La Vie après l'amour : La p'tite vie
Cinéma

La Vie après l’amour : La p’tite vie

Comédie de moeurs sur la peine d’amour, La Vie après l’amour est le fruit d’une culture télévisuelle, destiné à être consommé par le plus grand nombre. Le produit d’une cinématographie qui veut plaire à tout le monde et à son  père.

. Tout peut faire rire. Tout, y compris un chagrin d’amour. La Vie après l’amour s’annonce comme "un film qui parle du grand amour", une comédie de moeurs sur un homme que sa femme plaque, du jour au lendemain, après vingt ans de mariage. A priori, on a vu pire comme prémisse de comédie québécoise visant la Bobine d’or, ce prix Génie récompensant le film ayant totalisé le plus d’entrées au Canada. Par le passé, ce trophée surréaliste, symptomatique d’une industrie en recherche constante de crédibilité, fut décerné, entre autres, à La Florida, à Louis 19, et aux Boys. Laissons les sociologues analyser pourquoi les 20 % francophones d’une population anglophone sanctionnent avec une telle unanimité les comédies made in Québec. Disons qu’il s’agit du syndrome de La P’tite Vie
Arrivera-t-il la même chose avec La Vie après l’amour, troisième film de Gabriel Pelletier (L’Automne sauvage, Karmina)? Difficile à dire, mais c’est, en tout cas, ce que visent les producteurs de ce film qui se veut populaire au meilleur sens du terme, avec un sujet (la grrrosse peine d’amour) auquel tout le monde peut s’identifier; une distribution solide (Michel Côté, Sylvie Léonard, Patrick Huard, Yves Jacques, Guylaine Tremblay), capable d’attirer les spectateurs frileux; et une réalisation qui ne fait pas de vagues. On ne sort pas impunément, début juillet, un film québécois sur des dizaines d’écrans, et, face à la compétition féroce de la machine hollywoodienne, il n’y a qu’une solution: toucher la plus sensible des 36 cordes des Québécois, la télévision. Suite de sketchs à saveur télévisuelle, La Vie après l’amour est un drôle d’objet qui ne parvient pas à choisir entre la gravité bouffonne de certaines pièces de Molière, où les maris cocus, trompés, jaloux abondent, et le comique mécanique dont le petit écran raffole.
Gilles Gervais (Michel Côté) et Sophie Lavergne (Sylvie Léonard) sont mariés depuis vingt ans. Belle maison de banlieue, belle voiture, beau métier (dentiste), grand garçon (Pierre-Luc Brillant), et grand amour tranquille: jusqu’ici tout va bien, et la vie du couple modèle ressemble à une annonce d’assurance-vie. Mais Madame est accro à la passion, et se décide, après 20 ans, à plaquer Monsieur pour un ami (Denis Mercier). Le futur divorcé ne le prend pas, et il essaie tout: la thérapie, les pilules, la boisson, les maîtresses de passage, et les amitiés viriles. Rien n’y fait, il sombre, lentement mais sûrement, dans la dépression, tentant par tous les moyens de reconquérir celle qu’il croit être la femme de sa vie…
Produit par Roger Frappier et Luc Vandal (coproducteurs de Matroni et Moi), La Vie après l’amour souffre d’un mal propre à de nombreux films québécois, celui de vouloir plaire à tout le monde et à son père. De la vision du mâle québécois à l’importance donnée aux personnages secondaires, le scénario de Ken Scott ne manque pas de qualités, mais le produit final, à l’instar d’un film tel que Louis 19, semble avoir été passé à la moulinette du consensus. Conséquence directe d’un cinéma géré par les institutions? Désir de ratisser le plus large possible? Peut-être, mais il n’en reste pas moins que La Vie après l’amour est une comédie qui ne sait pas sur quel pied danser, entre réalisme et caricature, et qui, en voulant faire rire tout le monde, risque de ne faire rire personne.
Mais le problème majeur, c’est le personnage de l’épouse trop idéaliste, de Sophie-la-pas-fine, celle par qui la crise arrive, et qui constitue le point de départ, le ressort principal et l’enjeu de l’intrigue. On nous demande de compatir avec un homme qui, pendant 104 minutes, fait tous les temps afin de reconquérir celle qu’il aime. Mais telle qu’on nous la présente (au demeurant, très peu), cette femme qui aime trop est une ingrate qui quitte son mari pour un insignifiant. Le personnage est à peine développé; et celui du nouveau chum, encore moins; avec, pour résultat, qu’on se demande, jusqu’au dénouement artificiel et convenu, ce que ce Gilles Servais peut bien trouver à cette Sophie Lavergne inconsistante.
On sait, pour les avoir vus ailleurs, que Sylvie Léonard et Michel Côté ont du talent, du charme et du bagout: la première, excellente dans J’aime, j’aime pas; le second, acteur polyvalent, de Cruising Bar à T’es belle, Jeanne et Au clair de la lune. Mais ici, l’une n’a pas grand-chose à se mettre sous la dent; et l’autre en a tellement qu’il force la note. Dans le rôle d’un dealer sortant de prison, et découvrant les groupes d’entraide masculine, Patrick Huard confirme sa forte présence, créant un personnage aussi crédible que drôle. Ou plutôt drôle parce que crédible. Dommage que le film n’aie pas suivi cette voie…

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