Théologie Médiatique

Festival de l’Internet à Alma: une culture Web?

Cette fin de semaine se tiendra le Festival de l’Internet à Alma. Autant vous le dire tout de suite, l’initiateur de ce projet – Joël Martel, qui fût jadis rédacteur en chef du Voir au Saguenay – et ses acolytes sont des amis. J’y prendrai même part (j’ignore encore de quelle manière, mais on m’a dit que je devais faire quelque chose). Se joindront, comme autant de comiques, plusieurs autres amis et bons contacts, notamment des fauteurs de troubles qui ont pris part au projet trouble.voir.ca.

Voilà pour la plogue et pour la couleur du paysage. Pour le reste, vous viendrez voir. Impossible de dire ce qui va se passer. Si je prends quelques lignes pour vous en glisser un mot, c’est qu’à cette occasion, il m’apparaît intéressant de réfléchir un peu sur cette fameuse «culture Web» dont on a un peu parlé depuis quelques mois et qu’on se propose de célébrer lors de ce festival.

Quelques-uns ont un peu sourcillé à l’annonce de l’événement et de sa programmation. «Festival de l’Internet». Le titre, il faut bien le dire, est un peu pompeux, voire assez flou. Au sens strict, on pourrait croire qu’on se propose de célébrer les machines, les tuyaux, «l’Internet» au sens du canal de communication. Quiconque prenant part d’une manière ou d’une autre à ce réseau de diffusion, le pionnier comme le néophyte, devrait se sentir interpellé ou être invité pour prendre part aux festivités.

Il faut en convenir, ça fait pas mal de monde. Woah! Vous n’y pensez pas! Tout l’Internet à Alma? Vraiment?

C’est sans doute là mal comprendre ce qui est ironiquement nommé «l’Internet» dans cette proposition. Et c’est aussi ainsi que le flou apparaît. Car on nous parle, pour tenter d’apporter des précisions, de «culture Web», sans même vraiment en définir les contours, comme si ça allait de soi. Pour ce qu’on en comprend, «l’Internet» serait un terme évoquant un ensemble de pratiques propres à un groupe humain, une série d’usages et des codes plus ou moins formels et définis, mais permettant d’isoler une «culture».

Il n’est donc plus question de considérer l’outil en tant que tel, le «média» Internet – qu’on peut bien utiliser par ailleurs pour diffuser ce qu’on veut –, mais bien voir le «Web» comme le lieu où se créent un langage particulier, une forme de socialisation nouvelle avec ses coutumes, ses rituels, son humour et tout ce qui constitue un «tissu social».

Dès l’apparition du Web et ses premières percées au sein du grand public, vers la fin du siècle dernier, nous avons été nombreux à y voir une solution médiatique alternative. Le Web était en quelque sorte un moyen de contourner les canaux de diffusion traditionnels. Nous nommions «Internet» un outil, une infrastructure de communication autre. Nous l’avons utilisé comme tel.

Désormais, pour plusieurs, principalement des jeunes qui sont nés avec un téléphone intelligent dans les mains, le Web n’est plus un outil alternatif, mais bien la forme de la communication, au sens anthropologique du terme. L’Internet n’est plus une simple toile de machines branchées entre elles, mais carrément un rapport à l’autre. Envoyer un texto, par exemple, n’est plus un simple moyen pratique de plus pour rejoindre un ami; c’est la condition de l’amitié elle-même qui se joue dans ces échanges. Il en va de même pour les likes et les retweets, les statuts et les commentaires Facebook. Ceux qui prennent part à cette culture ont développé des codes qu’ils sont parfois les seuls à comprendre, du «pétage de coche» devant une webcam diffusé aussitôt que créé en passant par les memes, ces images que chacun reprend pour illustrer sa pensée. Il faudrait tout un manuel pour seulement répertorier les rudiments de cette culture qui émerge. Pour l’heure, constatons au moins l’hypothèse qu’elle existe au même titre que la culture rap ou punk avec ses logos, ses icônes, ses gestes, son patois. Nous parlerons alors peut-être plus justement de sous-culture. Une chose me semble certaine: ces phénomènes ne sont plus confinés à l’underground. Déjà, de grands médias et des publicitaires mainstream adoptent ces mêmes comportements afin de passer leurs messages.

À Alma, en fin de semaine, ce sera donc un rassemblement d’acteurs de cette culture Web sans doute plus motivés à passer du bon temps ensemble qu’à célébrer l’Internet au sens technologique du terme. Évidemment, comme je l’écrivais d’entrée de jeu, certains ont sourcillé en constatant que le terme Internet semble ici réservé à une ribambelle de trublions occupés à semer la zizanie à coups de performances qui semblent parfois loufoques.

C’est que l’émergence de cette culture Web n’est pas à confondre avec «la diffusion de la culture sur le Web». Ceux qui évoluent dans ce contexte culturel bien particulier ont sans doute plus besoin de se reconnaître entre eux, en se rassemblant pour une première fois afin de festoyer et d’échanger, que de se faire reconnaître pour leur signifiance ou leur insignifiance.

Festival de l’Internet à Alma

Les 22 et 23 août

festivaldelinternet.com