L'être humain n'est pas nécessaire
Des clics et des claques

L’être humain n’est pas nécessaire

S’il existe bien une espèce profondément mésadaptée à son environnement, c’est l’être humain. En fait, lorsque celui-ci n’est pas affublé de médiocrité ou d’obsolescence, il est en train de la planifier, directement ou non.

Hier soir, ma soeur m’a demandé si on allait éventuellement être victimes de l’invasion des robots. Personnellement, je pense qu’avec la disparition graduelle de l’empire américain (qui témoigne avec impuissance de son départ imminent) et la montée de la puissance chinoise, les taux de pollution et de destruction environnementales sont tels que le brouillard qu’on est en train de créer collectivement nous empêchera probablement de voir les petits-enfants de nos petits-enfants. Mais ce n’est pas grave. Techniquement, la plupart d’entre nous sommes déjà obsolètes.

Même dans sa malveillance, l’être humain est prévisible. C’est pour cela que des robots font un meilleur travail que nos policiers et nos détectives, fussent-ils vêtus de pantalons camouflage ou non. Ça s’est produit d’abord à Los Angeles, et ailleurs par la suite: un programme informatique permettait de prédire, avec une acuité déconcertante, les cambriolages à venir dans un quartier donné. Le programme désignait les lieux à risque en temps réel, les policiers y faisaient acte de présence, comme des épouvantails armés, et les cambrioleurs étaient découragés.

Somme toute, nous sommes déjà habitués à l’idée que des machines peuvent faire un meilleur travail que des êtres humains. Le guichet automatique est présent depuis bon nombre d’années, insouciant des heures d’ouvertures d’une banque ou de la maladresse de ses clients. Des robots de première génération sont programmés pour construire nos voitures qui, soit dit en passant, sont visiblement plus sécuritaires lorsqu’elles ne sont pas tributaires de la conduite de l’être humain. Nombre d’entrepôts se fient sur le travail récurrent, prévisible et impeccable de machines unifonctionnelles dont les os ne se fatigueront jamais et qui ne revendiqueront aucun droit de pause de café, de dîner ou même de sommeil.

Un certain élitisme pousserait certains humains dotés de métiers plus valorisés que ceux dans des entrepôts à imaginer que leurs emplois sont sécuritaires, puisqu’ils puisent dans l’originalité, l’intelligence, l’innovation. C’est tout à fait faux. Des robots, comme Baxter, qui risquent de réaliser le cauchemer raciste du vol massif d’emplois en Occident, sont capables d’effectuer des tâches de médecins, de comptables, et de journalistes. Et des pilotes, tiens.

Même d’un point de vue artistique, certaines machines ou certains programmes peuvent être bien plus intéressants. Sans compter sur ces ordinateurs qui détruisent nos esprits les plus brillants dans des parties d’échecs, les ordinateurs et logiciels peuvent faire des vedettes de la pop qui peuvent être téléchargées à l’infini, touchées, réutilisées, et remixées, sans qu’un être humain n’ait à se déplacer en avion, réaliser des entrevues maladroites, et être pris dans un tourment existentiel causé par une vie irrationnelle d’adulation d’étrangers s’agenouillant devant un être faillible.

En fait, comme l’explique cette vidéo fascinante et éclairante de CGP Grey – un compte YouTube à suivre- il n’est plus question de se demander quand nous allons co-exister avec des robots. La réponse, c’est que c’est déjà le cas. Il faut dorénavant réfléchir à la manière dont nous allons vivre cette co-existance. Cette vidéo nous apprend que des logiciels et des programmes sont capables de créer de la musique, et que notre café peut être bu sans qu’il n’y ait jamais eu intervention humaine (et donc erreur potentielle pendant le processus).

De plus en plus, les programmes informatiques, logiciels et autres robots sont capables de simuler l’humanité (bien que ce soit un piètre accomplissement) en passant de façon de plus en plus éloquente le test Turing: il est tout à fait possible de parler à un robot pendant une certaine période sans nécessairement s’en rendre compte. Et sans nécessairement même simuler, les programmes les plus novateurs sont désormais capables d’apprendre, c’est à dire de créer des nouvelles connaissances sans nécessairement que celles-ci soit programmées dans son code.

Même là, cette petite revue de presse des progrès technologiques n’est pas exhaustive: suffit de suivre la DARPA de temps en temps pour réaliser à quelle vitesse nous sommes en train de créer des remplaçants potentiels qui sont capables d’éliminer l’erreur de leur programmation. Et si ces robots sont intelligents, capables de faire des déductions logiques et de suivres nos tendances pour prédire l’avenir avec une certaine acuité, force est de parier qu’ils ne gaspilleront pas d’énergie dans une quelconque tentative d’élimination de l’être humain: nous nous y affairons déjà avec une fougue incroyable.