Hochelaga : Côté obscur
Cinéma

Hochelaga : Côté obscur

Hochelaga, Michel Jetté sait ce que cela veut dire. Enfant, il a habité près d’un des donjons du chapitre nord d’une célèbre bande de motards. La bâtisse avait un canon antiaérien et les barbes immenses des motards impressionnaient les gamins qui filaient en vélos.

Hochelaga, Michel Jetté sait ce que cela veut dire. Enfant, il a habité près d’un des donjons du chapitre nord d’une célèbre bande de motards. La bâtisse avait un canon antiaérien et les barbes immenses des motards impressionnaient les gamains qui filaient en vélos. Entre les bons à l’école et ceux qui frisaient la délinquance, Michel Jetté avait deux groupes de copains: il possédait déjà les prémisses d’Hochelaga, son second film (après le poétique Lac de la lune), présenté en compétition officielle au FFM. «Au début des années 80, j’ai aussi rencontré un personnage passionnant qui était dans le milieu interlope. On s’est liés d’amitié, et il m’a proposé un boulot de portier. J’étais fasciné par ce monde-là, mais je n’ai jamais vraiment répondu à son offre. Il a compris. Hochelaga, c’est un peu comme l’histoire inventée de ce qui me serait probablement arrivé», explique Jetté, un peu fébrile avant la sortie de son film.

Triste histoire… Marc (Dominic Darceuil) est un jeune délinquant qui vide des dépanneurs avec ses deux potes, Nose (Jean-Nicolas Verreault), un skinhead bouillonnant, et Bof (Michel Charette), un graffiteur pacifiste. Ébloui par le monde des bikers, par les grosses cylindrées américaines, et se défonçant allégrement dans des soirées trash, Marc finit par attirer l’attention de Tatou (Deano Clavet), président du chapitre Hochelaga des Dark Souls, de Massif (Ronald Houle), son sergent d’armes, et de Finger (David Boutin), le tueur à gages de l’organisation. Une guerre de motards se prépare, et Marc subit les rites de passage. En entrant dans le cirque, il commence à peine à comprendre l’ampleur de la bataille…

«La toile de fond, c’est l’actualité d’aujourd’hui. La scénarisation du film a été entrepris au moment où la guerre des motards débutait, il y a 4 ans. Et au fur et à mesure que j’écrivais, je me disais qu’il y aurait probablement quelqu’un qui sortirait un truc avant moi!» Mais personne ne l’a fait, et malgré un budet contraignant et 20 jours de tournage (un tour de magie orchestré par la productrice Louise Sabourin), Jetté a bouclé un film précis comme une enquête et rugueux, à la manière des reconstitutions dramatiques. On entre dans Hochelaga à la fois attendri par un beau gosse qui ne sait pas encore qu’il est le héros d’une tragédie et fasciné par un milieu dangereux et excitant. «Au début, je voulais imager une quête d’identité, mais c’est devenu rapidement une réflexion sur le pouvoir et sur la manipulation», explique le réalisateur.

Marc est un type paumé de 20 ans, avec une mère (Michèle Péloquin) qui n’a pas les mots pour le retenir. Il est donc facilement happé par une autre famille, celle des motards, qui fonctionne exactement comme une secte: on tente le sujet, on l’accepte au sein du groupe, et en guise de signes d’appartenance, on lui impose des épreuves et on lui lave le cerveau. Et dans Hochelaga, la recréation de cette réalité parallèle inquiétante est bien construite, notamment lors d’une scène d’intronisation dans un camping, au cours d’une beuverie générale, où l’on passe en un clin d’oeil d’une camaraderie virile au danger et à la mort.

Si le scénario d’Hochelaga saisit bien le côté noir de ce groupe urbain et la descente aux enfers de certains de ses membres (excellents David Boutin, Jean-Nicolas Verreault et Ronald Houle), on a souvent l’impression de voir un épisode d’Omertà , avec un personnage principal difficilement crédible. Non pas par sa joliesse, mais par son vernis propret, Darceuil n’est pas convaincant en guerrier solitaire. Et parfois, pour l’acteur comme pour le réalisateur, on sent le travail du bon élève qui n’a pas laissé le mauvais garçon prendre le dessus… Mais Michel Jetté a tout le temps d’approfondir le côté obscur des choses: il travaille à une adaptation de l’oeuvre de Léo Lévesque, auteur qui a passé 20 ans en prison.

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