Culture Club

Cette ****** de grève

Depuis deux semaines, le Voir Mauricie épingle sur sa couverture un petit carré rouge en signe de soutien aux étudiants en grève. Peut-être direz-vous qu’il était grand temps. Ou, au contraire, peut-être marmonnerez-vous: «Pas encore cette ****** de grève!»

C’est à vous que je parle cette semaine. Plus précisément à toi, étudiant frustré qui lève les yeux au ciel en retenant (à peine) un soupir assez puissant pour faire voler ton toupet chaque fois que tu entends/lis/vois «grève étudiante», «vote de grève» ou «carré rouge». Pour ne pas t’agresser, je tenterai d’utiliser des synonymes, d’accord?

Premièrement, pour te flatter un peu dans le sens du poil, il faut que je te dise que moi aussi, je pense qu’un jour ou l’autre, tu devras mettre la main dans ta poche sans chigner, question d’«upgrader» ce qui reste de rétroprojecteurs à transparents dans certaines salles de classe. Heille, des transparents! Tsé! Tellement 1994.

Cela étant dit, sache que tu trouveras tout de même un quadrilatère de couleur primaire dans le coin de ton journal. Pourquoi? Parce qu’arborer la fameuse étiquette écarlate, c’est prendre part à une mobilisation qui va bien au-delà d’une hausse de 1625$ étalée sur cinq ans. C’est réaffirmer la place et l’importance de l’éducation dans notre société. C’est accepter, et surtout encourager les débats d’idées au cœur de l’espace public. C’est éviter que la lutte de tes compères ne sombre dans l’oubli, ou pire, dans l’indifférence générale.

C’est aussi faire un pied de nez à ceux qui ne voient pas plus loin que leur petit nombril. Pas plus loin que leur session qui menace d’être annulée. Je sais, c’est fâcheux. J’ai vécu la même chose en 2005. Tu vois, je ne parle pas à travers mon chapeau, quand même. J’ai fait ma part.

D’ailleurs, si je me permets de te taquiner, c’est bien parce que je sais de quoi je parle: j’ai payé ma formation universitaire toute seule. Les cinq années et demie. Pas que ce soit important, mais je tiens à ce que tu sois au courant. J’ai travaillé les soirs et les fins de semaine. Je me suis nourrie de légumineuses en canne. J’ai habité dans un appart creepy, beaucoup trop petit pour les 4 personnes et le chat qu’il contenait. J’ai peut-être viré une couple de brosses, mais je ne suis jamais allée en spring break dans le Sud. Je pense que je n’avais même pas de cellulaire!

Et pourtant, maintenant, je rembourse ma dette étudiante. Un montant assez astronomique. Genre le tiers de mon prêt hypothécaire. J’avoue que j’habite l’une des villes canadiennes où le prix des habitations est le plus bas, mais quand même, ça pogne au cœur, non?

Si presque 9 semaines de mobilisation ne t’ont pas convaincu, je doute fort de réussir à le faire en quelques lignes. Mais je tenais quand même à te le dire. On ne sait jamais. Peut-être auras-tu le goût d’aller marcher dans les rues de Trois-Rivières le 15 avril…