Festival des Films du Monde : Dernier tango au Parisien
Cinéma

Festival des Films du Monde : Dernier tango au Parisien

Après un post mortem 98 particulièrement houleux (bilan désastreux dans les médias et recommandations du ministère de la Culture pour restructurer le Festival), le Festival des Films du Monde semble, cette année, reprendre du poil de la bête, avec un jury digne de ce nom, une compétition officielle pour l’instant correcte, le poil des jambes un peu émoustillé par la venue de Gérard et Carole, et une animation accrue sur l’esplanade de la Place des Arts.

Cela dit, la question de savoir s’il s’agit d’un bon ou d’un mauvais cru est très relatif. Primo: même s’il n’y avait que 10 % des 300 films montrés chaque année qui vaillent la peine d’être vus, ça ferait déjà une trentaine de bons films. Secundo: le seul atout du FFM, c’est encore, après 23 ans d’existence, le public qui attend en ligne dès 8 h 30 pour voir un film turc, finlandais ou malien. Un public qui se fout pas mal des états d’âme des médias et du milieu professionnel. Tant que les cinéphiles montréalais suivront, Losique et compagnie auront le gros bout du bâton. Tertio: que le président du Festival ait mauvais caractère, qu’il ne supporte pas les critiques et qu’il joue la fille de l’air dès qu’on lui demande des explications, monsieur et madame Tout-le-monde s’en foutent pas mal. À tort ou à raison. Cette 23e édition devrait donc s’achever sur une note plus positive que celle de l’an dernier, étant donné que la relation aigre-douce entre le Festival et les médias montréalais semble en être, après une autre chicane cyclique, au stade de la réconciliation.

Il reste donc quatre jours à un Festival qui, jusqu’ici, a connu son lot de bonnes surprises (Mansfield Park, Post Mortem), de déceptions (Un pont entre deux rives), d’incongruités (Valérie) et de controverses (Romance). Si le temps et l’énergie vous manquent, voici tout d’abord plusieurs films déjà achetés par des distributeurs canadiens, et qui sont donc assurés d’une sortie en salle. À moins de vouloir à tout prix être parmi les premiers spectateurs montréalais à les avoir vus, vous pouvez vous dispenser d’y aller.

Précédé d’une rumeur cannoise élogieuse, À mort la mort, de Romain Goupil, sort en salle tout de suite après le festival. Le réalisateur de Mourir à trente ans y montre la vie d’un quadragénaire jouisseur. Même chose pour Le Temps retrouvé, de Raoul Ruiz, tiré d’À la recherche du temps perdu, de Proust, qui sera présenté à Ex-Centris, dès le 10 septembre.
Coproduction France-Canada, Autour de la maison rose, de Joana Hadjithomas et Khalil Joreige, sortira en salle début octobre. Les deux scénaristes-réalisateurs y montrent la lutte acharnée dans laquelle s’engage une famille de Beyrouth pour empêcher la démolition de la maison où ils se sont réfugiés, onze ans auparavant. Un film charmant, qui évoque l’atmosphère des films de Robert Guédiguian (Marius et Jeannette).

Première réalisation du comédien Tim Roth (Reservoir Dogs), The War Zone est un film dur et prenant, qui a suscité des éloges au dernier Festival de Cannes, et qu’on pourra voir cet automne. Plus proche de Force majeure que d’En plein coeur, premier et dernier films de Pierre Jolivet, Ma petite entreprise, avec Vincent Lindon en chef d’entreprise qui doit magouiller pour s’en sortir, est assuré d’une sortie automnale. Idem pour Legend of 1900, réalisé par Giuseppe Tornatore (Cinéma Paradiso), tiré de Novecento, petite plaquette d’Alessandro Barrico, et dans lequel Tim Roth incarne un trompettiste qui n’est jamais descendu du paquebot où il est né.

