Théologie Médiatique

À l’école de l’austérité

Austère est issu du grec austeritas, de austerus, signifiant qui rend la langue sèche, qui est astringent. À proprement parler, auster désigne un vent sec du Midi.

Un vent sec, qui assèche, faisant en sorte que plus rien ne pousse.

Bref, quand l’austérité se pointe, craignez pour votre jardin. La culture est menacée. Les feuilles vont faner, la terre va craquer. Du désert, mettons… Du désert.

Toujours est-il que tout en réfléchissant à ce vent sec qui assèche même la salive, je dois aussi chercher une école secondaire pour ma fille. Le temps passe et, l’air de rien, dans ma demeure, nous sommes passés de la fée des dents aux grandes questions pédagogiques sans trop nous en rendre compte. Je pourrais jurer que tout ça s’est passé en quelques minutes.

Choisir l’école, donc. Un peu comme tout le monde, j’imagine, nous devons multiplier les visites, question de faire un choix. Nous empruntons le parcours normal, de la sympathique polyvalente de quartier au collège privé bien en vue et pas trop loin en passant par une autre institution où nous avions un peu l’impression de pénétrer au sein d’une loge maçonnique.

C’est ainsi qu’en quelques jours, nous avons pour ainsi dire effectué une visite guidée du système d’éducation. Pour l’heure, deux possibilités retiennent notre attention: la polyvalente et un collège privé où on ne porte pas trop la toge des initiés. Le grand dilemme du public et du privé qui se joue autour de deux propositions.

D’une part, il y a ce que je pourrais appeler le monde réel. On y trouvera des bons et des moins bons, des bums et des moins bums, des profs motivés et d’autres moins. Les pires ne risqueront jamais de perdre leur emploi, faudra les endurer. C’est la vie, quoi, où il faut apprendre à se débrouiller avec les moyens du bord, surtout à la bibliothèque où on ne trouve aucun ordinateur et où s’échoient quelques dictionnaires datant du siècle dernier.

D’autre part, il a un monde auquel peu de gens auront accès, mais qui est très attirant. Les salles de classe débordent d’équipements, de microscopes, de télescopes, de laboratoires garnis d’éprouvettes et de trucs que je ne peux même pas nommer. La bibliothèque est garnie de dizaines d’ordinateurs dernier cri branchés au web, de rayons remplis de périodiques récents dans tous les domaines et tous les journaux du jour sont posés sur une table.

OK, qu’est-ce qu’on choisit comme école?

N’allez pas m’écrire que cette chronique est probablement la plus banale que j’ai pu écrire. Je le sais. Je fais un constat tout à fait épais: d’un côté, il y a du fric, de l’autre, il n’y en a pas.

Mais je pose quand même la question: qu’est-ce qu’on choisit comme école?

Ce qui me ramène au vent sec et chaud qui souffle dans les grands titres par les temps qui courent, à cette austérité où on entend que personne ne va mourir par manque de livres – quand même! C’est un ministre de l’Éducation qui a dit ça! –, à ce grand désert qui avance.

Cette austérité, c’est le contraire de la culture. La culture, c’est irriguer, arroser, labourer la terre, la retourner, faire en sorte que ça pousse. Pour l’école, ce serait garnir les rayons des bibliothèques, équiper les salles de classe de matériel didactique, donner aux enseignants et aux élèves des outils pour jardiner, si je peux dire les choses ainsi.

Or, selon ce qu’on entend, nous n’en sommes pas là du tout. Collectivement, nous ne parlons pas d’économiser des sous afin de pouvoir jardiner et s’acheter du nouveau matériel et des semences. Nous parlons de couper, point. On n’a plus les moyens, qu’on nous répète. C’est le désert qui avance. On parle plus de sacrifier que de faire des sacrifices, pour ainsi dire.

C’est ainsi que le chroniqueur moyen se pose des questions, avec sa blonde et sa fille, le soir à l’heure du souper. D’un côté, se sauver vers des terres plus fertiles, quitte à payer assez cher pour passer la frontière; là, au moins, on pourra jardiner, qu’on se dit. De l’autre, attendre que ça passe, en se disant que dans le désert, on peut peut-être se trouver un bout de roche pour se creuser un puits… ou même trouver une oasis quelque part… qui n’est peut-être qu’un mirage… Et risquer de mourir de soif.

Nous sommes un peu fourrés. Un étrange sentiment de devoir faire un choix individuel à défaut d’avoir fait un choix collectif.