Star Wars: Episode 1 The Phantom Menace : Étoiles filantes
Cinéma

Star Wars: Episode 1 The Phantom Menace : Étoiles filantes

La plus énorme campagne de pub de l’histoire du cinéma tire à sa fin, avec la sortie du produit qu’elle nous a vendu. Résultat: un formidable film d’aventures, aussitôt vu, aussitôt oublié. Surpris?

Malgré un embargo sur les critiques que voulait faire respecter la Fox, distributeur de The Phantom Menace (alors que les médias nourrissent depuis plus d’un an sa titanesque campagne promotionnelle), les premières réactions furent, aux États-Unis comme ici, plutôt sévères, soulignant la fadeur des personnages, le manque de renouvellement du genre, le gaspillage d’effets spéciaux, etc. Que ce soit une réaction proportionnelle à l’énormité de la machine à vendre, ou un désir d’autonomie face à un lavage de cerveau qui prend des proportions inquiétantes, ces don Quichottes du libre arbitre prennent le problème à l’envers. Poussant la logique hollywoodienne dans ses derniers retranchements, George Lucas n’a pas accompagné son film d’une opération de promotion, mais il a bien été obligé de pondre un film qui justifierait cette énorme entreprise commerciale!

Cela dit, que reste-t-il à écrire sur le film le plus publicisé de tous les temps? Que peuvent bien apporter trois ou quatre paragraphes de plus à ce vacarme mercantile qui se suffit à lui-même? Rêvons un peu, et imaginons qu’il serait possible de voir The Phantom Menace pour ce qu’il est: un formidable film d’aventures, aussitôt vu, aussitôt oublié.

Un maître Jedi (Liam Neeson) et son disciple Obi-Wan Kenobi (Ewan McGregor) aident la jeune reine (Nathalie Portman) d’une petite planète pacifique à combattre la mainmise de la toute-puissante Fédération. En cours de route, les Jedi rencontreront Jar Jar (Ahmed Best), une créature mi-aquatique qui les aidera; deux robots, R2-D2 et C3-P0; et Anakin Skywalker (Jake Lloyd), un petit garçon qui rêve de devenir un Jedi, mais qui tournera mal puisqu’il deviendra, bien plus tard, Darth Vader.

George Lucas ne gagnera pas d’oscar pour ce scénario-prétexte, et on s’en fout un peu, d’ailleurs. Ce qui compte dans cette virée en montagnes russes intergalactiques, ce n’est pas la destination, mais bien le voyage. Et on en a pour son argent – c’est la moindre des choses avec un budget de 115 millions de dollars (ce qui en fait le film indépendant le plus coûteux de l’histoire du cinéma…). Les costumes de Trisha Biggar sont fabuleux, mêlant les influences russes, mongoles, chinoises, victoriennes et j’en passe; les décors de Gavin Bocquet sont majestueux; et les effets spéciaux sont sidérants, matière première de ce film qui n’a d’autre sujet que cette débauche technologique qui a permis de créer des mondes fictifs et des personnages imaginaires.

Il faut voir la ville-planète briller sous les rayons du couchant, ou la ville sous l’eau, véritable Atlantide Art déco. Il faut voir déambuler des dizaines de créatures, simples figurants des rues du village d’Anakin Skywalker; ou les milliers de soldats-robots, métal rouillé et allure arachnéenne. Il faut découvrir Jar Jar, à mi-chemin entre le cheval et le batracien, hilarant et attachant avec sa dégaine de Black des années 70; ou cet autre, roi sous-marin aux allures de Falstaff débonnaire. C’est la richesse des visions de Lucas qui impressionne dans cet hymne au «Big is beautiful». Des images si saturées de couleurs, de textures, de formes, de mouvements qu’elles en perdent parfois leur force.

Ermite multimillionnaire ou ado quinquagénaire, George Lucas est aussi un cinéphile, et il nous sert une copie conforme et futuriste de la course de chars de Ben-Hur, qui constitue un des points forts du film. Exécution: 10/10. Originalité: 0. Par-ci, par-là, on entrevoit Naissance d’une nation ou Cléopâtre, et on craint de revoir la bataille d’Ivan le terrible lors de l’affrontement final, mais Lucas nous épargne. Ce qu’il a gardé, par contre, c’est le côté serial des westerns des années 30, qu’il aime tant, à l’instar de son copain Steven S. Calqué sur ces films, faits en série, dans lesquels le Bien triomphait toujours du Mal, Star Wars a pour plus grand défaut de n’avoir pas de méchant. Et ce n’est pas le diablotin rouge et noir qu’on nous sert à la fin qui nous fera oublier le terrible et ambigu Darth Vader. Face à ce manque d’adversaire, les personnages de Neeson et McGregor paraissent bien pâlots.

Certains ont vu dans le succès du premier Star Wars, et de sa psycho-pop triomphaliste, une réaction à l’abattement du pays, suite au Watergate et à la guerre du Viêt Nam. Ici, la métaphore sur les dangers de la mondialisation, et de la concentration du pouvoir, est à peine voilée. Ironique de la part d’un film qui envahit les écrans de la Terre, en commençant par près de 2000 salles en Amérique du Nord, dont 50 à Montréal.

Cela dit, Star Wars n’est pas LE film à voir cet été: vous ne mourrez pas idiot si vous ne le voyez pas, vous ne manquerez pas un moment important de la culture fin de siècle, et Lucas aura assez d’argent pour réaliser le prochain épisode. Mais dans toute cette histoire, le cinéma a si peu d’importance que d’aller voir Star Wars ou pas devient presque un geste politique: alors, choisissez votre camp.

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