Propaganda, film turc de Sinan Çetin, montre un village subitement séparé par la nouvelle frontière entre la Turquie et la Syrie; Molokai, de Paul Cox, raconte l’histoire d’un missionnaire flamand qui, en 1972, s’occupe des lépreux à Hawaï; et Guinevere, premier film d’Audrey Wells, met en vedette Sarah Polley et Stephen Rea, membre du jury cette année. Quant à L’Autobiographe amateur, second long métrage indépendant de Claude Fortin (Le Voleur de caméra), s’il ne sort pas à Montréal, on se demande bien où il sortira…

à vendre
Il y a à peine dix ans, les films suivants auraient été achetés par des distributeurs d’ici bien avant d’arriver dans un quelconque festival. En 99, si vous voulez les voir, précipitez-vous au FFM: à moins d’un retournement de situation de dernière minute, ce sera l’unique occassion. Fer de lance du jury cannois présidé par Cronenberg, pour réveiller une Croisette endormie, L’Humanité, de Bruno Dumont (La Vie de Jésus), a récolté deux prix importants et privilégie le «temps réel». Un film radical à rebrousse-poil de la séduction habituelle. Monument du cinéma égyptien, Youssef Chahine (Adieu Bonaparte, Le Moineau) a signé, avec L’Autre, la chronique d’un amour malmené, entre une jeune femme militante et un fils de bonne famille. Actif dans le cinéma depuis 70 ans, Manoel de Oliveira est fidèle au rendez-vous avec La Lettre, avec Chiara Mastroianni. Michel Cacoyannis, à qui le FFM rend hommage, viendra y présenter La Cerisaie, adaptation de la célèbre pièce de Tchekhov, avec Alan Bates et Charlotte Rampling.

Vraiment étonnant que les quatre films suivants n’aient pas été achetés. Écrivez à votre député! Présenté en compétition, Le Dîner, d’Ettore Scola, rassemble une distribution alléchante (Fanny Ardant, Vittorio Gassman, Giancarlo Giannini, Stefania Sandrelli, Marie Gillain). Succès parisien, La Dilettante, de Pascal Thomas, donne enfin la chance à Catherine Frot (la petite blonde d’Un air de famille) de tenir un premier rôle. Malgré le bon accueil réservé à Sitcom, Les Amants criminels, de François Ozon, avec Natacha Régnier (découverte dans La Vie rêvée des anges), n’a toujours pas trouvé preneur; pas plus que Goya à Bordeaux, de Carlos Saura qui, dans les dernières années, n’a pas réussi à faire oublier ses premiers films (Cria Cuervos, etc.) , mais qui, tout de même, a signé des Tango et autres Pajarico tout à fait honnêtes.

Etc.
Vous pouvez être sûr de ne jamais voir le quatuor de films français qui suit sur les écrans montréalais. Pourquoi? Manque de vedettes, d’histoires instantanément accrocheuses, et de couverture médiatique française, et que sais-je? Réalisé pour la télé, Premières Neiges est le premier long métrage de Gaël Morel, jeune comédien révélé dans Les Roseaux sauvages. Élodie Bouchez et Stéphane Rideau y incarnent respectivement une petite voleuse et un gardien de nuit qui seront forcés de se connaître en une nuit. Dans la veine de décentralisation du cinéma français, Peau neuve, premier film d’Émilie Deleuze (fille du philosophe), met en scène un homme marié qui change de vie pour suivre un stage en Corrèze. Dans Nadia et les hippopotames, de Dominique Cabrera, une mère monoparentale (Ariane Ascaride) croit voir le père de son enfant dans un reportage télévisé; et Les Passagers, de Jean-Paul Guiguet, sera l’occasion de retrouver Fabienne Babe, comédienne découverte dans De bruit et de fureur.

Enfin, The Mating Habits of the Earthbound Human, de Jeff Abugov, se veut un «documentaire extraterrestre» sur les pratiques amoureuses des humains (dont la narration est assurée par David Hyde Pierce), suivant un jeune couple du premier regard dans un bar jusqu’aux inévitables négociations (partage de la salle de bain, etc.). Un premier film réalisé par un natif de Montréal, maintenant scénariste (Cheers) et producteur télé (Roseanne).

Jusqu’au 6 septembre
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