir jouer du matériel plus heavy lors des concerts maintenant!

Une fois de plus, vous utilisez les services de Pekka Kainulainen pour ce qui est de l’écriture des textes. Sur l’album Circle, les sujets ne tournaient pas autour du Kalevala, c’était plutôt une histoire qu’il avait créée. Cette fois-ci, pour Under the Red Cloud, j’aimerais que tu me parles de son inspiration pour vos paroles? Est-il de retour avec des textes inspirés du Kalevala ou bien c’est encore une histoire de son cru?

Je crois que son inspiration principale demeure le Kalevala pour cet album. L’histoire est la sienne, c’est une création personnelle mais fortement inspirée par le Kalevala. On retrouve quelques similitudes avec le livre, c’est certain. Nous lui avons donné carte blanche, comme toujours. Il a écrit ce qu’il avait envie d’écrire. Nous travaillons ensemble depuis tellement longtemps, nous savions à quoi nous attendre. Il sait ce que nous voulons et il connait nos attentes. Il écrit d’une façon très poétique. Ses textes se marient à merveille avec notre musique. Aussi, je crois qu’il y a énormément d’éléments de sa vie personnelle qui se retrouvent dans ses paroles pour Under the Red Cloud.

La chanson Dark Path est ma préférée sur l’album. Je retrouve tout ce que j’aime du groupe sur celle-ci, plus spécialement en ce qui concerne la voix de Tomi Joutsen car il utilise ses deux facettes. Sur cette chanson, il semble encore plus brutal. Est-ce pour bien servir le thème de la chanson?

Tomi a essayé ce type d’approche sur l’album Circle. Je crois qu’il a bien aimé le résultat et il s’en est entiché. Il prend de l’expérience et sa voix se développe de plus en plus, album après album. Il tente de nouvelles choses, il fait des essais et des erreurs. Cette chanson avait besoin de ce genre d’approche vocale, c’était évident. L’idée de cette chanson est que l’on y retrouve deux types d’ambiances dans la même chanson. Le refrain de la chanson est quasiment un refrain de chanson pop! Elle est très yin-yang, très soleil et lune.

Amorphis

Une autre chanson que j’aime bien est Tree of Ages, elle nous reporte aux sonorités folkloriques d’Amorphis avec les claviers et les guitares qui s’unissent pour créer une sorte de chanson à boire! Que peux-tu nous dire sur celle-ci?

Nous avons toujours composé des chansons avec ce filet folklorique. Nous en avions quelques-unes de composées pour cet album mais nous avons décidé de n’en garder qu’une seule. Dès le début, elle nous semblait très adéquate alors que nous étions encore en mode répétition. Elle offre une bonne balance face aux autres chansons plus sombres de l’album. Nous avons aussi demandé à Chrigel de la formation Eluveitie de remplacer les parties de flutes exécutées aux claviers par de la vraie flute. Il a fait un travail remarquable et il donne encore plus de diversité à cette chanson.

Tu parles de Chrigel, justement. Que peux-tu nous dire de cette collaboration pour la chanson Death of a King? On retrouve Chrigel d’Eluveitie et Martin Lopez de Soen, et ancien membre d’Opeth. Ce qu’ils proposent est très dynamique.

Nous voulions avoir notre vieil ami Martin aux percussions sur cette chanson. Nous savions que Martin Lopez était un excellent percussionniste, un batteur chevronné. Nous avons partagé un bus avec Opeth lors de notre tournée nord-américaine de 2001. Martin était encore avec le groupe à cette époque. C’est de cette façon que nous nous sommes connus et nous nous entendions bien avec lui. Nous voulions que Death of a King puisse avoir cette portion plus axée sur les percussions. C’est ce que cette chanson nous inspirait. Lopez a donc fait ses parties en studio en une seule journée. Aussi, nous voulions de vraies flutes. C’est Jens Bogren qui nous a suggéré Chrigel. Nous ne le connaissions pas mais nous étions au courant de la carrière d’Eluveitie. Je crois qu’il n’a que reproduit les parties jouées par notre claviériste Santeri et les a adaptées pour sa flute.

Sur la chanson White Night, qui est la dame aux voix?

