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5 raisons pour lesquelles je n’aime pas Pop Montréal

Je veux commencer ce billet en vous rassurant que je n’écris pas cette tirade parce que mon band ou que le band de mon cousin n’a pas été “sélectionné” par le festival. Pop Montréal est l’ultime vache sacrée de la scène musicale montréalaise. Une semaine par année, chaque salle en ville est occupée par le festival de Dan Seligman. Bien difficile de le manquer et bon nombre de promoteurs, de gérants de salle, de groupes et de fans de musique semblent être en état d’extase dès que l’on sent que le festival approche. Cependant, année après année, je me rends compte à quel point le festival bénéficie d’une réputation enviable qu’il ne mérite assurément pas. Voici les raisons pour lesquelles je n’aime pas Pop Montréal et que je ne devrais pas être le seul à me questionner les bienfaits de son existence.

Un festival Pay-to-Play
La première chose que je me dois de reprocher à Pop Montréal est de n’avoir pas su se distancier du modèle traditionnel et plutôt immoral du Pay-to-Play. Pour ceux qui ne sont encore au courant, Pop Montréal demande aux artistes voulant jouer dans le cadre de son festival de débourser la somme de 25$ lors de la soumission de leur candidature. Mais attention, ce serait déjà douteux de devoir payer pour jouer, imaginez à quel point c’est absurde de payer pour “peut-être” jouer. À noter aussi que les artistes sélectionnés seront payés environ 100$ par Pop s’ils jouent dans un concert de moyenne envergure, mais que les frais d’inscription ne seront tout de même pas remboursés.

Les candidats qui déboursent 25$ et qui remplissent les formulaires requis par l’organisation seront ensuite sélectionnés ou rejetés de façon bien particulière. En effet, Pop rassemble toutes sortes de personnes sans qualification particulière qui vont bénévolement se rendre dans une grande salle où un extrait de chaque candidat sera diffusé par des haut-parleurs. Le jury devra ensuite décider à l’aide d’une pancarte “thumbs up” et “thumbs down” s’ils aiment ce qu’ils entendent. Ça semble beaucoup de travail, écouter la musique de chaque candidat… Mais non, ne vous inquiétez pas! Le jury n’a besoin que d’écouter des extraits de 15 à 30 secondes. Ça laisse beaucoup de temps pour bien comprendre un oeuvre, les 18 premières secondes d’une chanson! Un groupe montréalais plutôt bien connu a d’ailleurs été rejeté par le jury puis rappelé par la suite parce que la chanson n’avait pas eu le temps de commencer dans les 15 secondes allouées!

[Mise à jour : Ce ne sont pas tous les groupes qui doivent acquitter la somme de 25$. Plusieurs groupes locaux, du Québec et du Canada sont contactés directement par Pop Montréal lorsque l’organisation désire les ajouter au programme. Néanmoins, Pop Montréal reçoit un nombre très élevé de candidatures chaque année et le nombre d’artistes au programme ayant payé des frais reliés à leur candidature est élevé.]

Une programmation beige
Montréal a connu plus d’une époque où sa musique était “hip” et populaire un peu partout dans le monde. La vague Constellation Records de la fin du 20e siècle et celle d’Arbutus il y a quelques années ont marqué l’imaginaire, mais on peut facilement affirmer que le milieu des années 2000 a été la période de temps où la musique “indépendante” montréalaise a connu le plus de succès, accouchant de groupes très populaires comme Stars, the Stills et surtout les “icônes” de la métropole, Arcade Fire.

Né dans les mêmes années que ce que plusieurs considèrent comme la Golden Era de la musique indie montréalaise, Pop Montréal a justement toujours eu de la misère à passer par-dessus cette époque. Année après année, l’indie folk et les groupes qui remâchent le stock de 2004 d’Arcade Fire abondent dans la programmation du festival. La montée des groupes d’Arbutus a aussi amené une bonne vague de groupes-clones de Grimes qui ont envahi la programmation. La triste vérité, c’est que Pop Montréal n’a jamais vraiment su se développer une identité et sa programmation est plus souvent qu’autrement un ramassis pas trop frais de ce qui a été hip dans les années précédentes. La ville compte sur des scènes musicales variées qui touchent à plein de styles. Que ce soit le punk rock de St-Henri, le rock expérimental du Mile-End et de la Petite-Italie, la musique électronique expérimentale des musiciens ayant été affiliés à Alien8 ou le nouveau folk de la rue St-Denis, un nombre impressionnant de scènes musicales est laissé de côté par le festival… La programmation Pop se rapproche dangereusement de la programmation easy-listening d’Osheaga et de la musique typique des pubs d’Apple, comme si les spectateurs ne devaient pas être poussés à écouter de la musique un peu plus demandante. Pour la qualité de la programmation, on repassera.

Qui travaille vraiment?
Ayant moi-même déjà organisé quelques concerts et autres évènements, je me souviens d’avoir déjà été époustouflé par la quantité de concerts présentés par Pop Montréal. Pour une si petite équipe d’employés permanents, j’étais complètement mystifié par leur habilité à présenter des centaines de concerts en moins d’une semaine.

