Cinéma

Rentrée cinéma : Nos choix

Tout sur ma mère

Après avoir dû se «contenter» du Prix de la mise en scène à Cannes (alors que plusieurs lui donnaient volontiers la Palme d’or), Todo sobre di madre débarque en Amérique précédé de la meilleure rumeur qui ait jamais entouré la sortie d’un film de Pedro Almodovar. Cette fois, le cinéaste raconte l’histoire d’une mère (Cecilia Roth), qui perd subitement le fils qu’elle a élevé seule pendant 18 ans, et part à la recherche de l’actrice qu’il admirait plus que tout (Marisa Paredes), ainsi que du père qu’il n’a jamais connu – un monsieur qui s’appelle aujourd’hui Lola…

Placé sous le signe de Mankiewicz (le titre évoque All About Eve, dont on voit par ailleurs un extrait dans le film), cette odyssée à travers l’âme féminine représente le premier «mélo dur» (l’expression est du cinéaste) revendiqué par Almodovar. Comme il n’a jamais fait dans le mou, ça devrait être plutôt intéressant… Sortie le 19 novembre. (G. P.)

Romance
Vivant avec un amant qui l’aime sans lui faire l’amour (Sagamore Stévenin), une jeune institutrice (Caroline Ducey) se défoule avec un étalon italien (Rocco Siffredi), puis s’attache à son proviseur qui la ligote…

Romance, c’est le film par lequel le scandale pourrait arriver. En effet, si l’on se fie aux films précédents de Catherine Breillat, la scénariste (Police, de Pialat) et réalisatrice (Sale comme un ange) n’a pas froid aux yeux. On s’indignera de la bite de Rocco, vieille routière du porno hard européen; mais ce qui risque de choquer vraiment, c’est le mélange de rigueur et de provocation, et le cocktail sadomasochisme et phallocratie qui semble tendre ce film à coup sûr pas banal. Sortie le 8 octobre. (É. F.)

Felicia’s Journey
Tout beau, tout chaud, en direct de Cannes, Felicia’s Journey, d’Atom Egoyan, sort cet automne au Québec. Flash-back à répétition et surprises scénaristiques, ambiance inquiétante et excellente direction d’acteurs: le réalisateur d’Exotica propose une seconde adaptation d’un roman de William Trevor, qui risque de ne pas décevoir les fans de The Sweet Hereafter.

Felicia (Elaine Cassidy) quitte l’Irlande pour l’Angleterre, afin de retrouver son amoureux, et lui apprendre qu’elle est enceinte. Sa route croise celle d’un vieux bonhomme vicieux (Bob Hoskins), justement spécialisé dans la jeune fille naïve. Bob Hoskins est un acteur hors pair; et Atom Egoyan, un excellent cinéaste: le résultat, estampillé code PG 13 pour «thèmes matures développés et images troublantes», fait déjà saliver. Sortie le 19 novembre. (J. R.)

Bringing Out the Dead
Dès sa parution, le livre de l’ex-ambulancier Joe Connelly semblait taillé sur mesure pour Martin Scorsese. Après tout, les aventures nocturnes et éprouvantes de cet infirmier new-yorkais n’étaient pas sans rappeler les aventures nocturnes et éprouvantes d’un certain chauffeur de taxi new-yorkais. Mais la ressemblance superficielle entre les deux projets inquiétait autant qu’elle attirait Scorsese et son scénariste, Paul Schrader, qui affirment avoir voulu faire un film qui apporte «une conclusion, plus qu’une suite» à leur plus célèbre collaboration. Ce qui est sûr, en tout cas, c’est qu’avec une distribution qui rassemble Nicolas Cage, John Goodman, Patricia Arquette, Ving Rhames et Tom Sizemore, Bringing Out the Dead est l’un des films les plus attendus de la saison. Et qu’il y a des choses pires pour un film que de risquer de ressembler un peu trop à un chef-d’ouvre des années 70. Sortie le 22 octobre. (G. P.)

Souvenirs intimes
Peintre confiné à son fauteuil roulant, à la suite d’un accident de jeunesse, Max (James Hyndman) vit bien entouré d’amis: un jeune homme (Pierre-Luc Brillant) et sa mère adoptive (Louise Portal); un sculpteur angoissé et ambitieux (Yves Jacques); un simple d’esprit (Michel Charette) et son modèle favori (Jacinthe René). Ce petit monde éclatera en morceaux avec le retour d’une jeune femme (Pascale Bussières) prête à tout pour se venger. De quoi? C’est ce que raconte Souvenirs intimes qui, sept ans après Being at Home with Claude, marque le retour au cinéma de Jean Beaudin.

Tiré de Homme invisible à la fenêtre, de Monique Proulx, et coscénarisé par Beaudin et la romancière, ce «thriller psychologique» a pris ses distances par rapport livre dont il est inspiré. Restent l’efficacité de conteur de Beaudin, l’univers de Proulx, entre la faute et la rédemption, et Pascale Bussières à qui on prédit déjà un prix d’interprétation. Sortie le 28 septembre. (É. F.)

