West Beyrouth : Frères ennemis
Cinéma

West Beyrouth : Frères ennemis

Premier film autobiographique, West Beyrouth, de Ziad Doueiri, est une page de journal intime, celui d’un gars de 36 ans qui a fui la guerre du Liban. Aujourd’hui assistant cameraman des films de Tarantino, Doueiri s’est penché sur son adolescence. Ça donne un film-témoignage tendre et optimiste, un tableau impressionniste qui oscille entre le flou de la guerre et la fougue adolescente.

À Beyrouth, le 13 avril 75 marque le premier jour de la guerre civile. Tarek (Rami Doueiri, frère du réalisateur) et son copain Omar (Mohamad Chamas) assistent au massacre de Palestiniens par des miliciens. Ils habitent dans les quartiers musulmans, à l’ouest de la capitale, et les chrétiens maîtrisent Beyrouth Est. Avec une copine chrétienne (Rola Al Amin), ils vont vivre dans l’enclave, de plus en plus repliée sur elle-même. Ils vont se débattre avec leur insouciance naturelle, la naissance de la sexualité, la force de l’amitié, l’incompréhension de la guerre, et la peur qui s’installe.

Le film se démarque par la clarté de son propos: Doueiri a d’abord filmé l’installation de la guerre dans l’esprit d’un garçon joyeux, cancre attachant qui fume ses premières cigarettes, découvre le disco et les jolis seins de la tante d’Omar. Pour montrer à quel point la guerre est affaire de perception, aux yeux d’un enfant choyé, Doueiri a brouillé le temps. L’adolescent ne vieillit pas et évolue très lentement, et l’on arrive, en fin de film, à l’intervention israélienne de 1983. Les années passent, et Tarek garde son sourire candide, alors que la guerre se fait de plus en plus présente. Le temps des grands et celui des petits n’est pas le même, mais ils se rejoignent dans les coups de terreur. West Beyrouth parle en sourdine de bouleversements politiques et religieux qui secouent un pays coupé en deux, mais le film séduit par ses images d’un bonheur en construction, par des portraits felliniens, des instants de vie volés en super 8 et en son direct, et des cavalcades à vélo sur la musique de Stewart Copeland.

La peine, les larmes, le poids d’une guerre civile, et les conséquences de ces déchirements ne viennent frapper que dans les derniers plans du film. Comme si Doueiri se gardait d’exposer les vraies blessures, plus profondes. Tant mieux, sa pudeur et son optimisme ont engendré un travail plein de vivacité, d’originalité stylistique et de délicatesse.

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