Elle se nomme Aleah Stanbridge. Elle chante avec le groupe Trees of Eternity. Elle est suédoise. Elle chante lors d’autres moments sur l’album. Nous avions planifié d’avoir une chanteuse sur White Night bien avant d’entrer en studio. Nous voulions avoir Jennie-Ann Smith d’Avatarium mais nos horaires ne concordaient aucunement. Donc, par un hasard fantastique, Aleah visitait le studio et nous sommes tombés sur elle. Nous lui avons demandé si elle était intéressée de collaborer avec nous. Elle a fait un travail remarquable. Dans mon livre à moi, elle a une voix unique.

Ce nouvel album a été enregistré en Suède avec Jens Bogren, au studio Fascination Street, et non en Finlande comme d’habitude. Vous avez fait la pré-production en Finlande mais l’album, c’est en Suède! Est-ce que vous vouliez vraiment ressentir les vibrations particulières du studio Fascination Street?

Tu sais, le studio Fascination Street était à l’opposé de ce que nous nous attendions. Ce studio est perdu au milieu de nulle part, en plus milieu de la forêt. Tu ne vois même pas de rues! Mais c’est exactement ce que nous voulions par contre. Nous avons fait beaucoup d’albums à Helsinki, en Finlande. Nous sentions que c’était comme un emploi de bureau, du 9 à 5. Ensuite, tu retournes à la maison pour y retourner le lendemain, un musicien à la fois. Nous voulions nous sortir de cette routine. Notre objectif était d’avoir un focus parfait, que chaque membre du groupe puisse être dévoué à 100% au projet. Nous voulions absolument travailler avec Jens. Son approche perfectionniste nous intéressait. Nous voulions avoir l’impression que quelqu’un d’autre allait être responsable de ce projet. Nous, nous n’avions qu’à nous concentrer sur notre jeu en tant que musicien. Jens nous a forcés à donner le meilleur de nous-mêmes, pendant plus de deux mois. Satisfaction totale à la fin de l’enregistrement.

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Que peux-tu nous dire face à la couverture créée par Valnoir Mortasonge? On voit clairement deux serpents yin-yang et quatre hommes spirituels qui pourraient bien être les « Four Wise Ones » de la chanson du même nom. Il y a aussi les 4 phases de la lune! Intrigant!

C’est une collaboration d’idées qui viennent du groupe et de Valnoir. La couverture représente le temps que nous vivons en ce moment, le temps présent. C’est la trame narrative de l’album mise en une image. Nous vivons sous un nuage rouge, qui pourrait bien être une menace dans un sens. Tout ce que tu vois sur la couverture provient des chansons. Comme tu le disais, il y a les Four Wise Ones, les quatre saisons et les serpents du centre. Sont-ils en train de se frotter ou en train de se dévorer? Les quatre phases lunaires représentent les quatre saisons et la période envers laquelle nous les retrouvons. Nous sommes très satisfaits face au résultat et face au travail de Valnoir. C’est un style artistique qui se veut nouveau pour nous.

Dans le premier épisode du « making of » de l’album Under the Red Cloud, celui sur la pré-production, nous pouvons voir un mur d’amplificateurs au fond du local de répétition. Nous voyons le Heartagram, qui se veut le logo du groupe HIM, sur les amplificateurs. Étiez-vous dans leur local de répétition?

C’est notre local à nous. Nous avons partagé notre local avec HIM pendant 8 ans environ, je dirais. L’équipement de Linde (Mikko Viljami Lindström, guitariste du groupe HIM) était dans notre local cette journée-là. Nous nous connaissons depuis plus de vingt ans. En ce moment, je suis dans ce même local pour l’entrevue!

Nous savons tous que faire une tournée en Amérique est excessivement dispendieux maintenant pour les groupes. Surtout pour les groupes européens. Vous n’avez pas fait de tournée ici depuis, quoi? Six ans? Est-ce possible qu’Amorphis puisse revenir de notre côté de l’Atlantique d’ici peu ou bien nous devons nous déplacer pour vos visites exclusives au Maryland Death Fest? À moins de faire le périple pour vous voir lors des concerts-spéciaux en ouverture de Nightwish à New York, comme à l’époque?

C’est vrai que notre dernière tournée date d’il y a très longtemps. C’est une honte… Nous aimerions faire une tournée pour cet album-ci. Nous devons voir ce que notre compagnie de gérance et les agences peuvent nous offrir. Il y a quelques plans qui flottent ici et là. Pour ce qui est du reste de l’année, c’est en Europe que ça se passe pour Amorphis. Il reste à voir pour 2016. J’espère que le tout se fera!

Merci Tomi!

Merci Yanick et santé!

http://amorphis.net/


 Photo de Ville Juurikkala