L’écho des Cantons

N’est pas chauvin qui veut

Si vous me demandiez pourquoi vous devez lire Les cheveux mouillés, le tout nouveau roman de Patrick Nicol (qui m'a accordé une entrevue – à lire cette semaine – sur sa galerie, en plus de m'offrir un café), je répondrais par la liste suivante:

1- Son livre est d'une telle finesse que lorsqu'on en termine la lecture, on se sent complice, et on a cette envie soudaine de relire les premiers chapitres afin d'apprécier toute la portée littéraire de passages dont la signification (comprise en chemin) se cachait entre les mots.

2- Ça se lit en environ une heure et demie (ça, c'est un argument taquin qui vient directement de l'auteur).

3- Il m'a offert un café (comme mentionné précédemment), et je suis du genre redevable.

4- Patrick Nicol est Sherbrookois. Pas un «pure laine» (il est né à Chicoutimi dans un passé pas trop lointain), mais Sherbrookois quand même.

Pour d'autres «arguments massue», lisez Littéraires après tout, le blogue d'un autre Sherbrookois, Jean-Philippe Martel: litterairesaprestout.blogspot.com.

Régionalisme

Dans les Cantons-de-l'Est, on aime notre monde. Tant mieux.

Face à la «montréalisation» de l'information, il est bien normal que les médias de la région pratiquent une forme de régionalisme, tant au culturel que dans le merveilleux monde du sport. T'es de Sherbrooke? Y'a donc plus de chances qu'on parle de toi que si t'es de Brossard.

Je dis ça en connaissance de cause. Au Voir Estrie, je vous dirais même que ça fait implicitement partie du mandat. Quand quelqu'un des Cantons-de-l'Est propose quelque chose de «bien», on le priorise au détriment du «bien» d'ailleurs. Et si c'est «très bien», on fait fi du reste (ou presque). Ça crée une sorte d'équilibre, un polaroid à l'image de l'offre culturelle de Sherbrooke, et de partout en région.

Toutefois, je trouve que ce régionalisme ouvre la porte à certains égarements. Il n'y a là rien de scandaleux, mais j'y vois un possible laxisme qui ne nous fait pas honneur.

Tout le monde est Sherbrookois

Premièrement, j'observe dans nos médias une tendance à considérer comme Sherbrookois tous ceux qui ont un petit lien avec la Reine des Cantons. T'es né ici, mais déménagé ailleurs il y a belle lurette? Sherbrookois. Ta famille habite encore ici? Sherbrookois. T'as étudié ici? Sherbrookois. T'aimes le Maxi Louis du Louis Luncheonette, et tu manges tes frites avec du vinaigre? Sherbrookois.

Mais attention! N'est pas Sherbrookois qui veut! Vincent Lacroix a étudié à l'Université de Sherbrooke, mais on ne veut pas de lui dans notre gang. On n'aime pas les pas fins. Lui, il est certainement d'ailleurs… Peut-être de Brossard.

Je m'en confesse: par mégarde, j'ai déjà «sherbrookisé» des gens (des gentils, évidemment). Au fond, ça ne dérange personne, et ça permet de flatter la «fibre patriotique régionale» dans le sens du poil… Y'a pas de mal à se faire du bien, non?!

La seule vérité: si tu peux avoir ta carte avec photo à la bibliothèque Éva-Senécal, t'es Sherbrookois.

Grossière dérive

L'autre dérive possible du régionalisme est un peu plus sournoise, et elle s'observe également à l'échelle du Québec. C'est que face à leurs compatriotes, force est d'admettre que certains laissent parfois leur sens critique au vestiaire.

Prenez la performance du «Sherbrookois» Garou dans Zarkana, le show du Cirque du Soleil à New York. La critique américaine: tiède. Celle au Québec: bonne. Celle de la région: élogieuse.

Dans ce cas-ci, le chauvinisme est un peu grossier, mais lorsqu'il s'applique de la sorte au contexte régional, la critique perd son sens, ainsi que son essentielle crédibilité.