Cinéma

Propaganda : Si loin, si proche

Propaganda, le nouveau film turc de Sinan Cetin (présenté en v.o., avec sous-titres français) nous arrive précédé de la réputation d’avoir délogé au box-office local Le Bandit, un méga-succès en Turquie

Jadis, à l’époque où les films des «petites cinématographies» arrivaient encore à se tailler une place sur nos écrans, il suffisait d’un prix international, d’une bonne presse ou d’un distributeur inventif pour qu’une oeuvre parvienne à capter un peu l’attention. Aujourd’hui, à l’heure où les films de ces mêmes cinémas ont presque complètement disparu de nos salles, les rares distributeurs suffisamment courageux pour essayer de les lancer doivent le faire en capitalisant sur le succès commercial que ces films ont remporté dans leur pays d’origine. C’est sans doute un signe des temps…

C’est ainsi que Propaganda, le nouveau film turc de Sinan Cetin (présenté en v.o., avec sous-titres français) nous arrive précédé de la réputation d’avoir délogé au box-office local Le Bandit, un méga-succès en Turquie, qui avait lui-même battu les Star Wars, E.T. et autres Titanic. On comprend d’ailleurs aisément pourquoi, en voyant cette fable populaire soignée et bon enfant, construite sur une prémisse classique dont on devine vite la progression.

En 1948, alors qu’il revient triomphalement dans son coin de pays, le douanier Mehti (Kemal Sunal) est chargé de mettre en place la frontière barbelée qui coupera la Syrie de la Turquie. Malheureusement, cette frontière (dont le tracé a été décidé à Ankara) coupe en deux le village natal de Mehti, le séparant de son ami de toujours, le médecin Rahim (Metin Akpinar). Du jour au lendemain, le fils de Mehti (Meltem Cumbul) ne peut plus voir la fille (Rafet El Roman) de Rahim et le village se trouve divisé par une frontière absurde, aux conséquences de plus en plus graves.

Propaganda est de ces films ronronnants, qui développent de manière attendue, mais généralement satisfaisante, une prémisse dont on devine vite (et presque à la minute près) les revirements; les premiers quiproquos comiques suivant l’installation du poste-frontière qui divise le village; les efforts du couple à la Roméo et Juliette pour déjouer les interdits; le premier coup de feu tiré et le basculement dans la quasi-tragédie; et la crise de conscience du douanier «bourru mais brave type», forcé de remettre en question les lois qu’il a défendues toute sa vie. Tout cela est bien écrit, très bien joué et surtout très bien éclairé (les images de Rebekka Haas sont superbes), mais mis en scène sans la moindre surprise, originalité ou touche personnelle. Bref, à la manière d’un plat honnête, consistant et bien apprêté, mais qui ne laisse aucun souvenir une fois consommé.

À la différence du Bandit, qui avait le mérite d’un regard social pénétrant, d’un rapport aux mythes et légendes de son pays et d’une personnalité qui révélait quelque chose de ses origines, Propaganda a l’efficacité incontestable mais impersonnelle d’un divertissement construit selon des règles de fabrication internationales. Contrairement aux films que l’on prend plaisir à voir parce qu’ils nous font découvrir une autre manière de filmer, de raconter et de vivre, Propaganda séduira ceux qui cherchent à retrouver les mêmes manières de filmer, de raconter et de vivre. Bref, c’est le genre de film étranger qui, ironiquement, plaira surtout à ceux qui ont l’habitude de le fuir…

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