Sentinelle

Ce que le cinéma peut pour la danse

Les festivals poussent comme des champignons à Montréal et ont la fâcheuse tendance à se cloner. Cette semaine naît Cinédanse, premier de son espèce au Québec consacré aux films sur la danse, un genre qui a donné de véritables bijoux, à commencer par le magnifique Pina de Wim Wenders. Filmées par l’œil artistique du cinéaste qui a mis la technique 3D au service de la danse, les chorégraphies de Pina Bausch ont non seulement trouvé une couleur inédite, mais aussi touché un auditoire plus large que les seuls amateurs de danse contemporaine grâce à ce film. La danse a un potentiel visuel extraordinaire pour le cinéma, mais ce dernier peut aussi devenir une précieuse rampe de lancement pour elle.

L’écran donne également l’occasion à la danse de développer de nouvelles démarches artistiques. Cinedans, un festival créé en 2003 à Amsterdam et dont la version montréalaise s’est inspirée, décrit son idéal du film de danse comme une vraie synthèse entre la danse et le cinéma, mettant l’accent sur les chorégraphies créées spécifiquement pour la caméra. Le film Amelia (présenté au festival) est un bel exemple de réussite. La chorégraphie d’Édouard Lock prend une nouvelle dimension devant l’objectif du grand directeur photo André Turpin. Une conférence Pourquoi la danse à l’écran? sera présentée le 21 septembre pour ceux qui désirent approfondir la question.

Parmi la programmation riche et variée du festival nouveau-né, on trouve des documentaires primés à l’étranger, comme The Co(te)lette Film de Mike Figgis, ou Life in Movement de Bryan Mason et Sophie Hyde, sur la danseuse et chorégraphe Tanja Liedtke, morte tragiquement à 29 ans et qu’on comparait à la jeune Pina Bausch. Le documentaire de Guillaume Paquin Aux limites de la scène permet d’aborder le travail de nos créateurs avant-gardistes (Virginie Brunelle, Dave St-Pierre et Frédérick Gravel), et plusieurs hommages seront rendus à des chorégraphes un peu oubliés ici, comme Balanchine et Diaghilev. De grands noms débarquent à Montréal, dont le réalisateur Mike Figgis, Claude Bessy, la magnétique Bardot de la danse, et Jo Ann Endicott, grande interprète de Pina Bausch. Entre les œuvres documentaires s’immiscent, à mon grand bonheur, des œuvres chorégraphiques d’ici et d’ailleurs, sous la forme de courts ou moyens métrages, donnant une visibilité à des créateurs peu connus. Les films sur la danse trouvent dans le premier festival du genre à Montréal un champ de belles promesses pour ouvrir les fenêtres du public à un art qui reste souvent trop secret. Du 20 au 23 septembre, au Cinéma Impérial.

Sylvain Bélanger au Théâtre d’Aujourd’hui

Autre bonne nouvelle sur la scène montréalaise, Sylvain Bélanger, directeur artistique du Théâtre du Grand Jour et du Théâtre Aux Écuries, vient d’être nommé codirecteur général et directeur artistique du Théâtre d’Aujourd’hui, succédant à Marie-Thérèse Fortin. L’homme de 40 ans a enrichi le théâtre québécois de pièces coups de gueule à la parole libre et frondeuse, mettant en scène des auteurs comme Étienne Lepage avec L’enclos de l’éléphant, Fabien Cloutier pour Billy (les jours de hurlement) et la Canadienne Joan MacLeod avec Cette fille-là. Il défend avec lumière la création d’aujourd’hui, rejoignant le collectif par l’intime, engageant d’abord l’humain pour toucher au politique. Son implication aux Écuries confirme ses préoccupations citoyennes qu’il entend bien défendre, comme l’indiquait son mot de réception, fort inspirant. «Nous vivons à une époque qui exige que nos choix de société soient affirmés et éclairés par la Culture.» Ainsi soit-il.

II (deux)

En parlant de coup de gueule, j’ai adoré la pièce de Mansel Robinson traduite par Jean Marc Dalpé, qui partage la scène avec Elkahna Talbi dans un troublant duel entre un policier blanc et sa femme musulmane. Un électrochoc frontal et puissant pour les bien-pensants de ce monde. L’auteur nous fait glisser vers un délire paranoïaque encouragé par le climat de méfiance de l’Occident en guerre contre le terrorisme. L’intolérance surgit chez un homme a priori ouvert et brillant, dans sa chambre à coucher, faisant mentir ceux qui croient que l’islamophobie ne les concerne pas. Jusqu’au 28 septembre à La Petite Licorne. En tournée au Québec.

Les dishwasheurs

La nouvelle création du Théâtre Momentum, présentée comme une réflexion sur l’importance du travail, a l’air aussi décalée que les précédentes pièces de cette compagnie qui reste champ gauche depuis deux décennies. Mise en scène par Stéphane Demers, la pièce du Canadien Morris Panych raconte la rétrogradation d’un homme d’affaires à laveur de vaisselle. J’ai toujours eu un faible pour la disgrâce des hommes de pouvoir, alors j’ai bien hâte de voir comment Stéphane Crête, Jacques L’Heureux, François Papineau et Benoît Drouin-Germain feront rouler le personnage dans la mousse et le savon à vaisselle. Du 26 septembre au 20 octobre, aux Ateliers Jean-Brillant.