Un petit vent de panique : Meurtres à domicile
Cinéma

Un petit vent de panique : Meurtres à domicile

Comme toile de fond de son premier long métrage, PIERRE GRECO a choisi le quartier Montcalm, un secteur tranquille sur lequel il a fait souffler Un petit vent de panique, le temps d’un thriller aux accents comiques, qui se retrouve en compétition officielle au festival Images du Nouveau Monde. Quand votre voisinage revêt un air inquiétant…

Tous ceux qui habitent ou ont déjà habité le quartier Montcalm peuvent vous le confirmer. S’il y a un constat qui s’impose après quelque temps dans le secteur, c’est sa tranquillité rassurante, pour ne pas dire son confort somme toute un peu pépère et sans histoire. Et pourtant…

Pourtant, c’est le lieu qu’a choisi le réalisateur québécois Pierre Greco pour poser les prémices de son tout premier long métrage Un petit vent de panique, thriller à forte saveur de comédie, coscénarisé par Marc Robitaille (auteur d’Histoires d’hiver) et présenté en compétition officielle dans le cadre du festival Images du Nouveau Monde. Comme l’extraordinaire naît souvent de l’ordinaire, Pierre Greco ne pouvait trouver meilleur environnement pour situer une intrigue qui aurait pu être banale ailleurs, mais qui prend ici des proportions gigantesques dans l’esprit de protagonistes n’ayant a priori rien à voir dans cette histoire. Deux soeurs et leur frère, exilés de leur Bas-du-Fleuve natal pour le travail et les études, vivent comme ils le peuvent leur petit quotidien et leurs petits tracas. Tout bascule lorsqu’une série de meurtres survient dans leur quartier. Cathou (Marie-Joanne Boucher), Alex (Geneviève Bilodeau) et Hubert (Martin Laroche) commencent alors lentement à s’imaginer (avec raison?) dur comme fer qu’ils compteront parmi les prochaines victimes du mystérieux tueur.

Méfiez-vous de l’eau qui dort
Le film de Greco crée l’événement non seulement parce qu’il s’agit d’une première oeuvre en compétition lors de la première édition du festival Images du Nouveau Monde, mais surtout parce qu’il pose un jalon dans l’histoire cinématographique de Québec. En effet, il s’agit d’un premier film entièrement tourné et produit dans cette ville depuis Les Yeux rouges d’Yves Simoneau en… 1982! Bien sûr, il y eut les très connus longs métrages de Robert Lepage (Le Confessionnal et Le Polygraphe), mais ceux-ci profitaient d’un financement extérieur et étaient des coproductions avec la France, la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Pour sa part, le tournage d’Un petit vent de panique a pu bénéficier de la participation d’un joueur de taille les Productions Thalie, fondées à Québec même, il y a deux ans à peine. Pour Pierre Greco, principal intéressé, tourner son premier long métrage dans sa ville natale tenait d’une démarche toute naturelle car tout semble enfin en place pour que l’industrie cinématographique d’ici prenne enfin sa place. «Il n’est pas question que j’aille à Montréal [pour tourner], je travaille ici et j’y suis bien. Si je peux faire un film ici, tant mieux. Exception faite de deux ou trois personnes, tous les gens impliqués dans ce film viennent de Québec. Il y a ici tout le talent, la volonté, l’énergie et l’expertise qu’il nous faut.»

En jetant un coup d’oeil à la filmographie de la ville de Québec, on constate que la volonté de tourner ici n’est pas nouvelle. Cequi est par contre plus étrange – c’est le cas de le dire -, c’est le genre de films qui y sont tournés. De Hitchcock avec I Confess au film de Simoneau en passant par les deux oeuvres de Lepage, les réalisateurs semblent avoir une prédilection pour Québec quand il s’agit de mettre en scène un suspense. Les personnes travaillant sur Un petit vent de panique interrogées à ce sujet trouvent la coïncidence amusante, mais ne parvennent pas à l’expliquer. La ville, réputée pour ses attraits vieillots, paisibles et son charme démodé, possède-t-elle vraiment cet aura de mystère indispensable à tout bon polar? Seul Greco tente une explication, probablement proche de la vérité. «Québec est une petite ville où il ne se passe pas grand-chose. Aussi, lorsqu’un crime ou un meurtre survient, ça frappe l’imaginaire de tout le monde.» Voilà la constatation qui démarre le film de Greco. «Même si c’est présenté ici sous l’angle de la comédie, c’est un phénomène qu’on rencontre souvent: par exemple quand quelqu’un meurt, on entendra dire: "Je le connaissais!" Les gens ont besoin de s’approprier les événements importants. On cherche à créer des liens [avec ce qui sort de l’ordinaire], car il ne se passe pas beaucoup de choses dans nos vies en général, à part quelques peines d’amour et des problèmes d’impôts!»

