Le sens des priorités
Médias

Le sens des priorités

Ce qui m’étonne toujours des médias, c’est leur sens des priorités tout à fait singulier.

En excluant les politiciens, quelle personnalité a reçu la plus importante couverture médiatique à travers le monde en 2007?

Paris Hilton.

Vous avez bien lu. L’incarcération de cette curiosité qui brille beaucoup plus par ses frasques que par l’étendue de son talent a été cette année la 13e nouvelle en importance sur la planète Médias.

"Lors d’une journée tranquille, au moins 250 quotidiens dans le monde publient tout de même un article sur Paris Hilton", glisse Jean-François Dumas en entrevue. Le grand monsieur à lunettes est le patron d’Influence communication, le "courtier en nouvelles" qui publie ces chiffres étonnants.

Le 25 octobre dernier, Jean-François Dumas est allé présenter le résultat de ses recherches au News Xchange, à Berlin, un gros congrès international de radiodiffuseurs. 462 délégués de 50 pays étaient sur place. Et c’est à Influence, une petite firme de Montréal, qu’on a demandé de brosser un tableau des grandes tendances mondiales en matière d’information.

Influence communication a développé une approche – apparemment unique – pour calculer le "poids" d’une nouvelle dans le flux de l’actualité.

Pour faire le palmarès des nouvelles les plus "lourdes" dans l’actualité mondiale, Influence a analysé 632 millions de nouvelles provenant de quotidiens, de réseaux de télévision et de radio de 120 pays.

C’est ainsi que l’on découvre qu’en 2007, sur la planète Médias, la guerre en Irak a été l’événement le plus médiatisé. La course entre les démocrates et les républicains aux États-Unis arrive en deuxième position. La crise nucléaire en Iran décroche la troisième place, et la guerre en Afghanistan, la quatrième.

La sortie du dernier tome d’Harry Potter arrive quant à elle en septième position, deux places devant le sommet du G8, en juin.

Parlant d’Harry Potter, Jean-François Dumas fait une observation assez stupéfiante. La dernière aventure du nerd à l’éclair dans le front a reçu autant d’attention médiatique que l’addition de cinquante guerres et catastrophes naturelles survenues sur le globe cette année, incluant le conflit au Darfour, la guerre au Tchad, l’ouragan Dean, le conflit au Cachemire, la guerre civile en Somalie et l’autre guerre civile en Ouganda.

Oui, le sens des priorités des médias m’étonnera toujours.

Parmi les autres tendances relevées par Influence communication: l’américanisation des nouvelles. L’information mondiale est plus que jamais bariolée du stars & stripes.

Près du tiers du volume des nouvelles produites dans le monde provient des États-Unis. L’Oncle Sam colore aussi la façon dont on traite l’information. Prenons la guerre en Irak. Selon Influence, 68 % de toutes les nouvelles portant sur ce bourbier concernent les opérations militaires et les pertes de soldats américains. En revanche, à peine 1 % des nouvelles d’Irak concernent les populations civiles.

Cela me fait penser au nouveau slogan de la campagne de Reporters sans frontières: "Si on n’en parle pas, ça n’existe pas."

Il y a dans le monde des drames qui n’existent pas. Parce que les médias n’en parlent pas. Il y a des conflits balayés sous le tapis, des drames voilés. De vastes zones de cette planète demeurent dans l’ombre, alors qu’on s’intéresse à l’homosexualité d’un sorcier fictif tiré d’un roman pour enfants.

J’ai demandé à Jean-François Dumas ce qu’il pensait de tout cela. Son commentaire ne fait que confirmer ce que l’on sait depuis longtemps: "La nouvelle n’est qu’un produit. Le business des médias, c’est de vendre de la nouvelle." On le savait. Maintenant, on a des chiffres qui le confirment.

C’est désolant de le constater, mais il y a fort à parier que les médias ne parleront jamais autant du Darfour que le jour où Paris Hilton ira s’y montrer le popotin.

ooo

TELE /

Un documentaire charmant sur la légende des machines à pluie dans la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean. Les vieux racontent que, dans les années 50, on "ensemençait" les nuages pour faire pleuvoir et ainsi conserver intactes les réserves d’eau des barrages hydroélectriques. Fiction ou réalité? L’Incroyable Histoire des machines à pluie, à Radio-Canada, le samedi 10 novembre, 22 h 30.

L’histoire méconnue d’une quarantaine de soldats canadiens qui, à l’été 1957, ont servi de cobayes pour tester les effets des bombes nucléaires. Un documentaire-choc. Bombes à retardement, à Canal D, le dimanche 11 novembre, 21 h.