Voix publique

Ras-le-pompon

Le sentez-vous, ce ras-le-pompon qui flotte dans l'air au Québec? La sentez-vous monter, cette déception face à la classe politique, cette prise de conscience que lorsque vient le temps de gouverner pour le bien commun, ça ne tourne pas rond?

Cette question de l'"éthique" vient maintenant cristalliser ce sentiment provoqué par l'effet cumulatif des "affaires" Zampino, Couillard et Accurso. Du parfum de scandale émanant de la Ville de Montréal dans le contrat des compteurs d'eau. Du passage d'anciens hauts fonctionnaires de Montréal à des firmes gâtées par la même ville. De partenariats privé-public synonymes d'assiette au beurre. De la nomination d'un Michael Sabia à la tête d'une Caisse de dépôt ayant perdu 40$ milliards. Etc… L'impression est aussi que tout cela participe d'une certaine déconstruction des choses. Volontaire ou non.

Sans compter que même lorsque des viaducs s'effondrent, personne dans cette foutue province n'est tenu responsable de quoi que ce soit! Comme si l'imputabilité était remplacée par une impunité généralisée.

Puis il y a l'impression de ne pas se faire dire la vérité. Même lorsque les abus sont évidents. Ou lorsque le maire de la Métropole s'érige en juge et partie. Qu'il envoie son contrat de compteurs d'eau au vérificateur général tout en jugeant d'avance que tout s'est fait dans les "règles de l'art"! Le maire prend-il ses électeurs pour des valises? Et après, on se surprendra que le seul citoyen à avoir osé poser des questions cette semaine à l'hôtel de ville se soit fait couper la parole dès qu'il a prononcé le vilain mot "corruption"! Cachez ce mot qu'on ne saurait entendre…

DOMMAGE POUR LES BONS

Dommage pour les élus honnêtes et compétents. Car ce portrait sent le laisser-faire, l'incompétence, le manque de vision et parfois même d'éthique. Comme si de simples intendants se faisaient passer pour des gouvernants… Mais voilà que face à des "valises" de plus en plus fâchées, la classe politique cherche maintenant à donner l'impression qu'elle FERA quelque chose. Gérald Tremblay promet une "ligne de dénonciation" pour la fraude et le gaspillage. Erreur. Ce qu'il faut, c'est une VRAIE loi sur la protection des whistle blowers – ces fonctionnaires divulgateurs qui sonnent l'alarme devant des cas d'abus ou de fraude. Mais aussi une formation plus solide en gestion éthique et un code solide de déontologie pour fonctionnaires et élus.

On reparle aussi de la création d'un poste de commissaire à l'éthique. Mais pour faire rapido, certains paniqués voudraient simplement ajouter cette responsabilité à celles du commissaire au lobbyisme. Ce serait une GRAVE erreur. De fait, ce commissaire n'est qu'un tigre de papier, créé en 2002 à la va comme je te pousse pour enterrer l'affaire Oxygène 9 – une firme de lobbyistes proches de Bernard Landry soupçonnée d'avoir trop profité de cette belle amitié. Ce qu'il faut plutôt, c'est: 1) lui donner enfin des dents en renforçant ses pouvoirs auprès des lobbys; 2) créer un poste distinct de commissaire indépendant à l'éthique, armé d'une législation encadrant la conduite des élus et des fonctionnaires, le tout reposant sur un code de déontologie précis. La perfection n'est sûrement pas de ce monde. Mais il reste qu'un élu doit être tenu à des normes sévères de probité. C'est le prix à payer lorsqu'on veut goûter au pouvoir de gérer l'argent des autres…

LA PROBITÉ COMME CULTURE DE GOUVERNANCE

Partant du principe "où il y a de l'homme, il y a de l'hommerie", cet appareillage est essentiel. Mais il reste que l'outil le plus efficace pour promouvoir la probité s'appelle le leadership. Lorsqu'un maire ou un premier ministre gouverne et se gouverne de manière transparente et honnête, qu'il en exige autant, la "machine" s'autorégule plus facilement. C'est ce que j'appelle la "culture" de gouvernance. D'ailleurs, le scandale des commandites n'aurait probablement pas eu lieu si la "machine" fédérale n'avait pas senti une culture ambiante de tromperie sanctionnée par le silence approbateur du bureau du premier ministre.

Cette semaine, ce pauvre Gérald Tremblay, se demandait: "Qu'est-ce qu'on peut faire pour améliorer le lien de confiance que nous avons avec les citoyens?" Des suggestions? En plus de protéger les whistle blowers et tutti quanti, commencer par dire la vérité aux citoyens, gérer leur argent avec probité et punir la corruption et le trafic d'influence. Et si vous en êtes incapables, il restera la retraite. Ça permettrait de laisser entrer un peu d'air frais et de sang neuf…