The Astronaut's Wife : Papier glacé
Cinéma

The Astronaut’s Wife : Papier glacé

Avec The Astronaut’s Wife, le scénariste et réalisateur RAND RAVICH prouve qu’on peut réduire un classique du cinéma fantastique à un petit film insignifiant. Johnny, pourquoi as-tu fait ça?

Ils vivent en Floride. Ils sont jeunes et beaux; ils sont riches, mais pas trop. Ils sont mariés et amoureux; ils déménagent dans un luxueux appartement de Manhattan, et leur garde-robe semble tout droit sortie des dernières collections de Donna Karan et Hugo Boss. Il est astronaute (Johnny Depp), version plombier plutôt que cow-boy; elle est enseignante (Charlize Theron) pour les 10-12 ans. C’est la vie rêvée, le rêve américain à la sauce Martha Stewart.

Jusqu’à ce que le réparateur de l’espace revienne de mission après avoir été deux minutes sans contact avec la Terre. Sa femme le trouve changé, son coéquipier meurt dans des circonstances étranges, l’épouse de celui-ci se suicide en prenant son bain avec un poste de radio branché (véridique!), le jeune couple déménage à New York, la jeune institutrice tombe enceinte de jumeaux, et la paranoïa de la future mère s’installe. Mais est-ce de la parano ou bien une réalité bien plus horrifiante que ses pires craintes? Ouuuh! On en tremble encore.

Il faut avoir un sacré culot pour écrire un scénario comme The Astronaut’s Wife sans qu’il ne soit jamais fait mention de Rosemary’s Baby. Il faut être gonflé pour le réaliser, et ne jamais faire allusion, à l’écran ou dans le dossier de presse, au film de Polanski – à moins que la présence de Nick Cassavetes, le fils de John, qui jouait le mari de Mia Farrow dans Le Bébé de Rosemary, soit un clin d’oeil… Pour son premier film, Rand Ravich a donc au moins eu ce culot, et a signé une version édulcorée et javellisée du formidable Rosemary’s Baby.

Rien n’y manque: la future mère blonde aux cheveux courts, dans un vaste appartement sombre, et plongée dans un monde qu’elle ne connaît pas; le jeune mari, beau ténébreux peu loquace, dont la vie professionnelle est entourée de flou; le couple d’amis plus âgés à l’air bienveillant, mais qui sont peut-être des ennemis; une finale où la mère sacrifie tout à ses enfants. Ce qu’on a rajouté: une musique (de George S. Clinton) plus explicative qu’un manuel d’entretien de machine à laver; des gros plans extrêmes qui, loin de suggérer tout sens d’intimité ou de suspense, ressemblent plutôt à des photos médicales; un contexte patriotique qui ne sert à rien; et un enrobage de science-fiction qui fait du Diable un extraterrestre!

Bienvenue à la fin du millénaire: alors que des prophètes de pacotille agitent le spectre de l’Apocalypse, et qu’une des plus célèbres phrases de Malraux («Le XXIe siècle sera mystique ou ne sera pas.») est servie à toutes les sauces, un film comme The Astronaut’s Wife transforme une fantastique allégorie sur le Mal en manège pour enfants. Tout y est prédigéré, souligné, répété, avec comme point culminant une scène où la jeune femme enceinte raconte, en pleurant, au téléphone, une légende qui nous résume et nous explique la situation, au cas où on n’aurait pas encore compris.

Aucun suspense, aucun trouble dans ce film lisse et creux, mais magnifiquement éclairé par Allen Daviau. Charlize Theron est un gros bébé avec des jambes de mannequin (elle pleure très bien), et ce qui habite Johnny Depp lorsqu’il est devant la caméra de Tim Burton ou de Jarmush est ici totalement absent. Le très surestimé «comédien le plus doué de sa génération» traverse donc La Femme de l’astronaute comme un zombie sur le Prozac. Nous, on en sort en se demandant vraiment ce qu’Édouard aux mains d’argent est allé faire dans cette galère – d’autant plus qu’il joue dans The Ninth Gate, le prochain film de Polanski, un thriller où le Diable se pointe le bout de la queue. Décidément.

Dès le 27 août
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