Festival du film de Québec : Magie comédie
Cinéma

Festival du film de Québec : Magie comédie

Ici, on le connaît surtout pour son rôle dans Le Père Noël est une ordure, mais GÉRARD JUGNOT a une carrière nettement plus chargée. Depuis cette tragi-comédie de 1982, il a signé sept films à titre de réalisateur, dont Meilleur espoir féminin, une comédie douce-amère qu’il vient présenter à Québec à l’ouverture de la 15e édition du FIFQ. Quand la comédie, c’est du sérieux…

Gérard Jugnot

, c’est une carrière entière consacrée à la comédie. Il y eut d’abord les petits rôles, bien sûr, à l’orée des années 70, d’autres un peu plus importants (Les Bronzés) à la fin de la même décennie, puis la notoriété avec ses amis du café-théâtre le Splendid: les Anémone, Josiane Balasko, Michel Blanc, Thierry Lhermitte et compagnie avec lesquels il a créé le fameux Père Noël…, devenu véritable film-culte en France. Il est passé ensuite derrière la caméra en 1984. C’est à ce moment que l’on a découvert un réalisateur sans prétention, sachant dépeindre avec humour et légèreté le quotidien des petites gens. Vous vous rappelez peut-être de sa toute première réalisation, Pinot, simple flic, qui relate l’amour impossible d’un flic pas très brave avec une junkie, ou encore de la très touchante Une époque formidable (1991) où Jugnot, au côté de Richard Bohringer, interprétait avec sensibilité la descente aux enfers d’un Français moyen dans le milieu des sans-abris.

Meilleur espoir féminin s’inscrit parfaitement dans cette lignée de films où le rire n’étouffe pas la profondeur de l’histoire, où Jugnot s’amuse à se faire à la fois le témoin et l’incarnation du quotidien pas toujours jojo du simple citoyen. Yvon (Jugnot) est coiffeur dans un petit salon de province. Divorcé, remarié, il a élevé sa fille du mieux qu’il a pu, avec toute la dignité qu’un petit coiffeur arborant la moumoute peut afficher. Il lui a même imaginé une ambitieuse destinée: elle sera coiffeuse dans un salon plus grand que le sien et dans une ville plus importante que la sienne. Or voilà, à 17 ans, Laetitia (Bérénice Bejo) n’entend pas les choses ainsi. Elle rêve plutôt de cinéma et au grand dam de son père, elle partira pour Paris où, sur les plateaux de tournage, elle mènera une toute autre vie…

Puisant dans son propre passé où les affrontements avec le paternel n’avaient pas toujours été des plus gais, surtout qund il lui avait annoncé son désir de consacrer sa vie au grand écran, Jugnot signe une comédie qui s’attarde à la fois au milieu du cinéma et à celui de la famille. «C’est un film que j’aurais pu faire il y a 10 ans ou que je pourrais faire dans 10 ans, car il traite d’un sujet universel: les rapports enfants-parents, commente le réalisateur, joint à Paris peu avant son départ pour le Québec. Tout au long du tournage, je ne me suis jamais vraiment posé de questions, je suis allé un peu au feeling. Mon but était de faire une comédie grand public qui pourrait peut-être toucher les gens.»

Filmer le comique
Jugnot n’est pas le premier acteur comique à être passé derrière la caméra. De Chaplin à Allen, ils ont défilé par dizaine. «C’est un truc que les gens de comédie ont besoin de faire, croit-il. L’esthétique de la comédie passe par son efficacité. Si vous n’êtes pas dans le bon cadre, si le son n’est pas assez fort, bref, si un élément n’y est pas, elle perd en efficacité. Cette cuisine est très mystérieuse, très précise, très méticuleuse et souvent on aime bien la faire soi-même pour ne pas être déçu.»

