Découvertes allemandes : Un peu de sérieux
Cinéma

Découvertes allemandes : Un peu de sérieux

Si les cinéastes allemands sont auteurs de grosses farces, idéales pour se taper sur les cuisses, ils se gardent bien de les exporter. Ne sort de la Grande Allemagne que du film sérieux! Pour la huitième édition de Découvertes allemandes, le Goethe-Institut a réuni 6 films récents de jeunes talents et d’auteurs confirmés, et y a rien de comique là-dedans…

Si les cinéastes allemands sont auteurs de grosses farces, idéales pour se taper sur les cuisses, ils se gardent bien de les exporter. Ne sort de la Grande Allemagne que du film sérieux! Pour la huitième édition de Découvertes allemandes, le Goethe-Institut a réuni 6 films récents de jeunes talents et d’auteurs confirmés, et y a rien de comique là-dedans…
Après le lancement, la semaine dernière, de Killer.Berlin.Doc, des réalisateurs Jörg Heitmann et Tina Ellerkamp, un docu-fiction sur un jeu de «tueurs», on peut voir cette semaine Herr Zwilling und Frau Zuckerman, de Volker Koepp, un des meilleurs réalisateurs de documentaires du pays. Tous les soirs depuis 6 ans, un septuagénaire aime rapporter de tristes nouvelles à son interlocutrice, Mme Zuckerman. Et chaque fois, la vieille dame distinguée lui remonte le moral. Deux rescapés juifs qui discutent en allemand dans un petit appartement de Czernowitz, en Galicie ukrainienne: ça pourrait être d’une lourdeur sans nom, mais c’est surtout un très beau film, poétique et instructif. Géographiquement d’abord, puisque cette région méconnue, qui a appartenu successivement à la Pologne, l’Autriche-Hongrie, la Roumanie, l’URSS et l’Ukraine, est un véritable territoire du milieu. Hors du temps, on y vit encore sous l’effet du brassage des langues, des religions et des architectures différentes. Koepp y promène sa caméra, dans la campagne brumeuse, dans la ville, délabrée et grandiose comme La Havane; mais aussi sur les gestes et les visages des habitants. Là, on ne force pas la confidence: ce n’est pas un autre témoignage sur l’Holocauste. Des sourires de retenue (c’est un allemand qui filme), des bribes de souvenirs, la rage encore, la fatalité, et des secrets qu’on ne dévoile pas: ces rescapés de l’horreur ont tous en commun une philosophie royale, comme s’ils avaient déposé leurs destinées, celles de leurs ancêtres et des générations à venir, sur le dos du chaos politique inhérent à leur région! À voir les 27 et 28 avril.
Présenté les et 5 mai, 23, de Hans Christian Schmid, est basé sur une historie vécue, celle de Karl Koch (August Diehl), un jeune hacker de 19 ans qui tombe dans la drogue, l’espionnage et la paranoïa après la lecture d’Illuminatus, de Robert Anton Wilson. Ce livre, sur la théorie du complot international, avec le chiffre 23 comme code secret entre les conspirateurs, devient sa bible. Schmid a rendu avec justesse l’ambiance de parano politique de la fin des années 80, entre la course aux armements de Reagan, la mort d’Olof Palme et Tchernobyl. Le film, qui ne ménage pourtant pas les plages d’ennui et les inutilités redondantes, ne tombe pas dans le cliché informatique ou dans le film de conspiration: tout se passe dans la tête du jeune Karl, et c’est tant mieux.
Spécialiste de l’animation, Jochen Kuhn en donne un brillant aperçu dans Fisimatenten, une drôle de réflexion poético-cynique sur le monde de l’art (où tout le monde se déclare «artiste»), caricaturé par un Maximilian Schell toujours d’attaque. En projection les 18 et 19 mai. Encore plus poétique, et carrément en noir et blanc, Oskar und Leni, de Petra Wagner, est une fable romanesque dans un Berlin glauque, une énième interprétation de Roméo et Juliette, mais avec une fin heureuse: le chassé-croisé entre un repris de justice amoureux de Shakespeare et une gentille pute à mi-temps. On aimerait parfois qu’ils se croisent plus souvent, mais la magnifique photographie et la construction précise du scénario envoûtent. Le film sera présenté les 25 et 26 mai. Enfin, en reprise, Le Volcan, d’Ottokar Runze, d’après la nouvelle de Klaus Mann, avec Nina Hoss (Prix d’interprétation féminine au dernier FFM) sera à l’affiche les 1er et 2 juin.
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