Solo de clavier

From Montréal… et puis après?

Ce jeudi au festival Pop Montréal, on projettera From Montréal, un documentaire abordant la fameuse scène musicale alternative locale tout en suscitant – du moins, chez moi – une certaine inquiétude.

Documentaire s’ouvrant sur une saynète où Louis-Jean Cormier, figure de proue des auteurs-compositeurs-interprètes francophones du Québec, et Patrick Watson, golden boy anglophone, répètent une pièce ensemble, From Montréal aborde aussi, par la bande, le clivage entre les deux solitudes, un sujet qui est tristement revenu sous les feux de l’actualité, mais qui, avouons-le, a déjà été traité maintes et maintes fois au fil des dernières années lors de tribunes radiophoniques, articles de magazines et reportages télé d’ici et d’ailleurs.

Bref, rien de bien neuf sous la croix du mont Royal, outre la participation de «nouveaux» intervenants pertinents (l’ex-directeur musical de CISM, Martin Roussy, et le journaliste français Thomas Burgel qui se joignent au carillon des Laurent Saulnier et Éli Bissonnette, respectivement grands vizirs des FrancoFolies et de l’étiquette Dare To Care, qui sont souvent invités à commenter cette bulle musicale). Aussi à souligner: la direction photo léchée – les plans aériens du Mile End étant particulièrement réussis – tout comme les moments plus intimes en coulisses, en studio ou encore dans les ruelles après un spectacle.

Malgré sa lentille un peu trop rosée à mon goût – «Bravo! Les communautés francophone et anglophone collaborent!» (les autres communautés complétant le portrait ne seront malheureusement pas abordées), «Super! On peut faire carrière à l’international tout en chantant en français!», «Sensass! On a un pied-à-terre au festival SXSW et, lorsqu’on invite des dignitaires de l’étranger chez nous, ils répondent à l’appel!» – , From Montréal souligne surtout, à gros traits, les «conditions gagnantes» faisant de Montréal «un phare pour les bateaux que sont les artistes», pour reprendre l’expression d’un intervenant.

Ainsi, parmi les facteurs faisant en sorte qu’on retrouve tant de créateurs de talent – et de tout acabit – à Montréal, figurent la culture (ses universités et le nombre de lieux de diffusion de la culture en témoignent) et le faible coût de la vie (on peut s’y loger, y vivre et y étudier sans nécessairement dépendre de ses heures supplémentaires, disons). Mais n’eût été du soulèvement populaire des derniers mois, le coût de la vie aurait grimpé pour plusieurs créateurs toujours aux études (sans compter la prolifération de projets de condos sur l’île, qui tuent à petit feu le marché locatif convenant davantage aux Montréalais moins nantis). Côté lieux de diffusion, on se rappellera qu’en 2010, le SPVM mettait sur pied le projet NOISE, une mesure antibruit qui annonçait des amendes allant jusqu’à 12 000$ pour les établissements jugés trop bruyants, tout en s’attaquant à l’affichage sauvage, limitant ainsi la promotion d’événements culturels locaux.

D’où mon «et après?». Bien que la musique alternative, émergente ou non, lorgnera toujours le «fais-le toi-même», il est inquiétant de constater qu’au moment où on lance un documentaire célébrant la culture montréalaise, de hautes instances s’activent pour lui donner un coup de main de temps en temps, pour ensuite l’étouffer (en français ET in English); éloignant, du même coup, Montréal de son fameux statut de «nouvelle Seattle» pour la rapprocher de… je sais pas, un endroit plate comme Calgary, genre.

Pour plus de détails sur le documentaire, rendez-vous au popmontreal.com. À noter qu’il sera aussi diffusé à Télé-Québec le 29 octobre à 21h.

Jour de paie

Ces jours-ci, je dévore Straphanger, un bouquin abordant le transport en commun à l’échelle quasi mondiale. Bien que la parution date un peu (le livre a été lancé en avril dernier), la récente explosion du prix de l’essence jette un nouvel éclairage sur cet ouvrage démontrant, à l’aide de faits percutants, que la culture automobile nous mène à notre perte. Écoutez, j’étais, jusqu’à tout récemment, un automobiliste indécrottable et j’ai maintenant envie de brûler ma bagnole!

Seule ombre au tableau (qui n’en est pas vraiment une): le portrait du transport en Europe qui nous fait maudire notre système ferroviaire préhistorique et nos réseaux d’autobus anémiques, rendant chaque périple vers les couronnes nord et sud digne de l’Odyssée (moins les bouts le fun comme le passage avec les sirènes). L’auteur du livre, Taras Grescoe, habite maintenant à Montréal.