Pas si vite. Il semble bien que Pop Montréal ait trouvé le stratagème idéal pour gonfler sa programmation artificiellement. C’est en regardant vos billets de spectacle ou en scrutant les affiches de concerts que vous verrez plein de noms apparaître. Blue Skies Turn Black, Passovah, Loose Fit, Jeunesse Cosmique, Killer Haze, Push n’ Shove, Extensive Enterprise, Heavy Trip, Cabelli Présente, I Love Neon, etc.. Il s’agit d’une liste très partielle des promoteurs locaux s’impliquant avec Pop Montréal. Bien que je respecte et que j’admire le travail de la plupart de ces promoteurs, qui travaillent souvent d’arrache-pied durant les 51 autres semaines de l’année, je ne peux m’empêcher de penser que Pop Montréal s’est un peu improvisée en pharaon de la scène locale et que l’organisation réussit maintenant à s’approprier les services de ces promoteurs pour une bouchée de pain. On peut par contre se demander à la fin de la journée si les festivaliers se souviendront d’être allés à un show de Loose Fit ou à un show de Pop.

Et le reste de l’année?
Pour les fans de musique qui sortent à d’autres moments que Pop Montréal et Osheaga, plusieurs noms sont devenus familiers avec les années. Il y a les gros poissons comme Evenko, Blue Skies Turn Black ou Suoni Per Il Popolo ainsi que les petits ménés qui font aussi leur bout de chemin comme Passovah, Loose Fit ou encore Prod H. On peut cependant se demander où se cachent les organisateurs et promoteurs recevant le plus de financement public (et privé!) le reste de l’année. Des organisations comme M pour Montréal et Pop Montréal, qui bénéficient pourtant encore d’une réputation hip et “locale” ressemblent davantage à des bureaux de comptables qui s’activent à deux ou trois moments par année pour justifier le financement qu’ils reçoivent. J’ai bien du mal à penser à la dernière fois où j’ai vu des concerts de musique locale en plein hiver qui étaient organisés par Pop Montréal. Peut-être que leur mutisme lors des autres saisons, à l’exception d’un concert d’un artiste américain de temps en temps, sert à bâtir leur mystique? Il faudrait une plus longue discussion pour discuter d’à quel point le financement public des promoteurs de concerts devrait être revu pour aider les acteurs du milieu qui ont réellement un impact sur l’épanouissement des artistes émergents.

Capitaliste à souhait
On sait bien que lorsque l’on va à Coachella, Lollapalooza, Heavy Montréal ou Osheaga, on risque d’être bombardé de publicités du début à la fin. Chaque accord de guitare est présenté par Kraft Dinner et chaque coup de hi-hat est une présentation de Kia. Cela ne veut pas dire que l’on devrait s’y faire et trouver normal que ce soit le modèle financier qui a été choisi. La surprise fut grande pour quelques musiciens cette année lorsqu’ils ont appris que la salle où ils allaient jouer durant Pop serait rebaptisée la salle Monster Energy Drink. Corporatiste sans gêne, l’organisation du festival Pop Montréal s’est entourée de quelques joueurs de “choix” cette année. Monster Energy Drink remporte facilement la palme du choix le plus douteux. Suis-je le seul à m’imaginer qu’ils vont stationner leur gros pick-up noir et vert avec des filles en bikini devant le TRH-Bar? Dans la catégorie douteux, notons aussi la présence comme commanditaire d’American Apparel, une compagnie qui n’a plus besoin de faire ses preuves comme étant la championne de la minimisation du harcèlement sexuel. Je suppose que j’étais naïf de croire que Pop Montréal aurait la sagesse de suivre le modèle des festivals comme le Suoni Per Il Popolo, le FIMAV de Victoriaville ou le Hillside Festival de Guelph, festivals qui ont tous diminué au minimum la présence de commanditaires trop intrusifs ou à l’identité douteuse.

Au fond, j’écris ce texte simplement parce que je suis déçu que les promoteurs, les festivaliers et surtout les artistes s’investissent avec un tel abandon dans Pop Montréal. Tout au long de l’année, j’ai la chance d’entendre des gens remplis de convictions politiques. Ils parlent de la nécessité de se respecter en tant que musiciens. Ils parlent aussi d’accessibilité pour tous aux concerts. Ils parlent de l’importance de vivre un mode de vie le plus loin possible des idéaux du néo-libéralisme. Mais année après année, ces mêmes artistes, promoteurs et festivaliers sont les premiers à retourner investir dans une organisation de ce genre, un peu comme un travailleur qui décide de passer les lignes de piquetage pour s’assurer un meilleur avenir.

Les promoteurs travaillent fort toute l’année et n’ont pas besoin du sticker Pop Montréal en bas de leur poster. Les artistes qui bûchent à l’année longue sur leur musique n’ont pas besoin de jouer sur une affiche à sept groupes au Barfly un mercredi soir. Les festivaliers n’ont pas besoin de payer le double du prix habituel pour voir des concerts où la programmation ne fait ni queue ni tête. Vous méritez mieux.