Grandes gueules

Profs: à quand l’évaluation?

Je suis enseignante en arts plastiques et en musique depuis huit ans, sans toutefois avoir pu, jusqu’ici, me frayer un chemin solide dans quelque commission scolaire.
Récemment, j’enseignais la musique dans une école primaire. En toute modestie, les élèves m’adoraient, la direction aussi. Les enseignants généralistes me disaient: «Avant, les enfants rechignaient devant l’éventualité d’aller au cours de musique; maintenant, ils adorent ça!»

J’étais pleine d’espoir et je voyais tout en couleur, convaincue que j’obtiendrais au moins un contrat au mois de septembre dernier. Cependant, la personne que je remplaçais est revenue et je suis au chômage!

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Je commence à en avoir assez de voir cette génération – dont l’entrée dans le «système» fut aisée et qui a profité des années de vaches grasses – conserver comme des chasses gardées des emplois qui, peut-être, reviennent en partie aux jeunes.

Les syndicats, dont l’objectif premier, à l’origine, était de faire valoir les droits de tous les travailleurs, sont devenus les quasi-ennemis de jeunes pleins de bonne volonté, ui ne demandent pas mieux que de donner leur 100 %. On dirait que messieurs et mesdames de la CEQ préfèrent garder des blasés qui enseignent avec monotonie, comme si tout leur était acquis (permanence, avantages sociaux, retraite assurée, etc.).
J’en ai marre de cette génération qui nous a endettés et pollués. C’est maintenant nous et nos futurs enfants qui en payons la note. Ils nous ont légué un héritage décevant et je trouve ça révoltant. Faut pas se le cacher: c’est l’ancienneté qui compte, pas la compétence! Les dirigeants de la CEQ, cramponnés à leur statu quo, refusent qu’il y ait une évaluation de la compétence des enseignants. C’est scandaleux!

Quand on n’a rien à se reprocher, on n’a pas peur de se faire regarder en face!

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J’ai déjà enseigné en Angleterre, durant un peu plus d’un an, dans une école secondaire en banlieue de Londres. Je me souviens très bien des inspecteurs généraux de la très noble Her Majesty the Queen, qui venaient observer notre boulot d’enseignants. Il me semble que c’est évident qu’une profession a besoin, de temps à autre, d’être examinée afin de remédier aux lacunes accumulées avec le temps, dans le but de toujours viser une meilleure qualité d’enseignement dans les écoles. Si on adoptait la méthode anglaise, peut-être y aurait-il plus de place pour des jeunes désireux de partager avec passion la matière qui les a séduits (surtout que les emplois d’enseignants ne pleuvent pas…).

C’est vrai que, souvent, les bons enseignants dérangent. Ils sont souvent marginaux; ils se renouvellent; ils emmènent leurs élèves voir des expositions controversées; ils stimulent la remise en question; ils cherchent une méthode pédagogique créative et vivante pour les enfants; ils interrogent la «dictature» d’un système sclérosé; ils veulent avancer; ils considèrent leurs élèves comme des êtres humains à part entière, etc.
Que penser des gens qui se sentent menacés par tant de vigueur et d’originalité? En tout cas, il faut se poser de sérieuses questions, car peut-être sommes-nous en train de perdre plusieurs perles rares qui donneraient un bon «coup de fouet» vivifiant à cette profession où la vie est trop souvent un long fleuve plate, conservateur, homogène, sécurisant, répétitif et endormant!

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Loin de moi l’idée d’instaurer une escouade de «tontons macoutes», cherchant à prendre en défaut les enseignants. Je sais que un bon nombre d’entre eux sont compétents et de bonne foi. Au pays de Shakespeare, par exemple, l’évaluation n’avait pas pour objectif de pointer d’un doigt condamnatoire les enseignants en difficulté, mais plutôt de les identifier afin de leur venir en aide.

De plus, vu l’importance capitale des enseignants pour l’avenir du peuple québécois, il faudrait qu’ils accèdent à un statut professionnel en bonne et due forme comme celui des ingénieurs, par exemple.

Je me demande seulement s’il n’y aurait pas un juste milieu entre le statu quo et la chasse aux sorcières… L’arrivée de vrai sang neuf et dynamique dans le système de l’éducation n’aiderait-elle pas, pour ne citer qu’un exemple, à contrer le décrochage dans nos écoles?