Claquer la porte
Entre guillemets

Claquer la porte

 

Un peu comme l'écho, une parole d'Olivier Aubin, metteur en scène de 10-4, la nouvelle production du Théâtre des Marguerites, résonne depuis quelques jours dans ma tête. «Pour certaines personnes, du claquage de portes, ça peut avoir l'air d'un art un peu mineur. Mais si c'est fait avec rigueur et précision, ça atteint un autre niveau», avait laissé tomber l'homme de théâtre à propos du rythme de la fameuse pièce, qui est battu par l'ouverture et la fermeture de différentes portes.

Sur le moment, j'étais restée sceptique. Mais après avoir assisté à la première médiatique de 10-4 la semaine dernière, j'admets qu'il est possible de pousser cet «art» un peu plus loin, surtout quand le texte de la pièce est solide. Et là, je dis «solide» dans le sens qu'il est «béton» dans son style. Car l'ouvre écrite par un certain Paul Slade Smith est tout sauf sérieuse. La comédie policière, dont l'intrigue tourne autour d'une fraude de 16 millions qu'aurait orchestrée le maire d'une municipalité,  nous plonge dans un univers des plus absurdes, où la naïveté, voire la stupidité de certains personnages nous soutire de nombreux rires. En effet, comment résister à une sérieuse comptable (Isabelle Cyr) constamment en chaleur, à la bouille de Luc Boucher, qui incarne un maire qui semble un peu simplet, ou à un sexy tueur à gages acadien (François Xavier Dufour) qui, lorsqu'il se fâche, s'exprime de manière incompréhensible?

 

Un genre

Comme pièce de théâtre d'été, on ne pouvait mieux choisir: on rigole, fait travailler nos méninges (qui est réellement l'auteur du crime financier?) et ressent à l'occasion quelques frissons de peur (le tueur à gages achève ses victimes d'une façon peu orthodoxe). Bref, on passe deux heures de bon temps, à des kilomètres de nos tracas quotidiens. Je conviens cependant que 10-4 ne révolutionne pas le genre. Mais, au moins, on s'éloigne des traditionnelles histoires de maris cocus et des blagues bien grasses, qui vont souvent de pair avec le théâtre d'été,  pour explorer des sentiers moins fréquentés. On plonge donc à pieds joints dans une ambiance légèrement glauque, qui nous rappelle des films comme Snatch de Guy Ritchie ou The Whole Nine Years de Jonathan Lynn. Un voyage qui se fait sans anicroche tant on se laisse séduire par les petites trouvailles de mise en scène (le flash photo chaque fois que le maire serre la pince à un nouveau personnage), les décors fastes et inquiétants, le jeu caricatural des acteurs et les fameuses portes qui claquent (!). Croyez-moi, celles-ci ne nous agacent en rien. Elles créent plutôt une musique, une tension qui nous tient en haleine: les maladroits policiers (Émilie Gilbert, Marc-François Blondin) en mission secrète pour piéger le maire dans une chambre d'hôtel seront-ils démasqués  ou réussiront-ils l'impossible?

Bon, c'est clair que je ne répondrai pas à cette question. Je n'ai nullement l'intention de brûler des punchs. Je vous propose plutôt d'assister à l'une des représentations de 10-4, à l'affiche du Théâtre des Marguerites jusqu'au 4 septembre. D'autant plus qu'un comédien originaire de la région fait partie de la distribution: Robert Brouillette.