L'art de l'entrevue
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L’art de l’entrevue

L’art de l’entrevue, ce n’est pas de poser des questions, mais d’obtenir des réponses. N’importe quel intervieweur vous le dira. Et s’il ne vous le dit pas, dites-le-lui de ma part.

Tout, dans une entrevue, est calculé pour obtenir des réponses particulières. Ainsi, une même question formulée de 15 façons différentes suscitera 15 réponses différentes. Vous en doutez? Pour mieux comprendre, examinons ce que feraient nos plus illustres poseurs de questions d’un banal "Comment allez-vous?".

Paul Arcand. L’homme des vraies questions a une technique simple, mais efficace: des questions courtes, directes, en rafale. Si Paul Arcand veut savoir comment va son invité, il demande: "Comment allez-vous?" Et l’invité répond: "Bien, merci." Deuxième question.

Jean-Luc Mongrain. L’art de l’entrevue à la Mongrain (ou à la Denis Lévesque) réside dans la capacité de l’intervieweur à se mettre dans les souliers du beau-frère de Monsieur et Madame Tout-le-monde. "Écoutez, moi, je ne suis pas un spécialiste, mais expliquez-moi ça pour que les gens à la maison comprennent bien… Comment allez-vous?" L’interviewé est porté à purger son discours de ses mots savants.

Stéphan Bureau. Lorsqu’il enregistre ses entrevues pour Contact, Stéphan Bureau passe deux jours avec ses invités. Il faut du temps pour saisir la Vérité des grands qu’il ausculte. Ainsi, un simple "Comment allez-vous?" devient pour Bureau un ticket vers les confins de l’âme humaine: "Si l’artiste, l’humaniste et le citoyen du monde en vous va bien… comment va l’homme?"

Les Francs-Tireurs. Martineau et Lagacé jouent dans leurs interrogatoires la carte de la mauvaise foi. Une spécialité de la maison. L’idée: mettre l’interlocuteur sur la défensive, le provoquer, dans l’espoir que ce dernier finisse par "péter une coche". "Coudonc’, ç’a pas l’air d’aller fort fort ces temps-ci?" Et l’interlocuteur de devoir justifier sa bonne humeur…

France Beaudoin. Diamétralement opposé au style Francs-Tireurs, le mode France Beaudoin (ou Michel Jasmin) cultive la complicité. "Vous avez vraiment l’air de bien aller ces temps-ci!" Et l’interlocuteur de se sentir en confiance…

Christiane Charette. La reine des entrevues a un style bien à elle que je qualifierais de "savamment décoiffé". Sa technique est simple: elle lance l’entrevue par une première question et se laisse ensuite guider par les réponses de son invité. Cela peut donner:

"Comment allez-vous?

– Bien, merci. Ouf!

– Vous avez l’air essoufflé. Avez-vous couru?

– Oui!

– Courez-vous souvent?

– Régulièrement. J’essaie de garder la forme.

– Ah oui?"

Bon, vous saisissez l’idée.

Si l’art de l’entrevue se trouve dans la couleur des questions posées, il se trouve aussi dans le canevas. On assiste d’ailleurs cet automne à un désir de renouveler le décor de l’entrevue. À Bazzo.tv, on installe les invités dans un abri Tempo et, en studio, on a balancé la table pour n’utiliser que deux fauteuils.

À l’émission Le Confident, animée par Louise Deschâtelets à Vox, on est allé jusqu’à changer la configuration des fauteuils. Ils sont côte à côte, mais dans des directions opposées. Du coup, l’invité semble parler à "l’oreille utile" de l’animatrice, sans jamais la regarder dans les yeux. Curieux résultat.

Dans le même esprit, Christiane Charette lancera mardi Cabine C, une série d’entrevues sur la créativité. L’interviewé autant que l’intervieweuse sont installés dans des "tanières cathodiques" et communiquent entre eux au moyen d’une caméra braquée sur leur visage. Attendons le résultat.

Enfin, une autre émission d’entretiens démarre samedi, à TV5: Le 3950, animée par le patriote Luck Mervil. C’est la version québécoise de 93, Faubourg Saint-Honoré, un talk-show du créateur de Tout le monde en parle Thierry Ardisson. Dans ce cas-ci, la conversation se déroule autour d’une table, lors d’un souper. La semaine dernière, Luck Mervil me confiait d’ailleurs que ses soupers étaient bien arrosés, que chaque invité consommait en moyenne une bouteille de vin pendant le tournage, et que c’était en partie la raison pour laquelle on entendrait à son émission des propos… inédits.

Saouler ses invités. À mon avis, puisque l’art de l’entrevue semble vouloir se renouveler, l’idée mériterait d’être explorée…

Le Confident, les mardis, 22h, à Vox

Le 3950, dès le samedi 6 octobre, 19h, à TV5

Cabine C, dès le mardi 9 octobre, 20h, à ARTV

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TÉLÉ

Pendant une soixantaine d’années, le régime soviétique a financé des douzaines de films d’animation de propagande. Des films antiaméricains, anticapitalistes et antifascistes. Deux documentaires les présentent, accompagnés des commentaires d’universitaires russes. Propagande soviétique en animation, le dimanche 7 octobre, 20h, à Télé-Québec.