Solo de clavier

MPQuoi?

Mine de rien, on soulignera le vingtième anniversaire du format MP3 dans quelques mois. Travail de longue haleine amorcé par l’ingénieur allemand Karlheinz Brandenburg en 1993, le MP3 aura, au fil des années, compressé un nombre incalculable de chansons tout en engendrant une myriade de nouveaux paramètres pour l’art, le droit d’auteur, voire nos relations sociales.

Tympans amicaux

Bien sûr, il y a la radio et la cassette, mais le MP3 – et tout ce qui en découle – aura permis la diffusion de culture à la vitesse grand V. Diffusion de culture, oui, et pas seulement de musique, car comme l’a démontré la popularité croissante de services tels que Last.fm, qui permet à des mélomanes de se trouver des correspondants selon leurs goûts musicaux, la musique est un art, bien sûr, mais aussi une arme culturelle de choix pour «casser la glace» entre inconnus, faire tomber les barrières (le nombre d’amitiés lancées par des goûts musicaux communs en témoigne) et faire voler en éclats les préjugés (la musique heavy métal est réservée aux «vrais de vrais» mâles hétéros? Que nenni! Plusieurs fans du genre l’ont compris en 1998 avec la «sortie du placard» de Rob Halford, chanteur de Judas Priest et bête de scène cloutée toujours active dans le milieu). C’est là, à mon humble avis, que le MP3 s’est le plus distingué, dans la démocratisation de la culture.

Mais bon, alors que je m’amuse à comparer l’aspect collectif du MP3 à une pub de ligne téléphonique de party, le chercheur et militant culturel Jean-Robert Bisaillon, lui, va jusqu’à lier le fameux format à la révolution de l’imprimé.

Vie et mort du MP3

Bien que Bisaillon croie que le format en est à ses derniers soubresauts (on y reviendra), il rappelle que plusieurs artistes et de hautes instances ne l’ont toujours pas maîtrisé. «Ils le subissent, tranche-t-il. Ils tentent de s’adapter, mais n’arrivent pas à l’embrasser de façon positive.» Bien qu’à la base, il ne s’agisse que d’un format de compression, celui-ci aura popularisé du même coup ce que Bisaillon surnomme les «réseaux de transmission bidirectionnelle numériques». Bien qu’ils soient souvent associés aux Napster et autres patentes de pirates du genre, Jean-Robert Bisaillon rappelle que ceux-ci permettent néanmoins un transfert de savoir «comparable à l’imprimerie de Gutenberg».

Mais, toujours selon le penseur, les beaux jours du MP3 pourraient être comptés alors que le zeitgeist se dirige tout droit vers les nuages (la popularité de services permettant l’entreposage de données sur un serveur – ou cloud computing – en témoigne).

Bien évidemment, les fichiers musicaux n’y échappent pas. Le succès de Rdio – une gigantesque discothèque accessible en ligne sur les ordinateurs, mais aussi les téléphones intelligents – fait craindre le pire pour le MP3 qui pourrait bien rejoindre la cassette d’ici peu dans le désert du format toujours actif, mais vétuste. «Il y a de nouvelles mutations dans la diffusion de la musique qui posent autant de défis que le MP3, comme le streaming et les radios à la demande», conclut Bisaillon, laissant entendre qu’une fois de plus, l’industrie culturelle locale et internationale devra pédaler pour rattraper cette nouvelle mouvance.

Jour de paie

Hop! Deux suggestions d’achats culturels cette semaine…

Lecture qui, vous l’aurez deviné, a grandement influencé cette chronique, MP3: The Meaning of a Format est un bouquin qui plaira autant aux férus d’histoire qu’aux nerds d’informatique. Riche en documentation, le livre signé Jonathan Sterne – un professeur de l’Université McGill – se veut une histoire du MP3 et, à l’image du fameux format, l’auteur arrive à comprimer vingt années de faits, de détails techniques complexes et de questions soulevées en un récit historique étonnamment passionnant.

Avant d’être gâchées par Skrillex et son Full Flex Express Tour, les tournées musicales en train ramenaient les mélomanes au fameux Festival Express qui, en 1970, a ameuté de nombreux hippies alors que Janis Joplin, The Grateful Dead et plusieurs autres – dont Charlebois (!) – sillonnaient les rails d’un concert à l’autre (d’ailleurs, un documentaire homonyme lancé en 2003 détaille l’aventure si ça vous dit). C’est dans cet esprit que s’est mis en branle le Big Easy Express, une tournée réunissant Mumford & Sons, Edward Sharpe & The Magnetic Zeros et Old Crow Medicine Show. Le documentaire du même nom rapportant le périple a (beaucoup) moins d’importance dans l’histoire du rock que son prédécesseur, mais demeure sympathique (et la direction photo est plutôt surprenante).