Three Seasons : Sans histoire
Cinéma

Three Seasons : Sans histoire

Premier long métrage écrit et réalisé par Tony Bui, un Américain d’origine vietnamienne âgé de 26 ans, Three Seasons a beaucoup attiré l’attention au Festival de Sundance cette année. D’abord, parce que ce film à petit budget (deux millions de dollars) est le premier à avoir été tourné par des Américains au Viêt Nam depuis la fin de la guerre, et qu’il met en scène des acteurs locaux (à l’exception d’Harvey Keitel) qui jouent dans leur propre langue (fait rarissime pour une production américaine); ensuite, parce qu’il a remporté trois prix importants: le Grand Prix du jury, celui du public et celui de la meilleure photographie.

Est-ce à dire que Three Seasons est aussi remarquable que la rumeur le laissait entendre? Oui et non. Oui, dans la mesure où c’est un film d’une grande beauté plastique, extrêmement sensible, et très bien mis en scène. Non, parce qu’il s’appuie sur un scénario très mince, souvent naïf et parfois fleur bleue, dont les faiblesses sont partiellement camouflées par une structure faussement expérimentale.

Recoupant trois histoires (à la manière de Pulp Fiction, Before the Rain et, tout récemment, Les Casablancais), Three Seasons entremêle le récit d’une jeune paysanne (Ngoc Hiep), qui se rapproche peu à peu de son mystérieux patron (Manh Cuong), un poète lépreux qui vit en retrait de la société; l’histoire d’un chauffeur de cyclo (excellent Don Duong) amoureux d’une prostituée (Zoe Bui) qu’il transporte d’un hôtel de luxe à l’autre; et celle d’un petit garçon des rues (Nguyen Huu Duoc), persuadé qu’il s’est fait voler sa mallette de vendeur par un soldat américain (Harvey Keitel), revenu au Viêt Nam pour voir sa fille qu’il n’a jamais connue. Trois récits qui abordent assez lourdement leurs thèmes respectifs (l’importance de l’amour et des traditions; l’adaptation aux lois du capitalisme; la difficulté de réconcilier le passé et l’avenir), à travers des symboles d’une naïveté embarrassante (comme ces personnages de poète lépreux à l’âme noble, ou de chauffeur de cyclo veillant sur une pute au cour d’or).

Triomphe de la forme (sublime) sur le fond (maladroit), Three Seasons réussit – grâce aux images nuancées de Lisa Rinzler, à la musique envoûtante de Richard Horowitz, et au montage expert de Keith Reamer et Sam O’Steen – à imposer le talent subtil et étonnamment mûr du très prometteur Tony Bui. On peut toutefois regretter que leurs efforts soient gâchés par la lourdeur d’un scénario qui ne semble jamais tout à fait digne de la subtilité avec laquelle il est mis en scène.

Dès le 7 mai
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