Sur le fil

Action!

Silence de deux minutes sur le plateau!» peut-on entendre au deuxième étage du restaurant Cordon Bleu de la rue Laurier. Pas parce que le chef résident a besoin d'un silence de marbre afin de réussir son soufflé au camembert, mais plutôt parce que l'édifice est pris d'assaut par l'équipe de tournage de La Sacrée, la toute première comédie cinématographique franco-ontarienne. Super, une comédie franco-ontarienne? Honnêtement, les premiers drames, thrillers ou films de science-fiction franco-ontariens – s'ils existent – m'échappent totalement. Mais j'ai quand même accueilli la nouvelle avec une grande joie, étant donné que tout près de la majorité de l'équipe devant la caméra – et derrière, faut-il le souligner – est originaire de l'Ontario français.

Avec un budget modeste de 1,2 million de dollars, La Sacrée est un film de Balestra Productions, entreprise télé-ciné-Web basée ici à Ottawa. Le réalisateur (qui a aussi bossé sur le scénario), Dominic Desjardins, lui, est un Franco-Torontois. Ça existe, vous me direz? Bah oui! De plus, le scénariste, Daniel Marchildon, est originaire de Penetanguishene. La tête d'affiche, l'ex-Hardis Moussaillons Marc Marans, a grandi à Sudbury avant de déménager dans la métropole québécoise. Rencontré à quelques heures de la clôture du tournage, le comédien se dit fébrile de prendre part à un tel projet qui a le drapeau franco-ontarien tatoué «sul' chest», comme on dirait ici. On a filmé une grande partie du long métrage dans le village de Vars et son casting all stars inclut Louison Danis, Damien Robitaille (qui s'improvise acteur) et Roch Castonguay. «Je reviens chez nous, c'est ça la beauté. J'étais tellement content du fait que j'allais revenir retravailler en Ontario. Jusqu'à présent, ça a été une aventure incroyable», affirme Marans, en ajoutant ne s'être fait offrir le rôle que trois petites semaines avant le début officiel du tournage. 

Marans incarne François, un gars qui a grandi dans un village de l'Est ontarien et dont le parcoursgéographique est semblable au sien (grandi en Ontario français, déménagé à Montréal), mais dont la personnalité se révèle on ne peut plus différente. «C'est un arnaqueur. François s'est rapidement rendu compte qu'il était capable de faire croire toutes sortes de trucs aux gens. C'est le retour dans son patelin, les pieds dans la bouette, dans un village un peu perdu, qui mettra en branle une remise en question.»

«Il y a certaines personnes qui ignorent toujours l'existence de francophones hors Québec. J'espère que La Sacrée peut donner un petit coup de pouce supplémentaire pour faire découvrir le talent franco-ontarien. Ce que j'aimerais aussi, c'est que ce projet permette la mise en branle d'autres projets semblables et de donner à Ottawa ainsi qu'aux villes de la francophonie ontarienne, et aussi canadienne, les arguments nécessaires dans le but de se bâtir une réputation enviable.»

Même son de cloche auprès de Marie Turgeon, comédienne qui a évolué pendant une quinzaine d'années dans les sphères télévisuelles et artistiques franco-ontariennes (on l'a longtemps vue, entre autres, à l'émission Volt de TFO). «Ça prend des couilles de faire ça. Ça aurait été facile de le créer ici et d'aller le tourner à Montréal, ce qui n'est pas le cas. Pour avoir tourné sur d'autres plateaux, je peux t'affirmer que Dominic [Desjardins] a su bâtir une équipe bourrée de talent qui a le succès du film à cour.»

Le long métrage La Sacrée devrait prendre l'affiche à l'été 2011. Suivez le tournage sur Facebook: www.facebook.com/Lasacree

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Quand on situe, sur la ligne du temps, la culture (chanson, télé, arts visuels, littérature) franco-ontarienne des premiers balbutiements à nos jours, on se rend compte rapidement que, malgré le marasme culturel dans lequel nous pataugeons – lire ici l'épée de Damoclès des coupes dans le financement tant public que privé -, nous survivons. Mieux encore, on arrive à se surpasser. Peut-on suggérer aux différents intervenants liés à la création d'une telle production (Téléfilm Canada, TFO, la Société de développement des médias de l'Ontario, Radio-Canada et FunFilms) de ne pas attendre de voir combien d'argent La Sacrée rapportera au sacro-saint box-office avant de vouloir réinvestir dans notre cinéma local? Le seul fait d'entendre un réalisateur franco-ontarien crier «Action!» par un lundi matin devrait être un argument massue démontrant qu'avec notre seule infatigable volonté et un talent certain, on arrive, jour après jour, à créer de petits miracles.

La suite? L'été prochain sur vos écrans.