The Filth and the Fury : Les irrévérencieux
Cinéma

The Filth and the Fury : Les irrévérencieux

Dans le film The Filth and the Fury, excellent documentaire sur The Sex Pistols de Julien Temple, l’Angleterre en prend pour son rhume. Nous sommes dans les années 70, et les îles Britanniques ont le look, la morale et la politique des années 50 américaines. Troublant.

Dans le film The Filth and the Fury, excellent documentaire sur The Sex Pistols de Julien Temple, l’Angleterre en prend pour son rhume. Nous sommes dans les années 70, et les îles Britanniques ont le look, la morale et la politique des années 50 américaines. Troublant. Problèmes socioéconomiques endémiques, grèves à répétition, poubelles qui s’entassent dans Londres, et l’IRA qui se manifeste régulièrement à coups de bombes; les Anglais sont coincés entre les top ten guimauve, les imbécillités grivoises de type Benny Hill et la monarchie qui s’embourbe déjà. Des milliers de jeunes trépignent dans la pauvreté, sans emploi et sans aucun avenir. Un slogan vient de naître. Et il sort de la bouche hurlante d’un drôle d’elfe, Johnny Rotten, chanteur des Sex Pistols, un des groupes les plus marquants du XXè siècle.

En 1980, Julien Temple réalisait son premier documentaire, The Great Rock’n’Roll Swindle, déjà sur les Sex Pistols. Il devient vite un pionnier en vidéo musicale, puis tourne Absolute Beginners et cette chose étrange qu’est Earth Girls Are Easy. Mais il n’en a pas fini avec le groupe punk. Le premier documentaire favorisait le point du vue du manager des Pistols, Malcolm McLaren, qui déclare à qui veut l’entendre qu’il est le créateur du groupe. Cette fois, Temple a laissé la parole aux musiciens: Paul Cook, Steve Jones, Glen Matlock et Johnny Rotten racontent leurs histoires avec force fuck et autres coups de gueule. Ils sont tous filmés en ombres chinoises, comme si le présent n’avait aucune importance et qu’il faille surtout s’attarder sur le passé, pour rétablir les faits. Ils parlent beaucoup, règlent leurs comptes, mais on ne voit d’eux que des cheveux toujours ébouriffés, des boucles d’oreilles et des volutes de fumée. Par contre, blafard et en plein soleil, Sid Vicious, celui par qui le scandale arrive, est interrogé par Temple dans Hyde Park, avant de mourir d’overdose en 79.
On y découvre des gars incroyablement jeunes, tous avec n casier judiciaire (ce qui posera des problèmes de visa pour la seule tournée US de ce groupe qui ne dura que 26 mois), des irrévérencieux qui soulèvent une génération avec un chant aboyé. Dans les bobines retrouvées par Temple, et nerveusement montées, ces ados zonards sont provocateurs mais rigolards; haineux envers l’establishment, mais tous gentils en coupant des parts de gâteau pour un réveillon de Noël au profit des enfants. Temple refuse l’intellectualisation du groupe: ils formaient d’abord un band de garage de la classe ouvrière qui hurlait son ras-le-bol. Il fallait que l’Angleterre sache que la pauvreté ne se balaie pas comme ça, et les Pistols lui ont craché dessus. Un des moments savoureux du film est une balade musicale sur la Tamise, rapidement écourtée par les flics, lors du Jubilé d’argent (25 ans de règne de la reine Élizabeth): au printemps 1977, l’Angleterre se prépare avec fanions et flonflons, et les Pistols hurlent God Save the Queen, dénonçant son régime fasciste et sans avenir. Crime de lèse-majesté: Rotten lance des oeillades baveuses à la caméra quand il est emporté par la police, et Richard Branson de Virgin essaie de calmer le jeu.

En contrepoint d’une Angleterre politiquement proprette, Temple révèle l’incroyable modernité, l’énergie et l’avant-gardisme de ce groupe. Après eux, le déluge d’épingles à nourrice et de pantalons bondage n’était que mascarade. Les Pistols sont devenus des classiques, aussi subversifs que Richard III. Et les yeux fous de Laurence Olivier sont montés en parallèle avec le regard tout aussi dingue du chanteur goguenard…

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