Black and White : Couleurs primaires
Cinéma

Black and White : Couleurs primaires

Avec Black and White, James Toback entreprend une exploration audacieuse, éclatée et largement improvisée des ramifications sociales, artistiques et sexuelles de l’attirance des jeunes Blancs pour tout ce qui touche à la culture noire.

Que ce soit comme scénariste (The Gambler, Bugsy) ou comme cinéaste (Fingers, Two Girls and a Guy), James Toback a toujours été attiré par des sujets hors norme et potentiellement explosifs. Il en attaque un autre avec son nouveau film, Black and White, une exploration audacieuse, éclatée et largement improvisée des ramifications sociales, artistiques et sexuelles de l’attirance des jeunes Blancs pour tout ce qui touche à la culture noire.
Mosaïque ambitieuse, casse-gueule et très inégale sur un sujet fascinant mais difficile à cerner, le film de Toback a la forme d’une fresque «altmanesque» (on pense forcément à Nashville et à Short Cuts), qui entremêle les parcours d’une foule de personnages de races et d’âges différents: un chef de gang noir (Power, du Wu-Tang Clan) qui tente d’élargir ses activités au domaine de la musique; une bande de jeunes fils de riches blancs (Bijou Phillips, Gaby Hoffman, Elijah Wood) dont la fascination pour la culture hip-hop attire les caméras d’une documentariste (Brooke Shields, en dreadlocks) et de son mari homosexuel (Robert Downey Jr.); et – dans ce qui est la trame la moins convaincante du film – un joueur de basketball noir (Allen Houston) qui faussera l’issue d’une partie à l’instigation d’un parieur blanc (Ben Stiller), qui est en fait un flic tentant de manipuler un juge (Joe Pantoliano) dont le fils (William Lee Scott) est un petit truand au service de la pègre noire! Vous me suivez encore?
Ajoutez une Claudia Schiffer presque convaincante en intellectuelle (eh oui!) préparant une thèse sur les relations interraciales; ainsi qu’un Mike Tyson étonnant dans son propre rôle (surtout dans une scène stupéfiante où il repousse les avances de Robert Downey Jr.!); et vous avez un film surprenant mais éparpillé, extrêmement ambitieux mais pas toujours crédible. L’intrigue policière, en particulier, vient près de couler le film à elle seule.

En fait, Black and White est à son mieux quand Toback se contente de plonger à corps perdu dans le monde qui l’intéresse, de filmer simplement l’interaction de ses personnages; bref, de faire un film purement behavioriste, fabuleusement mis en forme (caméra flottante, scope élégant, lumière naturelle mais raffinée, mariage détonnant de hip-hop et de musique classique). Malheureusement, Toback veut aussi mettre ce monde en forme, donner un sens à toute cette énergie, imposer sa vision à un univers qui n’est pas le sien; et ses efforts pour y arriver (oppositions mélodramatiques, intrigue policière bancale, références bibliques appuyées…) finissent par le rapprocher dangereusement des excès d’Oliver Stone. Ce qui était jusque-là une fresque sensuelle et vivante devient alors un film à thèse lourd et paradoxal: un film de vieux sur les jeunes, un film de Blanc sur la culture noire, un film de mots sur un univers musical. Bref, le genre de truc bien intentionné, souvent intelligent et même assez bien fait, qui finit toutefois par souligner involontairement tout ce qui sépare son auteur de son sujet.

Voir calendrier
Cinéma exclusivités