Prise de tête

Gaza: petit abécédaire antipropagandiste

J’écris ceci lundi, au moment où l’opération israélienne contre Gaza (appelée Pilier de défense) a déjà fait plus de 100 morts et plusieurs centaines de blessés – contre 3 morts et quelque 63 blessés en Israël à la suite de tirs de roquettes palestiniens. Je l’écris au moment où Israël a approuvé la mobilisation de 75 000 réservistes, ce qui, peut-être, annonce une nouvelle invasion de la bande de Gaza.

Les données qui précèdent seront certes périmées au moment où vous lirez ces lignes. Mais voici quelques mots de vocabulaire qui ne le seront pas et qu’il sera utile de garder présents à l’esprit ces jours-ci, afin de résister à la propagande massive qui se met en branle.

Antisémitisme: Accusation redoutablement efficace par laquelle on cherche à contraindre au silence toutes les personnes qui expriment des réserves ou des critiques à l’endroit de politiques d’Israël, tout particulièrement à l’égard des Palestiniens.

BDS: Boycott, désinvestissement, sanctions [bdsfrance.org]. «Campagne citoyenne et non violente contre l’impunité d’Israël». Un exemple de ce que peuvent faire ceux et celles qui sont horrifiés par ce qui se passe au Moyen-Orient, mais qui pensent aussi, avec raison, qu’il est encore possible de changer les choses.

But de l’opération Pilier de défense: «Le but de cette opération est de ramener Gaza au Moyen-Âge: ce n’est que de cette manière qu’Israël aura la paix pour les 40 prochaines années.» (Source: Eli Yishaï, ministre de l’Intérieur d’Israël, cité par le journal Haaretz, 17 novembre 2012)

Disproportion: «Quels que soient les mérites des doléances des deux parties, l’une est une force militaire toute-puissante, tandis que l’autre est sans force et recroquevillée par la peur. Ce fait intolérable échappe à la conscience morale du monde en raison de l’écran géopolitique derrière lequel se trouve Israël et qui lui permet de faire ce qu’il veut.» (Source: Richard Falk, rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés)

Élections: Un schéma semble se répéter: la realpolitik interne d’Israël incite ses politiciens, au moment où des élections approchent, à démontrer leur fermeté par des actions comme celles entreprises contre Gaza. Cette démonstration aurait le mérite de rendre la population tout à la fois craintive et rassurée d’être entre les mains de protecteurs fiables et déterminés. Plausible? Cela mérite réflexion…

Gaza: Cette bande de terre, peut-être la plus densément peuplée au monde, est aussi la plus vaste prison à ciel ouvert qui soit. Depuis 2007, l’embargo s’est accentué et est devenu un blocus incroyablement inhumain, qui ne laisse désormais à la population que le minimum de calories quotidiennes lui permettant de survivre. La situation est à ce point horrible que, notamment en raison du sous-approvisionnement en eau, l’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (anglais: UNRWA) estime possible que l’endroit soit inhabitable en 2020.

Hasbara («explication» en hébreu): Vaste opération de relations publiques d’Israël à destination des pays étrangers et dont la prémisse est que ce que fait l’État d’Israël est par définition raisonnable et vertueux: il suffira donc de l’expliquer aux personnes confuses qui n’en sont pas convaincues pour qu’elles le comprennent. Le succès de cette entreprise a été si considérable qu’il arrive souvent que des informations et des points de vue exposés dans la presse israélienne ne sauraient l’être dans les autres pays.

Légitime défense: Voir «Nakba».

Occultation de données pertinentes: Voir aussi «Nakba». Entre les tirs de roquettes du Hamas et les incursions dans Gaza et bombardements par Israël, c’est surtout l’assassinat d’Ahmed al-Jabari, chef de la branche armée du Hamas, le 14 novembre, qui rompt le cessez-le-feu informel et les négociations pour une trêve qu’al-Jabari, justement, avait pour tâche de conclure et de faire observer pour Israël à Gaza. Le Hamas lance le lendemain ces missiles qui font trois morts en Israël. Le nombre de projectiles israéliens lancés contre Gaza, lui, est inconnu; mais ceux qui avaient fait mouche avaient tué 108 personnes en 2011, 58 en 2012, en plus de faire 257 blessés cette seule année. (Source: Yousef Munayyer, The Jerusalem Fund, 15 novembre 2012) Nombre d’Israéliens tués à Gaza entre janvier 2009 et septembre 2012: 4. (Source: B’Tselem, une organisation israélienne pour les droits humains)

Nakba («catastrophe» en arabe): Exode ou expulsion de leurs terres, en 1948, de quelque 700 000 Palestiniens. C’est là que doit prendre fin la relance des accusations par lesquelles chaque parti accuse l’autre d’avoir commencé et prétend pour cette raison agir en légitime défense.

Nishtagea («devenir fou» en hébreu): Ce que les leaders politiques israéliens menacent de faire pour diverses raisons – par exemple, si les droits des Palestiniens étaient reconnus. Ce qui se passe en ce moment à Gaza est un exemple de ce que nishtagea peut signifier.