Mots croisés

La cour des grands

Bien sûr que c'est un peu artificiel, une rentrée culturelle.

Opération marketing? Un peu, oui. Beaucoup même. Les livres, les disques, les billets de spectacles, ça ne se vend pas tout seul. Particulièrement de nos jours. Alors présenter l'offre des mois à venir en un beau gros bouquet aux couleurs alléchantes, à grand renfort de slogans, de forfaits de saison et d'affiches martelant des noms connus, c'est de bonne guerre.

Mais il y a autre chose. Derrière cette pure invention, il y a certainement le désir plus ou moins avoué de prolonger le plaisir intense, mêlé d'une crainte exquise, qui s'empare des écoliers à l'approche du début des classes.

Nous sommes en deuil de ce moment de renouveau, de page qui se tourne, d'étui à crayons neuf rempli de crayons neufs et de petites chaussures qui font encore mal aux pieds. Ça m'a saisi en laissant les garçons à l'école lundi matin: c'est LE grand moment de l'année pour un gamin, une émotion bien plus profonde que celle qui vient avec le sapin de Noël ou les oufs de Pâques, et je nous soupçonne d'avoir fabriqué la rentrée culturelle pour les avoir au ventre, nous aussi, les papillons du début septembre.

La rentrée de cette année, en tout cas, tombe à point. Nous avions bien besoin d'un nouveau souffle après cette fin d'été gris foncé. Et je parle moins du passage d'Irène que de l'actualité du mois d'août. De toutes ces morts entre autres, qui comme toujours arrivent par grappes. Paul-Marie Lapointe, l'un des plus grands poètes québécois du dernier demi-siècle (16 août); Gil Courtemanche, merveilleux emmerdeur et empêcheur de tourner en rond (19 août); Jack Layton évidemment, qui nous avait laissé espérer, qu'on soit d'accord ou non avec le détail de son discours, que la sclérose politique actuelle n'était pas incurable (22 août).

Comme le ciel propre qui succède à l'ouragan, ce ciel lavé, d'un bleu insolent, la rentrée remet les cours en marche et nous oblige à regarder devant.

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Cette rentrée 2011 est bien particulière pour nous, chez Voir. Il y a bientôt 25 automnes, eh oui, que les tout jeunes membres du Groupe sanguin faisaient la une d'un nouvel hebdo, gratuit s'il vous plaît, qui allait s'implanter durablement dans le paysage artistique montréalais.

Durant les prochains mois, ce quart de siècle sera souligné de plusieurs manières. À travers des manifestations écrites, électroniques, télévisuelles et artistiques, ce 25e sera aussi le vôtre. Nouvelle mouture de voir.ca, nouvelle communauté dédiée aux mordus de culture (me.voir.ca), sans compter la troisième saison de Voir télé (en ondes à Télé-Québec à compter du mercredi 14 septembre, 20h)… Nous avons 25 ans, toutes nos dents et la franche envie de faire un autre bout de chemin avec vous.

D'ici là sortez vos calepins: dans cette édition spéciale, introduite avec toute la grâce qu'on lui connaît par la star japonaise Miki Nakatani, lumière sur tous les trucs à ne pas rater durant cette saison où le Québec s'ouvre comme jamais sur le monde.

Un souhait en terminant: durant les prochaines semaines, sortez donc un peu des sentiers battus, prenez quelques risques. Osez des musiques nouvelles, des films qui dérangent, des chorégraphies qui décoiffent.

N'est-ce pas ce qu'on dit aux enfants au début des classes: ne reste pas dans ton coin, ouvre-toi à ce qui t'entoure, aux nouvelles rencontres… C'est comme ça qu'on grandit!