Cinémaniaque

Le roi Chéreau

Cet automne, le TNM devait présenter La douleur de Marguerite Duras dans une mise en scène de Patrice Chéreau. Les amoureux du théâtre autant que les cinéphiles attendaient cet événement rare. Hélas, l’actrice Dominique Blanc a dû déclarer forfait pour des raisons de santé. Heureusement, le TNM a eu l’excellente idée d’inviter Chéreau à fouler ses planches afin d’y présenter Coma, récit autobiographique de Pierre Guyotat, mis en scène par Thierry Thieû Niang.

Pour l’occasion, le Cinéma Excentris ajoute à sa programmation cinq œuvres de ce grand metteur en scène de cinéma, de théâtre et d’opéra. Le cycle débute avec La reine Margot (1994), vibrante et sensuelle adaptation du roman d’Alexandre Dumas avec Isabelle Adjani, Daniel Auteuil et Vincent Pérez (25 oct., 19h15). Suivra Intimacy (2001), bouleversante et frontale illustration d’une liaison extraconjugale mettant en vedette Mark Rylance, Kerry Fox et Timothy Spall (26 oct., 17h, en version doublée en français). Dans la même veine, Son frère (2003) relate le rapprochement entre deux frères après que l’aîné (Bruno Todeschini) eut annoncé à son cadet (Éric Caravaca) souffrir d’une maladie du sang incurable (27 oct., 16h). Pour sa part, le sombre et torturé Persécution (2009) met en scène Romain Duris en amoureux éconduit de Charlotte Gainsbourg et objet de désir de Jean-Hugues Anglade (27 oct., 18h). Enfin, Gabrielle (2005) trace le portrait impitoyable d’un couple, incarné par le fiévreux Pascal Greggory et la glaciale Isabelle Huppert, qui ne s’aime pas (28 oct., 18h).

En 2005, j’avais pu rencontrer le brillant cinéaste au Festival international du film de Toronto. Voici ce qu’il m’avait répondu lorsque je lui avais fait remarquer qu’il semblait prendre un plaisir cruel à disséquer les couples: «Non, ce n’est pas seulement du plaisir; j’ai envie de comprendre. Depuis que le monde existe, les hommes et les femmes se mettent en général à deux pour vivre, pour un temps indéfini, selon des modes qui semblent montrer qu’ils sont incapables de vivre absolument seuls, et pas seulement pour faire des enfants comme on le croyait autrefois, mais pour passer un bout de vie à deux. Et ça pose des problèmes noirs, si j’ose dire. Donc, je n’ai ni plaisir ni déplaisir et ce n’est jamais cruel… Je vois que les gens sont cruels entre eux et je vois aussi qu’ils n’y trouvent pas de plaisir. Alors j’essaie de m’interroger là-dessus, ne serait-ce que pour moi et parfois pour les autres.»

Après la projection de Gabrielle, Chéreau rencontrera le public lors d’une discussion animée par le journaliste Marc-André Lussier. Le même jour, à 16h, sera présenté le documentaire de Stéphane Metge Une autre solitude (1996), plongée privilégiée dans l’univers théâtral de Chéreau au moment où il dirigeait Pascal Greggory dans La solitude des champs de coton de Bernard-Marie Koltès.

Coup de cœur: Dès le 28 octobre, en collaboration avec la Fondation René Malo, le Cinéma Excentris propose aux cinéphiles de 2 à 12 ans de découvrir quatre œuvres jeunesse de qualité grâce à la série Ciné-Kid. Ainsi, le 28 octobre et le 4 novembre sera présenté Zarafa, charmant film d’animation de Rémi Bezançon et Jean-Christophe Lie. La série se poursuit les 11, 18 et 25 novembre avec le populaire film d’animation espagnol Capelito, le champignon magique de Rodolfo Pastor. Les 2, 9 et 16 décembre, les jeunes environnementalistes apprécieront sûrement les courts métrages de Jacques-Rémy Girerd Ma petite planète chérie. Durant la période des Fêtes, les 22, 23, 29 et 30 décembre et les 5 et 6 janvier, sera projeté le grand classique de Girerd L’enfant au grelot. Pour en savoir davantage: cinemaexcentris.com/Cine-Kid.

Haut-le-cœur: La semaine dernière, vous auriez dû retrouver dans ces pages la critique d’un film américain ayant fait beaucoup parler sur la Croisette, The Paperboy de Lee Daniels (Precious). La raison pour laquelle elle n’a pas été écrite? Non par manque d’espace, mais parce que jamais le distributeur, Équinoxe, n’a cru bon d’avertir les médias de la sortie dudit film. Campé en Floride à la fin des années 60, ce thriller glauque, étouffant et suintant met en scène un reporter, son petit frère et son collègue (Matthew McConaughey, Zac Efron et David Oyelowo) enquêtant sur la présumée innocence d’un chasseur d’alligators condamné à mort pour meurtre (John Cusack, étonnant dans ce contre-emploi). Je dois admettre qu’avec son récit alambiqué, The Paperboy n’a pas été mon préféré de la compétition cannoise cette année. En revanche, la performance de Nicole Kidman, qui campe avec brio la sulfureuse correspondante du condamné à mort, m’a, comme plusieurs, renversée.