Pour parvenir à ses fins, Jugnot préconise l’esprit de troupe. Il s’entoure de gens qu’il connaît, qu’il juge sympathiques et s’assure d’intégrer efficacement les nouveaux venus afin qu’ils travaillent tous dans une atmosphère détendue. Dans ce cas précis, il connaissait déjà presque l’entièreté du casting, seule Bérénice Bejo était la nouvelle venue et elle n’a pas été longue à se fondre au groupe. «Je suis un réalisateur exigeant, indique-t-il. Je tourne jusqu’à ce que j’aie obtenu ce que je désire et j’ai les moyens de le faire. Mais je ne suis pas un fou furieux non plus! Vous savez, la comédie, c’est quelque chose de difficile, car il faut que ça ait l’air léger et facile. C’est comme les danseuses: il ne faut pas qu’elles montrent leur effort. Si elles montraient leur effort en dansant, ce serait atroce! »

À la fois réalisateur et comédien, Jugnot aime bien se décrire comme «le apitaine d’une équipe de foot qui prend part à l’action sur le terrain, plutôt que de demeurer sur le banc à hurler ou à griller des cigarettes». S’il n’est pas toujours aisé pour lui de remplir les deux rôles – l’équipe technique se sentant parfois délaissée ou sur le pilote automatique – ceci comporte aussi ses avantages. D’une part, il peut s’affranchir de ses soucis de réalisateur en cabotinant avec les acteurs, et de l’autre, du fait qu’il soit comédien lui-même, il parvient à instaurer un climat de proximité avec sa troupe, ce qui lui permet de tirer le meilleur d’eux-mêmes.

La comédie humaine
Gérard Jugnot est peut-être l’acteur et le réalisateur d’un seul genre, la comédie, mais il ne se consacre pas qu’au rire. Pour lui, la comédie a une profondeur et peut servir à dépeindre des réalités qui auraient difficilement passé autrement au grand écran. «Je ne crois pas que l’on puisse rire durant une heure et demie, explique-t-il. Le rire puise sa force dans le drame. C’est pourquoi j’aime montrer les deux côtés du drame. Pour moi, rire et pleurer sont le même sentiment, la même émotion. Ce n’est donc pas parce qu’il y a de l’émotion qu’on ne peut pas rire. D’ailleurs, ne dit-on pas pleurer de rire, rire aux larmes?»

Meilleur espoir féminin ne s’attarde peut-être pas au milieu des sans-abri (Une époque formidable), à celui des sectes (Fallait pas!) ou de la guerre (Casque bleu), mais il compte comme ses prédécesseurs des moments moins rigolos. À travers les épisodes comiques où Yvon se retrouve dans la grande ville, anachronisme exaspérant sur le plateau de tournage, on peut sentir tout le désespoir de la rupture qui s’opère entre un père et sa fille, entre le rêve de l’un qui s’effondre, et celui de l’autre qui se réalise. «L’amour paternel ou maternel est chiant, surtout quand l’enfant devient adulte, fait noter Jugnot. Tout le monde a eu honte de ses parents, mais quand on commence à se dire qu’ils ne sont pas immortels, on s’aperçoit de plein de coses: que l’on ne se comprend pas, que l’on n’est pas forcément sur la même longueur d’onde, mais qu’il y a une chose qui reste, c’est l’amour.»

«On n’est jamais le metteur en scène de la vie de ses enfants. C’est un peu ce que veut dire le film, poursuit-il. On est l’auteur des jours, on est un peu le régisseur, un peu le producteur, souvent le censeur, mais pas le metteur en scène et ça, il faut l’accepter, mais il ne faut pas non plus que les enfants oublient qu’ils viennent du cul de leur mère!»

En France, Meilleur espoir féminin a conquis le public et s’est mérité le respect des critiques, ce qui n’est pas rien quand on sait que les médias français n’ont jamais été tendres à l’égard de Jugnot. Le réalisateur et comédien n’est donc pas peu fier de son petit dernier, surtout qu’il a reçu des félicitations provenant des spectateurs qui comptent le plus pour lui, ceux de la rue: «Il y a une jeune fille qui m’a dit: "Je suis allée voir ce film avec mon père et à la sortie du cinéma, je lui ai pris la main." Si mon film ne sert qu’à ça, c’est déjà bien.»
Le 1er septembre
Au Grand Théâtre
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