Cinéma

The Love Machine : Farces et attrapes

The Love Machine est un faux documentaire satirique avec questions sérieuses à la clé. En réalisant ce faux docu – un moyen sûr pour attraper les perles rares qui vont bien «réagir» à l’écran -, Gordon Eriksen marque un point: tracer un portrait assez sensible d’une sous-culture new-yorkaise, celle de la communauté japonaise.

Joyeux numéro que ce Gordon Eriksen! Il est l’auteur de The Love Machine, un film indépendant qui a fait jaser et se tordre de rire le nec plus ultra de l’underground culturel américain. Film documentaire, fiction cinéma-vérité, satire sociale: on ne sait pas toujours comment nommer ce genre d’oeuvre, qui part du principe que la réalité est plus folle que la fiction et qu’il faut justement le démontrer par la fiction… On peut aussi appeler ça du cinéma, et c’est parfois assez amusant. Surtout quand on embarque dans un film qui se découvre comme une poupée gigogne, avec un vrai réalisateur, une fausse réalisatrice, de vrais acteurs jouant de faux personnages qui, eux, jouent à cache-cache entre réalité et fantasmes!
L’accroche du film est minime, cependant; volontairement à la hauteur de certains talk-shows crasses, d’un voyeurisme flou qui n’a d’autre but que d’aller fouiner dans les petites culottes des voisins… Becca (Marlene Forte) tombe sur Marcus (Randolph Graff), créateur du site Internet The Love Machine, un site où, sous le couvert de l’anonymat, les membres exposent leurs fantasmes. Becca persuade Marcus de lui donner les coordonnées de quelques utilisateurs. Elle les rencontre, les fait parler d’eux et d’Internet; et aucun ne dévoile ce jardin secret de leur personnalité jusqu’à ce qu’elle les confronte. Un gentil prof marié est aussi un macho délinquant sur le Web, un gai japonais se dit hétéro avec fiancée proprette, des exhibitionnistes amateurs ne savent plus où tirer la ligne entre privé et public, une divorcée dans la quarantaine expose ses délires avec deux jeunes hommes, et un gai jovial cherche, avec précision, l’âme soeur. Bref, c’est le festival de l’alter ego et du double plus ou moins caché dans le subconscient!
Gordon Eriksen, crack d’Internet et réalisateur de documentaires, se dit fasciné par Chronique d’un été, film où Jean Rouch attrapait des gens dans les rues de Paris pour les faire parler de leur vie privée. Assez habilement, Eriksen a réussi à utilisr le Web comme un hameçon pour forcer la rencontre et poser les bonnes questions. Cet étalage d’intimité sert-il réellement à échanger? Veut-on juste se libérer l’esprit devant un miroir sans tain? Eriksen – et son double Becca l’opiniâtre – s’amuse de ce rapport étrange entretenu avec l’audiovisuel. Et il filme, dans tous les sens et avec une caméra à l’épaule, ses semblables, leurs doubles, et leurs réactions face aux autres et à l’écran. Ouf…
En réalisant ce faux documentaire – un moyen sûr pour attraper les perles rares qui vont bien «réagir» à l’écran -, il marque cependant un point: tracer un portrait assez sensible d’une sous-culture new-yorkaise, celle de la communauté japonaise. En quelques scènes et deux ou trois personnages, on sent le poids d’une différence qui se dissout, avec plus ou moins de force, dans la tourmente de New York.

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