À mourir… de rire
Pierre Greco insiste pour dire que, même si le noyau de son film est la présence menaçante d’un meurtrier, c’est d’abord sous le signe de la comédie qu’il a voulu placer Un petit vent de panique. Non pas parce qu’il s’agit d’humour noir, mais plutôt parce que le thriller démontre un certain détraquement dans les agissements des personnages de Cathou, Alex et Hubert. «C’est comme si on s’intéressait à des badauds. Il y a une histoire qui se déroule et c’est comme si on avait touché du coude la caméra qui se mettait du coup à filmer les mauvaises personnes et ailleurs qu’à l’endroit où se déroule l’action principale. On est du point de vue de ceux qui sont convaincus d’être les prochains à passer un mauvais quart d’heure, et qui voient leur comportement changer complètement. Ces événements influencent leurs relations amoureuses et leur vie en général.» Le fondement même du film se veut léger, selon Greco, qui a dû relever avec Marc Robitaille le double défi d’allier thriller et comédie, deux genres réputés difficiles et parfois casse-cou. Il poursuit d’ailleurs en expliquant la raison de ce choix. «Il ne fallait pas que le thriller prenne le pas sur les personnages. Pour moi, le thriller ne devait que servir les changements qui viennent bousculer les personnages même si c’est lui qui accroche le spectateur et fait vivre ces personnages un peu plus vite.» Le premier choix restait donc la comédie, résultant de ce que seul pouvait donner le thriller.

Petits meurtres entre amis
S’il souffle une petit vent de panique dans le film, il n’a assurément pas atteint les acteurs puisqu’ils sont unanimes à louanger l’ambiance de franche camaraderie qui régnait entre eux. L’un d’eux, le comédien Pierre Powers, que l’on a pu voir dans Scoop, Omertá, Réseau et, incidemment, Les Yeux rouges, résumait bien les propos que ses collègues tenaient sur la façon dont s’est déroulé le tournage: «C’est un film à petit budget, alors c’était très convivial et familial, tout le monde a poussé dans le même sens. Pierre laisse une marge de manoeuvre à ses acteurs, c’est un réalisateur qui connaît et maîtrise bien sa technique, mais qui ne va pas aller s’empêtrer dedans. C’est vraiment un réalisateur idéal pour un acteur.»

Martin Laroche, originaire de Québec possédant déjà une bonne feuille de route en théâtre à Montréal, abondait dans le même sens. «Le fait qu’il ce soit agit d’une première production entièrement réalisée à Québec depuis très longtemps faisait que tout le monde était très motivé, ouvert et dynamique. Quand nous sommes arrivés sur le lieu de tournage, il y régnait un climat très favorable au travail d’équipe, nous pouvions faire énormément de suggestions, Pierre restait à l’écoute.» Si le tournage s’est avéré un succès pour Greco en premier lieu, il le doit non seulement au travail de ses acteurs, mais aussi à sa philosophie de travail, comme le relève Martin Laroche: «Pierre avait l’impression d’avoir un bon scénario et des personnages bien travaillés, mais quand il nous a vu habiter les personnages, ça a pris des tournures qu’il n’avait pas imaginées, mais qui lui plaisaient vraiment.»

Marie-Joanne Boucher, pour qui l’aventure reste inoubliable, élabore un peu plus sur l’équilibre à atteindre sur le tournage d’un film comme Un petit vent de panique. «Pierre nous disait souvent que le comédien est une matière et que si celui-ci avait une réaction face à ce qu’il avait écrit, ce n’était pas étranger au fait que le jeu de l’acteur pouvait aller plus loin. Il était ouvert à ce qu’on pouvait apporter aux personnages, mais en même temps il pouvait nous ramener sur le bon chemin et nous dire ce qu’il voulait vraiment.» La jeune femme, née à Québec et que l’on connaît en ce moment surtout pour son rôle de Claudie dans Virginie de Fabienne Larouche, conclut: «Pierre n’était pas paternel mais plutôt un compagnon de travail. J’ai eu confiance très tôt en lui, dès que j’ai passé l’audience en fait.»

Si la confiance qu’ils placent en Pierre Greco n’est pas garante du succès du film, il serait néanmoins surprenant qu’Un petit vent de panique ne frappe pas l’imaginaire des spectateurs lors de sa présentation dans le cadre du festival.

Le 4 mars
Au cinéma Place Charest
Dans le cadre d’Images du Nouveau Monde
À l’affiche dès le 10 mars