Complètement Martel

Plus loin, mais moins bien

Ça venait juste d’arriver.

Une source très fiable qui travaille à l’UQAC m’informait alors des détails entourant l’incident. «Je te parie que le recteur va s’emparer de cet “évènement” pour justifier l’injonction déposée cet après-midi. Whoua, la dérive fasciste!»

Et puis, quelques heures plus tard, dans un communiqué douteux, l’UQAC déplorait le fait que des gestes de violence aient été commis par des manifestants, et ce, à l’égard des agents de sécurité de l’institution.

Ici, j’utilise poliment le qualificatif douteux parce que je me garde une petite gêne. Je ne voudrais pas exciter certaines personnes en évoquant des théories sombres et inquiétantes comme celles du complot ou du «genre de petite crosse qu’on ne tolérerait même pas dans une classe de maternelle.»

Parce que tout indique que l’UQAC a récupéré un incident anodin afin de le diaboliser dans son propre intérêt.

Certes, selon la source d’information que vous choisirez, vous aurez droit à quelques versions tout à fait différentes. Par exemple, la version «officielle», ou si vous préférez, celle que l’UQAC véhicule telle une campagne de peur typiquement américaine, raconte que des manifestants démoniaques et animés par un pur besoin de violence auraient pris un malin plaisir à molester des agents de sécurité de l’université. Bien entendu, je me prête ici au même jeu que l’institution en caricaturant sa version des faits, mais cette imagerie digne d’Orange mécanique est pratiquement ce qu’on décode dudit communiqué.

Évidemment, en donnant un aspect si spectaculaire à un incident qui, à l’origine, l’était plus ou moins, pas besoin de connaître par cœur les mille premières décimales de Pi pour déduire qu’il s’agissait là du plus beau cadeau tombé du ciel. Faut croire que la vie fait parfois bien les choses. Du moins, pour ceux et celles qui s’apprêtaient alors à déposer une demande d’injonction afin de mettre un frein au mouvement de grève étudiante à l’UQAC.

Et pourtant, j’ai eu droit à quelques versions de l’histoire. Étrangement, aucune d’elles ne laissait entendre qu’il y avait eu ne serait-ce qu’une seule action violente de la part des manifestants. Encore plus bizarre, ces témoignages provenaient tous de personnes qui étaient sur les lieux de l’incident.

En fait, la version non officielle, ou si vous préférez celle qui a été occultée par la fantastique opération de diabolisation de l’UQAC, est tellement niaiseuse et digne de L’agent fait la farce qu’on a peine à y croire. Non pas parce que ceux et celles qui la soutiennent manquent de crédibilité, mais bien parce qu’au cours des dernières semaines, la judiciarisation de la grève étudiante a fini par nous faire oublier que même dans les situations de crise, le ridicule se pointe parfois le bout du nez.

Or, si l’on en croit la version non officielle, c’est pile-poil ce qui est arrivé ce jour-là. Des agents de sécurité ont voulu maîtriser une crise qui n’en était pas une, la panique s’est installée et, dans la confusion, deux hommes ont été blessés. Comme l’un d’eux avait un antécédent de blessure à l’épaule, un simple faux mouvement aura remis celle-ci au goût du jour. Il a même souligné devant des étudiants qu’il s’agissait là d’un simple accident. Pour ce qui est du deuxième agent, il se serait blessé en bloquant une porte à l’aide de son pied. Un scénariste de La panthère rose n’aurait même pas osé pousser la connerie jusqu’à ce point.

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La grève étudiante nous aura au moins permis de constater une chose: l’UQAC est une institution dirigée par des gens qui craignent vraisemblablement la fougue et la jeunesse.

Libre de voir plus loin, dit son slogan.

Oui, je veux bien voir plus loin.

Mais pour ça, faudrait un minimum de transparence pour me le permettre.