Matroni et moi
On attend le plaisir de passer du temps entre Matroni & moi, de Jean-Philippe Duval. La pièce d’Alexis Martin qui a fait fureur en mai 95 a de bons atouts pour entamer une seconde vie: elle est portée à l’écran par le jeune réalisateur de La vie a du charme; les producteurs Roger Frappier et Luc Vandal en ont assuré la production; et elle est mise en image par André Turpin.

Ce thriller rocambolesque et comique où deux mondes s’entrechoquent raconte l’histoire de Gilles (Alexis Martin), un étudiant prétentieux qui tombe amoureux de Guylaine (Guylaine Tremblay), une serveuse ayant la malchance d’avoir un frère qui flirte avec la mafia et avec le caïd Matroni (Pierre Lebeau). Bataille absurde entre le théoricien et le réaliste, entre deux langages et deux éthiques. Les rôles principaux sont repris par les mêmes acteurs qu’au théâtre, à l’exception de celui que tenait Robert Gravel, joué à l’écran par Pierre Curzi. Sortie le 8 octobre. (J. R.)

Post Mortem
Une fille de la Petite Patrie (Sylvie Moreau) qui escroque des inconnus pour pouvoir élever décemment sa fillette (Sarah Lecompte-Bergeron). Un type solitaire et pas méchant (Gabriel Arcand) qui aime le blues, et qui est veilleur de nuit à la morgue. Deux parcours qui se croiseront de façon extraordinaire.

C’est le canevas du premier long métrage de fiction écrit et réalisé par Louis Bélanger, vidéaste et scénariste à la Coop vidéo de Montréal depuis dix ans, connu pour ses coréalisations avec Denis Chouinard (Le Soleil et ses traces, Les 14 Définitions de la pluie), et Bruno Baillargeon (Les Galeries Wilderton). Produit par Lorraine Dufour, Post Mortem offre un premier rôle à Gabriel Arcand. C’est suffisant pour aller le voir. Sortie le 17 septembre. (É. F.)

Sleep Hollow
Les projets avortés ont parfois du bon… Si l’idée de voir Tim Burton préparer un énième Superman avec Nicolas Cage n’avait rien de bien excitant, il est réjouissant de le voir rebondir en réunissant Johnny Depp et Christina Ricci dans Sleep Hollow, une adaptation du roman de Washington Irving (écrit au 18e siècle) sur la légende du «Cavalier sans tête». Depp y incarne Ichabod Crane, un petit constable new-yorkais jurant par les seules lois de la raison, qui débarque dans un village étrange pour enquêter sur plusieurs meurtres par décapitation. Ajoutez Miranda Richardson, Casper Van Dien et Christopher Walken (on vous avait dit que c’était un village étrange…) à la distribution de ce film écrit par Tom Stoppard, et vous avez une ouvre qui semble renouer avec l’esprit d’Edward Scissorhands. Et puis, comme Burton l’a expliqué à la presse américaine, il a «toujours rêvé de faire un film sur un personnage sans tête»… Sortie le 19 novembre. (G. P.)

The Straight Story
Autre rendez-vous cannois, le dernier film de David Lynch, intitulé The Straight Story. Le maître de la trouille et du bizarre est-il revenu des glauques délires de Lost Highway? Peut-être. Voici un road movie à 10 km/h, où Alvin Straight, 73 ans (Richard Farnsworth), part rejoindre son frère mourant (Harry Dean Stanton), avec qui il est brouillé depuis toujours. Straight quitte sa fille (Sissy Spacek) et voyage de l’Iowa au Wisconsin… sur un tracteur de jardin.

Comme les maîtres japonais, il semblerait que Lynch fasse le sage, cherchant la clé du temps dans les paysages et les rides de deux vieux loups. Les accrocs seront cependant bien servis: on promet quelques débiles glanés dans les champs et une bande sonore sophistiquée. La randonnée gérontologique annoncée aurait encore tout d’un film avant-gardiste du prince du bizarre. Sortie le 15 octobre. (J. R.)

Ghost Dog: The Way of the Samouraï
Autre cadeau de Cannes, la dernière surprise de Jim Jarmusch: Ghost Dog: The Way of The Samouraï. Même chose ici, pourquoi s’attendre à du simple? Un tueur à gages (l’excellent Forest Whitaker) se voit coincé entre la mafia italienne et les guerriers ninja.

Le comédien de The Crying Game et de Short Cuts faisant du Kung-Fu? C’est intrigant, mais attention aux dangers des mélanges de genres: à l’instar de Dead Man, qui se voulait un western intellectuel, Ghost Dog a tout l’air d’un film de gangsters spirituel. Ça peut clocher, mais espérons que le réalisateur inspiré de Down by Law et de Stranger Than Paradise ait assez de subtilité pour sortir indemne d’une histoire tordue, digne d’un Tarantino. Sortie le 22 octobre. (J. R.)