Les fantômes
Voix publique

Les fantômes

On parle souvent des "belles-mères" du PQ. Ces anciens chefs – en fait, des "beaux-pères" – sont connus pour leur penchant à prodiguer leurs conseils très publiquement à leur successeur du jour.

Or, le Parti québécois a également son lot de fantômes. Des "ex" de toute évidence déterminés à revenir hanter leur ancien parti.

Dans le rôle du fantôme en chef: François Legault – homme d'affaires prospère, ex-ministre vedette et ex-rival de Pauline Marois côté chefferie. Très ambitieux, dès son départ en 2009, on devinait déjà qu'il ne resterait pas éloigné des caméras trop longtemps.

Et donc, dès ce printemps, il créait la Coalition pour l'avenir du Québec (CAQ). Son partenaire: le multimillionnaire Charles Sirois – un libéral militant de longue date et un proche de Jean Charest. Tout un mariage.

Après le choc et la dénégation, bien des péquistes ont compris que si leur ex-collègue venait à se trouver un nouveau véhicule d'ici la prochaine élection, il pourrait leur gruger pas mal plus de votes qu'au Parti libéral.

Même les plus sceptiques ont fini par voir que l'influence marquée du très libéral Charles Sirois veut dire que la vraie cible de la CAQ est en fait le parti qui trône au sommet des sondages, soit le PQ…

Un tsunami pédagogique?

Au Québec, plusieurs facteurs ont alimenté le tsunami NPD-orange du 2 mai, dont une colère sourde de l'électorat québécois contre son propre "establishment" politique.

Tellement qu'il en a pulvérisé le Bloc et même congédié Gilles Duceppe, un de ses politiciens les plus dévoués.

Or, certaines plumes y ont vu un grave cas de "névrose collective". D'autres, celui d'une méchante bande de "caves" soudainement décervelés. Une grosse erreur d'analyse.

D'autres, plus jovialistes, se consolent de voir, comme le montrait le sondage Léger Marketing/Le Devoir du 14 mai, que 41% des Québécois sont toujours souverainistes. Oubliant, par contre, que le PQ ne leur offre aucun engagement clair dans ce sens.

Et pourtant, ce ras-le-bol est bien réel.

Au point où si l'"establishment", dont celui du PQ, refuse d'y répondre avec intelligence, audace et clarté – incluant auprès des plus jeunes -, la prochaine élection québécoise pourrait être, elle aussi, une boîte à surprises.

Surtout si le fantôme Legault s'y présente drapé de ses plus beaux habits de "nouveauté". Aussi trompeurs soient-ils.

"Trompeurs" parce que, dans les faits, il n'y a rien de plus vieux et de plus usé dans le paysage politique québécois des derniers 150 ans qu'un énième "nouveau" parti plus ou moins de droite et plus ou moins nationaliste. Mais ça, c'est une autre histoire…

L'avertissement est pourtant clair: gare aux partis qui sous-estiment l'humeur massacrante d'une partie non négligeable de l'électorat.

Le 20 avril, j'avançais dans cette page qu'avec la possibilité d'un gouvernement Harper majoritaire et le retour de François Legault en politique, "il semble bien que 2011 soit l'année de tous les dangers (…) autant sur la question nationale que sur la montée d'une certaine droite populiste".

L'élection du 2 mai confirmait la première partie de cette hypothèse. Il reste maintenant à voir si M. Legault créera un nouveau parti ou prendra la direction d'une ADQ en attente d'un nouveau prince charmant. Car ce sera un ou l'autre.

Il fallait d'ailleurs entendre Charles Sirois déclarer que la CAQ listerait d'ici la fin de l'année "12 à 16 actions concrètes".

"On définit quelles sont les réparations que l'on veut faire à notre maison du Québec", de dire M. Sirois, "et par la suite, les gens choisiront leur entrepreneur général". Et d'ajouter surtout que "passer à l'action (…), ça, tu le fais avec un bulletin de vote"!

Quant à la toujours franche députée adéquiste, Sylvie Roy, elle déclarait ceci: "Moi, je suis une partisane que [sic] tous les mouvements de droite se rencontrent dans un même parti parce que divisés, on est toujours moins forts.". Et la députée de nommer l'ADQ, le Réseau Liberté-Québec, Legault et les Lucides…

On ne s'en sort pas. Cette possible nouvelle division d'un vote francophone déjà passablement fractionné pourrait fort bien produire un gouvernement minoritaire. Péquiste… ou libéral.

D'ailleurs, parlant "fantômes" du PQ, on en retrouve aussi à l'ADQ, dont Raymond Bréard. Conseiller d'un candidat à la chefferie adéquiste de 2009 et maintenant responsable de l'organisation, M. Bréard était directeur général du PQ sous le gouvernement Landry.

Mais ce poste, il l'a perdu en 2002 lorsque Pauline Marois avait obtenu sa tête à la suite de la fameuse "affaire" Oxygène 9. Or, les décapités politiques reviennent rarement au bercail.

Connaissant aussi bien l'ADQ que le PQ, il pourrait peut-être contribuer à rapprocher lentement François Legault et Gérard Deltell. Qui sait?

À moins que ces deux messieurs ne commettent la même erreur politique, le même péché d'orgueil, que le NPD et le PLC semblent vouloir commettre au fédéral. Soit en croyant qu'ils pourront se passer l'un de l'autre pour la suite des choses…

À suivre.