Voix publique

Au royaume de Stephen 1er

Pendant qu’ici et là, dans votre télé, ça débat de la «lutte» droite-gauche, la droite, elle, agit. Bienvenue au royaume de Stephen 1er.

Un royaume où règne un Stephen Harper qui, à vrai dire, ne s’est jamais caché de vouloir «changer» le Canada en lui insufflant une vision ultraconservatrice pure et dure.

Dorénavant armé d’une solide majorité, et peut-être pour longtemps, le premier ministre commence l’année en lion. Bienvenue à la grande offensive prébudgétaire de Stephen 1er.

Pour l’instant, l’attention est monopolisée par son intention, annoncée le 26 janvier à Davos, d’aller jouer dans les pensions de vieillesse… quelque part dans l’avenir.

Bien sûr, il vous fait croire que c’est pour mieux «protéger» l’équité entre les générations qu’on coupera un jour dans les pensions! Mais on comprend bien qu’à terme, dans l’univers harpérien, pour être un vieux heureux, mieux vaudra avoir le portefeuille bien garni. À chacun selon ses moyens, et non ses besoins.

Pour ameuter les chaumières, M. Harper brandit les 108 milliards de dollars qui y passeraient chaque année, dit-il, dès 2030, alors que maintenant, ça ne nous coûte que 36 milliards. Bouh! Or, par rapport au pourcentage du produit national brut du pays, l’augmentation ne serait en fait que de moins de 1%. Ce qui, de toute manière, ne sont que des projections. Ou dans ce cas-ci, un miroir aux alouettes.

Pas surprenant. De par le monde, le lancer de l’épouvantail est une tactique classique de la droite depuis les années 80. Qu’elle soit «néolibérale» ou «conservatrice». Le processus commence par des réductions d’impôts et de taxes qui favorisent surtout les entreprises et les mieux nantis. Des gestes populaires, par nature. Résultat: les revenus de l’État baissent et au moindre soubresaut, le déficit augmente.

Une fois qu’on a bien «affamé la bête» de l’État providence, comme le décrit si bien l’économiste américain et Prix Nobel Paul Krugman, les gouvernements coupent dans les services publics pour rétablir l’équilibre budgétaire qu’ils ont eux-mêmes détruit. Pour compenser, la demande et l’offre pour des services privés augmentent. N’est-ce pas ce qui se passe à Québec et Ottawa depuis les années 90?

Ce ne sont pas des choix «comptables». Ce sont des choix idéologiques.

La différence avec Stephen 1er est sa détermination d’aller plus loin encore. Pendant qu’on parle des pensions de vieillesse, on oublie le reste du fameux discours de Davos. Surtout, on oublie l’ensemble de l’œuvre qui se prépare. Hormis les pensions de vieillesse, la multiplication des prisons et des dépenses militaires, en voici les axes principaux.

1) Compressions futures dans les transferts aux provinces pour la santé. 2) Sous prétexte de respecter l’autonomie provinciale, la dilution prévisible de la Loi canadienne sur la santé – laquelle assure un accès universel et gratuit à des soins publics – ne fera qu’accélérer la privatisation du système. 3) Pour les services publics, non pas 4 milliards en compressions dès cette année – tel qu’il l’annonçait pourtant en campagne électorale -, mais plutôt 8 milliards ou plus. 4) Moins d’argent en science et technologie. 5) Une immigration de plus en plus basée sur des critères économiques. 6) Une déréglementation accrue pour les minières et pétrolières. 7) Une politique agressive d’exportation du pétrole et du gaz.

À côté de Stephen Harper, même Bob Rae passerait pour Che Guevara…

Attention. Attachez bien vos ceintures. Ça va faire mal. Et ça va faire mal longtemps. À Davos, M. Harper fut extrêmement clair. Avec son «plan», a-t-il déclaré, «nous sommes maintenant en train de choisir notre avenir». Et comme on le sait, l’avenir, ça dure longtemps, longtemps…

Quant aux «ni-ni» qui se vautrent dans l’air du temps – ces ni fédéralistes, ni souverainistes vachement à la mode -, le message est pourtant tout aussi clair. Le règne de Stephen 1er ne sera pas sans conséquences majeures pour le Québec, entre autres. Et là, on ne joue plus sur le terrain constitutionnel, mais celui de l’économie. Les «vraies affaires», pour reprendre le cliché réducteur d’un François Legault.

Les indices y sont depuis plusieurs années. On se dirige vers une société de plus en plus individualiste. Où les intérêts privés l’emportent sur le bien commun. Où l’iniquité entre les générations devient sourdement la règle. C’est seulement qu’avec Stephen 1er, ça ira encore plus vite et plus fort.

Avouons que c’est beaucoup plus dangereux que la prolifération des portraits de la reine…